Christine Laurent

De l’eau dans le gaz

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Quel culot ! Alors qu’ils étaient censés geler le prix du gaz et de l’électricité dès le 1er avril, Electrabel, Luminus et Essent ont froidement augmenté leurs tarifs, faisant fi du vote du Parlement. Un véritable camouflet pour le gouvernement et nos élus.

Un geste provocant et inacceptable. Sans foi ni loi, les énergéticiens ? Sans aucun doute. Leur terrain de jeu ? Une jungle où tout est permis. Bien mijoté, leur coup de théâtre, du grand art ! Comme ils sont malins quand il s’agit de rouler le consommateur ! Naïf, le gouvernement papillon ? Probablement. Mais surtout bien ambigu. Car, selon les fournisseurs, il aurait été informé dès la mi-mars de leur intention de ne pas respecter le diktat légal. C’est qu’ils avaient très vite repéré une faille dans laquelle ils allaient, sans états d’âme, s’engouffrer. Et de toute évidence, c’est dans un texte mal fichu qu’elle se niche. Un de plus. Hélas, hélas, dans notre pays en voie d’errance et de déshérence, on ne les compte plus, ces dispositions bancales. Pour preuve, notre bêtisier de cette semaine qui en épingle toute une série en pagaille. Un comble !

Tout cela prêterait à rire si les conséquences financières pour le citoyen n’étaient pas aussi désastreuses. Car derrière cette augmentation des produits énergétiques se profile inévitablement l’ombre de l’index. Il titille de nombreux ténors politiques apparemment ces derniers jours. Résultat, trois partis (Open VLD, MR, CD&V) de la coalition sur six se prononcent clairement pour la sortie du précieux outil du tiroir des sujets tabous. Mais qu’en termes choisis ces choses-là sont dites ! On caresse le Premier ministre dans le sens du poil en rendant un vibrant hommage à son travail. Puis c’est l’attaque tout en circonvolutions. Cible visée, le PS qui campe sur un « niet » prétendu irrévocable. Pas touche, surtout à une encablure du 1er Mai et des élections sociales.
La discussion, désormais inévitable au nom de la compétitivité de nos entreprises, s’invitera donc cet été. On nous annonce un duel sanglant entre socialistes et libéraux, avec le CD&V et le CDH pour arbitres. De la poudre aux yeux, de l’enfumage, dénoncerait Mélenchon. Car c’est bien plutôt une commedia dell’arte qu’on nous écrit en coulisses. Tant il apparaît qu’en effet, si l’on ne touchera pas à l’indexation des salaires, histoire de ne pas envoyer les syndicats illico dans la rue, on nous concocte d’autres surprises, avec la complicité des socialistes. Les déclarations des uns et des autres ne seraient que des petits coups de sonde à l’intention des partenaires politiques et sociaux. Une stratégie tout en douceur qui viserait en réalité la révision des ingrédients du panier qui composent le sacro-saint index, histoire d’en raboter l’impact. Dans ce contexte, le gel des prix énergétiques se révélait miraculeusement salutaire. Patatras, il n’en sera donc rien, retour dès lors à la case départ. Mais le gouvernement a d’autres astuces en réserve. Ainsi, pourquoi pas un lissage étalé dans le temps, comme le suggère le secrétaire d’Etat CD&V à la Fonction publique, Hendrik Bogaert ?

De fait, a-t-il vraiment le choix ? Elio Ier cherche désespérément des pistes pour économiser pas moins de 11,3 milliards à l’horizon de 2015, dont 5 milliards pour 2013. Tout en relançant un semblant de croissance. Alors, on tâtonne à l’aveugle. Il n’empêche, pour les trouver, ces milliards, doit-il nous infliger une politique buissonnière sans lisibilité populaire ? Que vont donc encore inventer les partis de la majorité pour nous emballer sans nous informer clairement et correctement ?

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