Thierry Fiorilli

Le bruit de la semaine: si les animaux parlaient (chronique)

Thierry Fiorilli Journaliste

Chaque semaine Thierry Fiorilli évoque un bruit. Cette semaine, la voix des animaux. On a vraiment envie d’écouter ce qu’ils racontent les animaux. Ca doit pas être pire que le babil de bien de nos contemporains.

Elle a de mauvais yeux, mais elle est très forte pour entendre. C’est une chienne haute comme trois pommes. Une gentille mais un excité morceau, comme disaient des grands-mères wallonnes. Du vif-argent. Qui surveille la rue depuis le rebord de la fenêtre, dressée sur ressorts, oreilles en mode radar, avec des façons de shérif pas commode. Elle voit mal, elle entend tout et elle s’exprime beaucoup.

Des fois, d’une voix aigre. C’est bref mais en rafale, haut dans l’aigu et le volume. Généralement à l’adresse d’un autre chien. Comme des invectives, du balcon, sur des gosses venus ramasser en douce les pommes tombées. Allez-vous en, sales mouflets ! C’est une propriété privée ici ! La police, j’appelle la police ! Vous allez voir la danse que je vais vous donner, ah ça !

Au loin, un autre chien

Des fois, d’une voix de fumeur, à mi-chemin entre le raclement de gorge et la quinte étouffée. C’est encore plus bref, mais plein d’indignation et juste assez fort pour qu’on puisse comprendre qu’il y a de l’outrage dans l’air. C’est quand un autre chien, au loin, a crié quelque chose (Héé, les gars, j’ai un nouveau panier, et c’est grand luxe, bande de nazes ! Oh, les poteaux, on m’a laissé dehoooors et j’ai peur du nooooir). On dirait alors que quart de portion grommelle. Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Quel vantard, celui-là ! Mais écoutez-moi cette poule mouillée !

Des fois, quelque chose a dû se passer, quelque chose de grave, qu’on ne peut pas tolérer et ça va se savoir. Elle suffoque, elle ventile, scandalisée, horripilée, sur tout le trajet qui mène au jardin. C’est chaque fois qu’un chat ouvre la bouche, ou qu’un cabot a donné ce qui semble être l’alerte. Là, il y en a qui en prennent solidement pour leur grade. Il doit y avoir des insultes, des menaces, c’est clair que c’est pas de la poésie. Elle bat le rappel des troupes, en plus : tous les chiens du quartier s’y mettent. Ouais, et elle est pas toute seule, on est plein, et on va vous exploser, cassez-vous !

Confusion

Bon, des fois aussi, elle en mène moins large. Comme quand c’est sur le matou d’à côté, en goguette, qu’elle tombe, alors qu’on allait voir ce qu’on allait voir. Lui, il doit faire de la salle, c’est pas possible. Alors, elle, c’est de Funès qui se rend compte qu’il vient d’engueuler son chef. Concerto d’excuses et de repentirs, avec trémolos et courbettes, d’une toute petite voix subitement pleine de componction. Oooh, mais qui voilàààà, mais c’est ce très cher voisin, mais qu’il est beau, et fort, tout va bien à la maison ? Eh bien bonne promenade, allez je rentre dans mon gourbi.

Des fois encore, elle aboie, non-stop, pendant des heures. C’est quand on n’est pas là, donc c’est difficile de décrire le son mais si on en croit les gens du quartier, c’est hautement dispensable.

Ce qui rend d’autant plus urgent la mise au point d’un appareil qui nous ferait comprendre ce que les chiens, et puis les autres animaux évidemment, disent, en temps réel, et qui marcherait aussi dans l’autre sens. On s’inscrit déjà sur la liste des précommandes. Parce qu’à les entendre, là, tous, si bavards, si bruyants, on a vraiment envie d’écouter ce qu’ils se racontent. Ça doit pas être pire que le babil de bien de nos contemporains.

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