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Exclusif : le recteur de l’ULB répond aux critiques

Didier Viviers, recteur de l’ULB, n’était pas en première ligne lors du débat avec Caroline Fourest. Mais présent et horrifié. Il défend son institution et les pratiques du libre-examen.

Le Vif/L’Express: L’incident « burqa, blabla ! » est-il révélateur d’une mutation de la sociologie de l’ULB ?
Didier Viviers: Je ne le pense pas. Qui étaient ces perturbateurs ? Ce n’est pas évident. L’instruction est en cours. Il n’y avait pas d’autres membres du corps académique ou scientifique que Souhail Chichah et tout au plus un ou deux étudiants de l’ULB. On n’est pas là en présence d’un public largement intérieur à notre université.Si vous pouviez voir ma boîte mail depuis mardi, vous vous rendriez compte que toute l’université est derrière ses autorités et son recteur pour condamner cette atteinte à la liberté d’expression. Je refuse fermement que l’on profite de cet événement pour caricaturer l’ULB et son public. Ce qui est vrai, en revanche, c’est qu’une université est le reflet de l’état de notre société, d’autant plus qu’on y encourage la liberté d’expression. C’est cela que je veux défendre. Il n’y a pas, à l’ULB, une prise de pouvoir de groupes minoritaires comme l’a dit Caroline Fourest.

Le Cercle des étudiants arabo-musulmans, fondé par Souhail Chichah, s’est-il prononcé sur l’incident ?
Pas encore.

Si Souhail Chichah n’est qu’un épiphénomène, que faisait-il encore à l’ULB ?
Je ne vais pas m’exprimer sur Souhail Chichah. Une instruction est en cours. On ne va pas faire son procès dans la presse. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il a organisé délibérément une entrave à la liberté d’expression.

N’avez-vous pas fait preuve de trop de mansuétude à son égard lorsqu’il a frôlé le dérapage antisémite dans un débat, à l’ULB, sur le prétendu humoriste Dieudonné et la liberté d’expression ? Je ne regrette pas ma mansuétude lors de l’incident avec le Pr Sosnowski. J’invite à ne pas communautariser le débat. Ce qui a choqué, mardi soir, c’est qu’on a empêché le débat. Qu’il exprime son opinion ou des arguments en tant que chercheur, je n’ai aucune opposition contre cela. Mais qu’il empêche l’autre de parler sans même articuler un raisonnement qui tienne, ce sont des méthodes d’extrême droite que l’université ne peut pas tolérer.

Vu les messages postés sur Facebook par l’intéressé, l’ULB n’aurait-elle pas dû être plus proactive ?
Je comprends la question. C’est le problème le plus délicat. Nous avions renforcé le service de sécurité suite aux messages sur Facebook. Le président du conseil d’administration, en charge de la sécurité, avait reçu Souhail Chichah pour le mettre devant ses responsabilités. Celui-ci avait répondu que ce serait un mouvement de protestation. Mais ce n’est pas ça qu’ils ont fait. Il faut prendre la mesure des choses… Nous ne voulons pas d’une société policière. Qu’aurait-on dit si la police était intervenue ? On ne peut pas mettre des policiers partout. Je pense que c’est tous les membres de la communauté universitaire qui doivent prendre leurs responsabilités.

La réaction des membres présents des autorités académiques a pu paraître molle face aux vociférateurs… On ne peut tout de même pas leur répondre sur le même ton ! Nous sommes démunis devant cela. Vu la solidarité qui se manifeste de partout, je suis persuadé que nous vaincrons. Mais nous n’avons pas à nous situer dans un cadre policier. L’extrême droite n’attend que cela pour dire que l’université n’est plus le temple de la liberté de parole. Elle aura alors gagné.

En 2007, l’ULB avait lancé un « chantiers valeurs » après des débats tournant autour du fait communautaire: trop de conférences unilatérales données par Tariq Ramadan à l’ULB, un colloque vantant les mérites du système ottoman de gestion des cultes… Chacun a ses valeurs, c’est quelque chose d’important, mais il faut aussi se préoccuper des pratiques. Le libre-examen est, en grande partie, une pratique: de la critique, du respect, de l’organisation des échanges d’idées. En 2007, j’étais en congé sabbatique à l’étranger, j’ai suivi ces débats de loin. Ce qui m’importe, c’est la préservation de nos pratiques et sur ce dossier, je serai intransigeant. On peut discuter les valeurs, mais pas les pratiques qui permettent de les discuter.

Allez-vous demander le renvoi de Souhail Chichah ?
En tant que recteur, je n’ai rien à dire dans un premier temps. C’est la commission de discipline, composée de représentants du corps académique et scientifique, qui rendra ses conclusions, je l’espère, avant la fin du mois. Cela demande un peu de temps à cause des vidéos à visionner. Nous ne voulons pas qu’on nous reproche une justice expéditive.

Quelle est la gamme des sanctions majeures ?
Il y a deux options: la suspension pendant un mois avec retrait de salaire et l’exclusion de l’université.

Pour laquelle plaidez-vous ?
Je ne peux pas répondre à cette question.

Entretien: Marie-Cécile Royen

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