Logements avec PEB médiocre: financer les travaux n'est pas aisé. © belga image

Rénover son logement maintenant, rembourser plus tard: le prêt qui pourrait tout changer

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Les Engagés proposent la formule du « prêt avance rénovation » au parlement de Wallonie. Le principe : faire des travaux pour améliorer le bilan énergétique de son logement en reportant le remboursement de l’emprunt à la vente ou à la succession. Une piste crédible ?

Plus de 70% des ménages belges sont propriétaires de leur logement, selon une récente enquête de la Banque nationale de Belgique (BNB). La majorité d’entre eux peuvent bénéficier, dans des proportions variables selon leur niveau de revenus, de primes et de prêts à taux 0% pour améliorer l’efficacité énergétique de leur logement. La marge de progression est considérable: en Wallonie, 59% des logements afficheraient un PEB médiocre (E, F ou G), selon les données de l’administration. Dans la capitale, cette proportion s’élèverait à 65%, d’après Bruxelles Environnement. Bien que la méthodologie PEB soit perfectible, ces ordres de grandeur reflètent la faible performance énergétique du bâti existant, affectant d’autant plus les finances des ménages quand les prix des énergies s’envolent. En 2021, un sur cinq était en situation de précarité énergétique, estime le dernier baromètre de la Fondation Roi Baudouin. Le prêt avance rénovation peut-il changer la donne ?

Les nouvelles formes de financement pour des rénovations énergétiques deviendront indispensables.

A supposer que les particuliers aient la patience de les solliciter, les aides à la rénovation ne résolvent en effet pas tout. D’un côté, les familles aux revenus modestes ou de la classe moyenne inférieure ne peuvent souvent pas se permettre d’emprunter pour payer la part des travaux non couverte par les primes. De l’autre, des personnes âgées n’ont soit pas accès à des possibilités d’emprunt, soit pas le temps utile dans leur habitation pour bénéficier du retour sur investissement. Forts de ce constat, Les Engagés ont récemment soumis une proposition de décret au parlement de Wallonie incluant, notamment, la piste d’un «prêt avance rénovation», comme la France l’a mis en place il y a un peu plus d’un an. En complément des primes, il consiste à financer des travaux de rénovation énergétique par le biais d’un emprunt bancaire qui ne sera remboursé qu’au moment de la vente ou de la succession du bien.

Prêt avance rénovation : un gain immédiat

Selon le profil du débiteur, celui-ci peut aussi différer le remboursement des intérêts. L’Etat apporte une garantie à hauteur de 75% du montant, en complément à l’hypothèque prise par la banque sur le bien immobilier. «Ce système permet à la personne qui investit d’avoir un retour immédiat sur l’investissement, souligne François Desquesnes, chef de groupe Les Engagés au parlement de Wallonie. Il s’appuie sur l’augmentation de la valeur vénale du bien qui en résultera. Car, tant en locatif qu’en acquisitif, on sait que les passoires énergétiques perdent de la valeur

En France, le prêt avance rénovation s’adresse pour le moment aux ménages propriétaires de leur logement et dont les ressources financières sont modestes. Seuls le Crédit Mutuel (dont sa filiale CIC) et la Banque postale le proposent à ce stade, en fixant librement les conditions du financement: la première établit un plafond à 30 000 euros, la seconde à 70% de la valeur du bien – 25 à 45% pour les plus de 60 ans. La Wallonie, elle, pourrait établir d’autres critères, suggère François Desquesnes: «Ce type de prêt s’adresserait essentiellement aux personnes qui s’engagent dans des travaux lourds, pour lesquels le gain énergétique se calcule sur vingt ou trente ans, et à toutes celles qui ont des difficultés d’accès au crédit bancaire

Plutôt bien accueillie en commission Energie, l’idée pourrait toutefois se heurter à une série d’obstacles dans la pratique. Dans un avis rendu le 8 novembre 2022 à la demande des Engagés, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) de la Wallonie souligne l’intérêt d’une telle formule, mais s’interroge sur le risque de distorsion du marché et de dessaisissement de l’accès des ménages à la pleine propriété de leur bien. «Quoi qu’il arrive, ce système réduit les arbitrages qu’un ménage peut faire en fin de vie s’il souhaite transformer tout ou partie de son logement en cash, en recourant par exemple au viager, commente Philippe Defeyt, président de l’Institut pour un développement durable. En outre, la majorité des personnes à revenus modestes sont locataires et ne pourront donc pas y prétendre.» Pour Sandrine Meyer, chercheuse au Centre d’études économiques et sociales de l’environnement de l’ULB, «les nouvelles formes de financement pour des rénovations énergétiques deviendront indispensables. Le prêt avance rénovation est une idée parmi d’autres, mais il fait porter une partie du coût des rénovations à la génération suivante. Or, les enfants de ménages en situation de précarité n’ont pas nécessairement davantage de revenus. Quand ils vivent en copropriété, ils ne peuvent en outre décider seuls des investissements.»

D’autres options

Dans son avis, le Cese évoquait celle du «prêt à la pierre», qui consiste à «lier le crédit au bâtiment et non pas au propriétaire». Pour le ministre de l’Energie, Philippe Henry (Ecolo), la proposition des Engagés rejoindrait, sur le principe, l’un des projets du plan de relance wallon, à savoir la création de fonds d’investissement pour faciliter la rénovation de bâtiments à coûts réduits. De son côté, Philippe Defeyt estime qu’il serait opportun de coupler le prêt avance rénovation à une éventuelle division du logement, selon les cas de figure: «Du fait du vieillissement de la population, de plus en plus de ménages vivent dans des logements trop grands. On pourrait profiter d’une division de l’habitation pour rénover le tout, ce qui présente trois avantages: on crée deux logements de qualité, le ménage concerné reste propriétaire d’un bien conforme à ses besoins et cela bénéficie également aux héritiers potentiels.»

En France, les banques n’ont émis que 36 prêts avance rénovation en 2022, annonçait le ministre délégué chargé de la Ville et du Logement, Olivier Klein, en janvier dernier. Un maigre butin imputable en partie au manque de visibilité de la mesure et au nombre de banques qui la proposent. «En Belgique, tant que nous n’avons pas un service public d’accompagnement des chantiers de A à Z, je crains qu’une telle formule ne suscite pas davantage d’engouement», commente Sandrine Meyer. A cette fin, la proposition de décret des Engagés inclut précisément la création d’un droit à l’accompagnement des citoyens dans leur projet de rénovation. Le texte sera réexaminé en commission le 17 avril prochain.

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