Le prochain comité de concertation (Codeco) aura lieu le 18 juin. Il s'agira surtout de discuter des contacts sociaux durant l'été et du port du masque en rue. © belga

Port généralisé du masque levé à Bruxelles: va-t-il bientôt disparaître de nos vies?

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Les exécutifs réfléchissent à la fin du port du masque en extérieur durant l’été. Pour autant, il restera un accessoire quotidien indispensable dans certaines situations.

Le contexte

Le 4 juin, les exécutifs ont confirmé le déconfinement, dès le 9 juin, de multiples secteurs, à l’instar des restaurants en intérieur, des cinémas, des théâtres ou encore des salles de sport. Dans la foulée, la Région bruxelloise a levé le port généralisé du masque. Deux facteurs l’y ont poussée : le recul de l’épidémie et la cadence de la campagne de vaccination. Le prochain comité de concertation (Codeco) aura lieu le 18 juin. Il s’agira surtout de discuter des contacts sociaux durant l’été et du port du masque en rue. Plusieurs acteurs annoncent déjà vouloir assouplir le nombre de personnes autorisées à table dans l’Horeca (quatre pour l’instant).

A mesure que la vaccination progresse et que les beaux jours reviennent, le masque va-t-il bientôt disparaître ? Aux Etats-Unis, les autorités sanitaires ne recommandent plus aux personnes pleinement vaccinées (seconde dose depuis au moins 15 jours) de porter le masque – près de 40 % de la population – aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, sauf lors d’événements bondés, tels que des concerts en plein air, dans les transports en commun et dans les aéroports. En Israël, également, où 60 % de la population est entièrement vaccinée, son obligation a été levée. En Belgique, le port systématique du masque en public demeure la mesure de prévention la plus largement respectée par nos concitoyens, selon la dernière enquête sur le suivi des comportements sanitaires menée par l’UCLouvain.

Des indicateurs suffisants?

Les hôpitaux accueillaient, le 7 juin, 967 malades de la Covid-19, le chiffre le plus faible depuis début octobre 2020, dont 330 en soins intensifs. Dans le même temps, la proportion de la population belge ayant reçu deux doses de vaccin atteint désormais les 27,5 %. Ces indicateurs sont-ils dès lors suffisants pour envisager de ne plus se protéger la bouche et le nez, voies principales de trans mission du virus ? En réalité, voilà plusieurs semaines que les experts recommandent de lever l’obligation du port du masque dans les lieux peu fréquentés. Au cours de la traditionnelle conférence de presse tenue le 21 mai, Yves Van Laethem, le porte-parole interfédéral pour la lutte contre la Covid-19, précisait qu' »à l’extérieur, ce masque n’a de raison d’être que dans les endroits avec beaucoup de monde : magasins, rues commerçantes, regroupements trop nombreux dans un jardin… » Un avis partagé par d’autres scientifiques. « Ne plus porter le masque en rue est en phase avec l’épidémie, résume le docteur Yves Coppieters, épidémiologiste à l’ULB. Mais certains trouvent que la décision est prématurée. »

La question se pose d’autant plus que pour casser les chaînes de transmission, il faut au moins de 60 % à 70 % de la population totalement vaccinée. « Le facteur le plus important, c’est la protection des personnes les plus à risque, c’est-à-dire les plus de 65 ans et celles présentant des comorbidités », répond l’épidémiologiste. Pour ces groupes cibles, il faudrait atteindre une couverture vaccinale de 70 % à 80 %. « C’est ce qui déterminera la levée des certains gestes bar rières. » Selon Yves Coppieters, d’un point de vue scientifique, on pourrait dès à présent renoncer au masque, symbole le plus visible de l’épidémie. « Mais les politiques craignent un grand relâchement des comportements. On est encore dans une gestion paternaliste de la crise, alors que la gestion des risques consiste à responsabiliser les citoyens. » Lors d’une intervention télévisée, le 6 juin, le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke, évoquait septembre comme hori zon pour faire tomber le masque. Jusque-là, il faut imaginer des étapes intermédiaires, notamment à l’extérieur.

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L’exécutif bruxellois a décidé l’abandon du port généralisé du masque en Région bruxelloise, sauf dans les lieux très fréquentés, à l’intérieur des commerces et dans les transports en commun. En Wallonie, certaines communes pourraient également alléger les restrictions sanitaires selon leur situation épidémiologique et vaccinale. Chaque bourgmestre décidera, pour sa commune, les zones où porter le masque reste de rigueur, soit en situation de grande proximité.

Pas de passe-droit

Mais si l’on est vacciné, peut-on tomber le masque ? Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a indiqué que les mesures sanitaires comme le port du masque pourraient être assouplies pour les personnes vaccinées. Pour les autorités belges, en tout cas, c’est non. Parce que « dans l’espace public, explique Frank Vandenbroucke, il s’avère impossible de distinguer les individus vaccinés ». Seule exception : une minibamboche entre amis, mais « entre des amis pleinement vaccinés ». Bref, dehors, les Belges sont tous logés à la même enseigne.

Les experts interrogés, eux, y voient un privilège. D’abord, parce que tous les Belges ne se sont pas encore vus proposer la vaccination. Mais aussi parce que ce « passe-droit » accordé aux vaccinés risque d’entraîner des effets pervers. « Si vous dites à des gens : « Vous n’avez pas à porter le masque si vous êtes vacciné », les personnes qui ne le sont pas hésiteront à le mettre car cela voudra dire qu’elles ne sont pas vaccinées », déclare Anthony Fauci, le directeur du Centre national des maladies infectieuses. Charlotte Martin, virologue et cheffe de clinique au CHU Saint-Pierre ajoute un autre élément : « Cela risque de s’apparenter à une pression indirecte qui pourrait s’avérer contre-productive, notamment auprès des hésitants. » Parfois, même vaccinés, certains ne se sentent pas encore prêts à faire tomber le masque. « Le rôle de distanciation sociale joué par le masque a pu rassurer certaines personnes, poursuit Charlotte Martin. Il a donné le sentiment de se sentir moins envahi, moins agressé par les autres », avance Jeanne Siaud-Facchin, psychologue clinicienne.

Le masque, chirurgical ou en tissu, sobre ou personnalisé, s’est-il durablement installé dans nos vies ? Deviendra t-il, dans les pays occidentaux, ce qu’il est en Asie ? Le masque a-t-il vocation à devenir un objet du quotidien que l’on porte dans les lieux confinés ou lorsqu’on est malade ? Il a fait ses preuves, en tout cas : l’hiver 2020-2021 a été marqué par une absence d’épidémies saisonnières de grippe ou de gastro-entérite.

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