Olivier Mouton

Coronavirus: l’ère de la « distanciation sociale », un aveu d’impuissance

Olivier Mouton Journaliste

Adieu, temporairement, aux… poignées de main, aux bisous et aux rassemblements de plus de mille personnes. La Belgique entre dans une nouvelle ère. Nous sommes seuls responsables.

« Ce ne sera pas facile pour la population belge qui est très chaleureuse, mais nous conseillons d’éviter les bisous et les poignées de main. » Sophie Wilmès, Première ministre d’un gouvernement fédérale minoritaire en affaires courantes, a tenté d’adopter un ton ferme, mais non alarmiste alors qu’elle est confrontée à une crise sanitaire d’envergure. A l’issue du Conseil de sécurité nationale, réunissant le fédéral et les entités fédérées, les autorités belges ont mis en avant un concept : la distanciation sociale. C’est avec celui-ci que nous devrons vivre ces prochaines semaines, jusque fin mars au moins

Il s’agit en réalité d’une mise en forme plus claire de la bonne volonté collective exigée ces derniers jours à la population. La seule mesure réellement coercitive est l’interdiction des rassemblements de plus de mille personnes en milieu confiné. En milieu ouvert, cela reste possible. Les autres mesures ne concernent pour ainsi dire que des conseils de bon sens, pour la plupart déjà énoncés : éviter les fêtes scolaires et les voyages dans des zones à risque, encourager le télétravail pour les entreprises, éviter de la sorte de prendre trop les transports en commun… « Pourquoi on n’oblige pas plus? Parce qu’à ce stade-ci, ce n’est pas nécessaire, souligne Sophie Wilmès. On veut ralentir la propagation du virus pour pouvoir gérer le flux de patientèle. » Tout ça pour ça ? Circulez, il n’y a pas grand-chose à voir !

Alors que l’Italie a décidé d’une quarantaine inédite de tout le territoire, alors que plusieurs pays interdisent les événements sportifs de haut niveau ou ferment des écoles, on est en droit de s’interroger sur le caractère somme toute « minimaliste » des « nouvelles mesures » décidées en Belgique. Non pas que l’on souhaite une psychose collective avec une quarantaine généralisée si cela n’a pas lieu d’être, mais parce que des questions naturelles viennent à l’esprit. Pourquoi, par exemple, un rassemblement de mille personnes est-il plus problématique qu’un autre de 700 personnes ? Un groupe de rock, Nada Surf, a déjà décidé de diviser par deux son concert parisien pour le maintenir. Pourquoi limiter les tests si ce n’est en raison d’un manque de moyens ?Pourquoi se contenter de simples conseils vis-à-vis des populations les plus fragiles ? Le cas de ce service de gériatrie placé en quarantaine à Herentals, par exemple, montre que le risque est réel. La Wallonie, elle, a décidé une mesure ferme: interdire les visites aux maisons de repos.

La communication des gouvernements du pays était censée apporter un message plus clair, moins confus, mais elle sème le doute parce qu’elle n’apporte en réalité rien de nouveau et qu’elle continue à camoufler des manquements énoncés par les praticiens (ah cette question des masques !). Cest en quelque sorte un aveu d’impuissance. Il s’agit certes de saluer le fait que le fédéral et les entités fédérées parlent en choeur, mais l’application des recommandations a déjà donné lieu à une nouvelle confusion avec des mesures complémentaires ans les Régions et des communes exprimant leurs rétiences, la moindre n’étant pas Anvers, celle de Bart De Wever, président der la N-VA. Nos ministres veulent induire une nouvelle culture des rapports sociaux, mais cela suscitera sans doute autant des sourires que de changements de comportement réels. Et des sarcasmes de la part de ceux qui considèrent que ce ne sont que de simples recommandations.

L’épidémie continue à croître et on ne sait pas vraiment dans quelle proportion c’est le cas chez nous en raison de tests non systématiques. Les pays européens continuent à parler de plusieurs voix et, alors que la maladie n’a pas de frontières, l’Autriche a décidé de fermer la sienne avec l’Italie en quarantaine. Chez nous, le seul message qui prévaut en réalité, c’est que nous sommes, nous citoyens, les seuls en mesure de ralentir l’épidémie avec nos comportements responsables. En croisant les doigts pour que nos attitudes ne mettent pas in fine nos systèmes de santé sous une pression insoutenable.

Serrons-nous moins la main, ne nous embrassons pas et saluons-nous donc du pied, avec nos chaussures. Et attendons que le pic de l’épidémie passe.

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