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Bpost et l’Etat belge, une relation toxique? Les dessous du scandale postal

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

A cheval entre le privé et le public, bpost est au bord du gouffre (médiatique). Les reproches faits à l’entreprise postale sont nombreux. Son statut hybride et la présence du monde politique en son sein font apparaitre le fantôme d’un conflit d’intérêt.

Les assemblées générales des entreprises n’attirent pas toujours l’attention. Celle de bpost qui se tenait le 10 mai a par contre attiré tous les regards. Lors de cette assemblée générale, deux points normalement à l’ordre du jour ont été retirés. Il s’agit de la rémunération liée aux bonus des dirigeants de l’entreprise postale, ainsi que la décharge aux administrateurs. Ce procédé suppose d’approuver la politique menée les administrateurs d’une entreprise sur une période donnée, avant de les décharger de leur responsabilité. Le fait que la ministre Petra De Sutter ait voulu reporter le vote de ce point est lourd de sens, analyse l’économiste Bruno Colmant. « Cela signifie qu’il existe des défauts de gouvernance au sein même du conseil d’administration de l’entreprise. Et nous rappelle qu’être dirigeant n’implique pas que toucher les dividendes de son entreprise. Il faut aussi rendre des comptes ».

Le conseil d’administration de l’entreprise postale devait des explications aux actionnaires, pour au moins deux raisons. D’abord parce que deux membres du cabinet de la ministre de la Poste Petra De Sutter (Groen) étaient payés par bpost. Ensuite, révèle L’Echo, parce que l’un des employés suivait le dossier controversé de la concession de la distribution de journaux. Un service au public largement (trop, estiment certains) subsidié par l’Etat belge et confié à bpost dans des circonstances encore troubles. L’Autorité de la concurrence et la justice devront déterminer si l’entreprise postale a obtenu le marché pour 2023 via un appel d’offres réalisé dans les règles de l’art.

bpost et l’Etat belge, une relation toxique ?

Quoi qu’il en soit, ces deux révélations mettent la puce à l’oreille quant aux liens possiblement toxiques entre bpost et l’Etat belge. Bpost est une entreprise publique semi-autonome. Elle gère donc autant des activités publiques que commerciales. C’est peut-être là que le bât blesse. « Normalement, une entreprise cotée en Bourse ne peut pas présenter de tels problèmes de gouvernance et de transparence, pose Bruno Colmant. Je comprends par contre que l’Etat reste actionnaire car la poste est d’utilité publique et un monopole de fait ». Se pose alors la question de l’audit interne réalisé au sein de l’entreprise, censé mettre en lumière les irrégularités. Lors de l’assemblée générale, la présidente du CA Audrey Hanard a réaffirmé que celui-ci était réalisé de manière correcte.

La responsabilité limitée de Petra De Sutter

Au micro de Matin Première, la ministre des Entreprises publiques a affirmé qu’elle avait découvert les problèmes de bpost dans les médias, arguant qu’elle ne suivait pas le fonctionnement de l’entreprise au quotidien. « Petra De Sutter a raison sur ce point-là » avance Marie Goransson (ULB), qui a notamment publié des travaux sur la responsabilisation des hauts fonctionnaires. « La ministre n’a la tutelle que sur les activités publiques de bpost, définies dans le contrat de gestion. C’est le conseil d’administration qui endosse la responsabilité des activités commerciales ».

« Si l’entreprise a obtenu le marché du fait de ses relations privilégiées avec le gouvernement, alors il y a un problème »

Marie Goransson

Les pratiques de bpost séparent-elles bien ce qui relève du privé de ce qui relève du public ? Des voix s’élèvent pour dénoncer le comportement de l’entreprise postale, qui ferait passer ses intérêts privés avant ses missions de service public. Le dossier de la concession des journaux et magazines reste au centre des interrogations. « Si bpost a obtenu le marché après un appel d’offres au vu de ses tarifs concurrentiels, tout va bien, indique Marie Goransson. Si l’entreprise a obtenu le marché du fait de ses relations privilégiées avec le gouvernement, alors il y a un problème. Surtout si cela coûte de l’argent au contribuable belge ».

bpost, payé grassement par le gouvernement ?

Les récentes révélations font pencher la balance du côté de la deuxième option, puisqu’un des deux membres du cabinet De Sutter payé par bpost a travaillé sur la concession des journaux. Un service pour lequel l’Etat verse 125 millions d’euros par an à l’entreprise postale depuis 2022. Nos confrères du Soir rappellent qu’auparavant, le contrat de gestion définissait un montant plutôt autour des 90 millions d’euros.

D’aucuns estiment que les arguments avancés par Petra De Sutter tiennent la route. La défense de la ministre devrait lui permettre de rester en place, alors qu’elle a passé l’épreuve des questions en commission. Le ministre de l’Economie Pierre-Yves Dermagne (PS), mis en cause dans le dossier de la concession des journaux, ne peut pas en dire autant. Cela va chauffer du côté de son cabinet dans les prochains jours, confesse un membre du gouvernement.

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