Du concept au projet, du projet au chantier, du chantier à la réalité, chaque chose prend son temps.

Des échafaudages au Palais de Justice, un RER sans terminus…: ce avec quoi vit la Belgique depuis 40 ans

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Un RER sans terminus

C’est sûr, il finira par entrer en gare. En 2031 au grand plus tard, dans sa version aboutie. Probablement un chouia trop lent pour être offert en cadeau à la Belgique bicentenaire en 2030, qui fut pionnière du rail européen à sa naissance.

Un Réseau express régional de, vers, dans et autour de Bruxelles: du concept au projet, du projet au chantier, du chantier à la réalité, chaque chose a pris, prend et prendra son temps. L’idée percole dans les années 1980, à la vue d’une capitale au bord de la congestion automobile et qu’il importe de soulager par un transfert de la voiture vers les transports en commun.

On cogite, le gouvernement et une SNCB déjà pas au mieux de sa forme sont sur le coup. 1989 sera l’an I de la mise à l’agenda du futur RER, avant que la task force ad hoc ne voit le jour dès juin 1991 et que l’on se donne rendez-vous en 2002 pour la mise sur orbite. Ce sera plutôt rendez-vous en 2004 pour un timide début de matérialisation.

C’est que rien ne se passe vraiment comme prévu. Le chantier paresse plus qu’il ne progresse, au gré des rivalités et des blocages entre niveaux de pouvoirs, de visions différentes du projet, des résistances de riverains et de communes peu enchantés de cette intrusion ferroviaire sur leurs terres et, last but not least, de l’argent qui vient à manquer. Le RER se retrouve pris au piège d’un fédéralisme de confrontation, otage de la clé de répartition 60/40 censée équilibrer l’avancée des travaux entre Régions.

Le chemin de croix ne cesse de s’enrichir de points d’arrêt et l’échéance, un temps réactualisée, à 2012 est sans cesse reculée.

La Cour des comptes, payée pour appuyer là où ça fait mal, dresse, en janvier 2017, le portrait d’un tortillard lancé dans le brouillard: objectifs inconsistants, suivi défaillant, délais et budgets irréalistes. Car le temps c’est aussi de l’argent: le compteur du coût du chantier dépassera les trois milliards. Mais il faudrait être de mauvaise foi pour prétendre que le RER n’aurait pas encore surgi de terre. L’été dernier, au Parlement, Georges Gilkinet (Ecolo), énième porteur du dossier sous sa casquette de ministre fédéral de la Mobilité, incitait à ne pas désespérer: «Même si le RER avance par petites touches, nous avons atteint 80% des objectifs de fréquences et de connexions. Nous avançons vers les 100%, qui ne seront pas atteints sous cette législature». Une galère, ce RER.

Une dette publique toujours aussi monstrueuse

Elle y est, elle y reste. Et résiste à tous les assainissements et cures d’austérité. Il y a quarante ans, le Belge faisait plus ample connaissance avec la dette publique et sa foudroyante accélération sous un effet « boule de neige » des charges d’intérêts à payer. Peut-être s’accrochait-il encore à l’espoir un peu fou suscité, début 1980, par un ministre PS du Budget nommé Guy Mathot: « Le problème des déficits budgétaires est arrivé de lui-même, il partira de lui-même. » Depuis, le contribuable a eu tout le temps de s’accoutumer au poids écrasant de cette dette sur les finances de l’Etat et sur son portefeuille. Quoi de neuf sous le ciel budgétaire? Rien, ou si peu. Un taux d’endettement pointé à 109,4% du PIB en 1983, pronostiqué à 108,2% pour 2023 selon la Cour des comptes, à 107,9% selon la Banque nationale.

Si ce n’est pas un retour à la case départ, c’est tout de même la désagréable impression d’un désespérant surplace. « Le déséquilibre exceptionnellement grave des finances des pouvoirs publics perdure. Tous les avis exprimés dénoncent toujours la hauteur du déficit, générateur d’un endettement dont les charges énormes grèvent, d’avance, les budgets ultérieurs. […] Dès lors, les restrictions budgétaires qu’il faudrait effectuer dans les prochaines années devraient être rigoureuses », recommandait le rapport de la Banque nationale cuvée 1983. L’été dernier, l’un de ses responsables auditionnés au Parlement n’avait rien de mieux à annoncer qu’un « déficit budgétaire structurellement élevé », « une augmentation des charges d’intérêt pour la première fois depuis les années 1980 » ou « une Belgique en queue de peloton des pays de la zone euro », incorrigible mauvais élève de la classe budgétaire européenne.

Des tueurs fous qui courent toujours, un mobile qui reste un mystère

Ils restent les criminels les plus recherchés du royaume.

Des tueurs sans visage, sans nom, sans mobile identifié, insaisissables, police et justice à leurs trousses depuis quarante ans. Ils signent leur premier forfait contre une grande surface à Genval, le 11 février 1983. Un pays tout entier s’épouvante à suivre une équipée sauvage sans logique apparente, pour des butins sans rapport avec les bains de sang commis. Vingt-huit morts au total, avant de s’évanouir dans la nature en toute impunité.

Car le carnage se double d’un naufrage, policier et judiciaire, le plus retentissant que la Belgique ait connu. La traque s’égare au fil de bévues qui font travailler les imaginations.

On croit voir la main de ces tueurs fous du Brabant dans une tentative de déstabilisation de l’Etat avec d’(ex-)gendarmes à la manœuvre, dans un chantage aux «ballets roses» impliquant de gros bonnets, dans un racket visant la chaîne Delhaize.

Pistes à ce jour sans issue et une affaire non classée qui peine à rebondir au fil de l’une ou l’autre arme repêchée dans un canal, de la confession posthume d’un ex-gendarme à la taille de géant et autoproclamé tueur du Brabant. Dernier épisode en date: l’arrestation, fin janvier dernier, en Thaïlande, de l’ex-gendarme Robert Beijer, vieille connaissance du dossier, souvent suspecté jamais inculpé, attendu en Belgique. Pour enfin savoir?

Les éternelles nuisances sonores de l’aéroport de Zaventem

L’idée malheureuse et illogique d’implanter, en 1958, un aéroport d’envergure internationale aux portes de la capitale poursuit, de jour comme de nuit, des centaines de milliers de foyers survolés. Le manège consiste donc, pour les Bruxellois et les Flamands, à se refiler les nuisances sonores à coups de routes aériennes et de contestations devant les tribunaux. Aux dernières nouvelles, l’actuel ministre de la Mobilité, Georges Gilkinet (Ecolo), a un plan «pour sortir de l’ornière».

33 ans que le permis à points patiente

Le permis à points sommeille dans une loi depuis 1990. Le 2 février dernier, à la Chambre, Georges Gilkinet (Ecolo), ministre de la Mobilité, a été mis au pied du mur: «Soit le ministre entre dans l’histoire comme l’homme qui a concrétisé le permis à points, soit il ajoutera son nom à la longue liste des ministres des Communications qui ont brillé par leur immobilisme.» Le fédéral serait sur le point de le mettre au point.

Un Palais de justice de Bruxelles décoré d’échafaudages

Le Palais de Justice de Bruxelles et ses échafaudages, c’est une idylle forcée entamée en 1984. Ils ne se sont plus quittés depuis, inséparables compagnons de l’infortune du monumental édifice. Le retrait du corset de fer de la façade est programmé pour 2024, la séparation totale espérée pour 2030, année du bicentenaire de la Belgique et des noces de lavande pour 46 ans de mariage.

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