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Coronavirus : l’OMS est-elle alarmiste ou réaliste ?

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

L’Organisation mondiale de la Santé communique quasi quotidiennement sur la propagation du nouveau coronavirus. D’une « très grave menace » à « une chance réaliste de le stopper », l’OMS oscille entre la prudence et l’alarmisme. Décryptage.

« Si nous investissons maintenant (…) nous avons une chance réaliste de stopper cette épidémie », a déclaré le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Cela reste « une grande urgence » pour la Chine, « mais cela constitue aussi une très grave menace pour le reste du monde », avait-il déclaré plus tôt. Les autorités sanitaires ont par ailleurs décidé de renommer provisoirement le nouveau coronavirus : « COVID-19 » au lieu de « 2019-nCoV ». La communication de l’Organisation mondiale de la Santé se veut tantôt rassurante, tantôt alarmiste. Comment l’expliquer ?

Crainte d’une flambée mondiale

En dehors de la Chine continentale (plus de 1100 décès), le virus a entraîné la mort de deux personnes, une aux Philippines et une autre à Hong Kong, et plus de 400 cas de contamination ont été confirmés dans une trentaine de pays et territoires. Mais un scénario redouté s’est concrétisé: sans avoir jamais mis les pieds en Chine, un Britannique ayant contracté le coronavirus à Singapour l’a transmis à plusieurs de ses compatriotes lors d’un séjour dans les Alpes en France, avant d’être diagnostiqué en Grande-Bretagne.

Cet homme, qui a affirmé être « complètement rétabli », a ainsi accidentellement transmis le COVID-19 à onze autres personnes. La détection de ce petit nombre de cas pourrait être « l’étincelle qui finira par un plus grand feu » épidémique, s’était alarmé Ghebreyesus. Jusqu’alors, la majeure partie des contaminations identifiées à l’étranger impliquait des personnes revenues de Wuhan.

Le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus
Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus© Reuters

Double prudence

Une organisation de niveau mondiale telle que l’OMS se doit d’être doublement prudente. Prudente afin de conscientiser et prendre les mesures nécessaires pour éviter une propagation mondiale si le virus se révélait être un danger sanitaire sans précédent. Mais également prudente car elle doit peser ses mots pour ne pas provoquer un vent de panique généralisé. Comme dit l’adage, « mieux vaut prévenir que guérir. »

C’est sans doute pour cela que, rapidement après l’alerte donnée par la Chine et malgré le manque d’informations sur ce nouveau coronavirus, l’OMS a décidé de décréter l’urgence, le 30 janvier dernier. Plus précisément, « une urgence de santé publique de portée internationale ». C’est une mesure exceptionnelle, qui sert à lutter contre les flambées épidémiques internationales en collaboration avec les pays touchés.

Une « urgence internationale », c’est quoi ?

L’OMS entend par là un « événement extraordinaire dont il est déterminé qu’il constitue un risque pour la santé publique dans d’autres États en raison du risque international de propagation de maladies et qu’il peut requérir une action internationale coordonnée ». Cette définition implique que la situation est « grave, soudaine, inhabituelle ou inattendue; a des implications pour la santé publique dépassant les frontières nationales de l’État affecté; et pourrait nécessiter une action internationale immédiate ». Décréter l’alerte permet aussi d’homogénéiser la collecte et la surveillance des données, ou encore de stimuler les recherches sur des traitements et/ou vaccins.

Coronavirus : l'OMS est-elle alarmiste ou réaliste ?
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L’OMS a décrété ce type d’urgence sanitaire cinq fois auparavant : en 2009 pour la grippe H1N1, en 2014 pour la poliomyélite et pour la fièvre hémorragique Ebola, en 2006 pour le virus Zika et en 2019, de nouveau pour Ebola.

La peur de l’inconnu

L’Organisation détermine l’urgence en fonction d’une série de paramètres : taux de mortalité, mode de transmission, vitesse de propagation, contagion… Or, si l’on en sait chaque jour un peu plus sur le nouveau coronavirus, il existe aujourd’hui de nombreuses inconnues, ce qui rend l’évaluation des risques plus compliquée.

Les certitudes

  • Dangerosité : le COVID-19 est plus mortel que la grippe saisonnière, mais moins virulent que les précédentes épidémies liées à un coronavirus, le Sras (syndrome respiratoire aigu sévère) et le Mers (syndrome respiratoire du Moyen-Orient). En 2002-03, le Sras avait fait 774 morts dans le monde sur 8.096 cas (taux de mortalité : 9,5%). L’épidémie de Mers a fait jusqu’à présent 858 morts sur 2.494 cas depuis septembre 2012 (taux de mortalité : 34,5%).
  • Mode de transmission : le virus se transmet essentiellement par voie respiratoire et par contact physique. La transmission par voie respiratoire se fait dans les gouttelettes de salive expulsées par le malade (toux par ex.). Les scientifiques estiment que cela nécessite une distance de contact rapprochée, c’est-à-dire environ un mètre.
  • Symptômes : il se manifeste à travers une maladie respiratoire. La plupart des malades ont de la fièvre, deux tiers toussent, les cas de diarrhée ou de vomissements restent rares.
  • Patients : l’âge médian est de 47 ans, 58% sont des hommes. Un quart des malades avait au moins une maladie préexistante. Les cas les plus graves lors de leur admission à l’hôpital sont des personnes un peu plus âgées.

Les incertitudes

  • Capacité de transmission : c’est en partie la capacité à se transmettre qui détermine la gravité de l’épidémie. « Un virus relativement peu agressif peut quand même faire de gros dégâts si beaucoup de gens le contractent », souligne Michael Ryan, directeur des programmes d’urgence de l’OMS.
  • Mode de transmission (bis) : La diarrhée pourrait être une voie secondaire de transmission.
  • Contagion : des chercheurs chinois ont estimé que chaque malade infectait en moyenne 2,2 personnes. C’est plus que la grippe (1,3), nettement moins que la rougeole (plus de 12), et comparable au Sras (3). À l’échelle mondiale, l’ampleur de l’épidémie dépendra du degré de transmission du virus hors de Chine, car le « contact tracing » sera de plus en plus compliqué à mettre en oeuvre.
  • Taux de mortalité : on ne peut pas l’affirmer avec précision, car on ignore combien de personnes sont réellement infectées. Selon une étude de l’Imperial College de Londres, il est aujourd’hui estimé à 18% dans l’épicentre de l’épidémie. Au niveau mondial, ils l’évaluent à « environ 1% ».
  • Durée d’incubation : une équipe de chercheurs chinois a évalué lundi la durée d’incubation médiane à trois jours. C’est plus court que les estimations précédentes: l’OMS tablait sur un délai de deux à dix jours, tandis qu’une étude chinoise évoquait 5,2 jours en moyenne, avec forte variation. Ces estimations préliminaires ont conduit à fixer à 14 jours la période d’observation ou de quarantaine pour les cas suspects et les personnes rapatriées. Mais selon les données des experts chinois publiées lundi, le délai d’incubation pourrait aller jusqu’à 24 jours dans certains cas.
  • Traitement : il n’existe ni vaccin ni médicament contre le coronavirus. Si la prise en charge consiste à traiter les symptômes, certains patients se voient administrer des antiviraux, dont l’efficacité est en cours d’évaluation.
  • Origine : le COVID-19 est sans doute né chez la chauve-souris. Mais des chercheurs chinois ont affirmé que le pangolin pouvait également être en cause. La communauté scientifique internationale a jugé cette hypothèse plausible, ajoutant qu’elle devait être vérifiée.

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