Thierry Fiorilli

Le bruit de la semaine: les « cris d’enfants dans une cour de récré… Le plus beau son de toutes les rentrées » (chronique)

Thierry Fiorilli Journaliste

Chaque semaine Thierry Fiorilli évoque un bruit. Cette semaine, il revient sur le brouhaha de la rentrée.

La rentrée, c’est une balle magique dans un cube en plexi avec impulsions intermittentes sur les parois. Quand ça commence, ça ne finit jamais. Il y a la rentrée littéraire fin août. La rentrée au boulot le premier jour de septembre. Celle des écoles étalée sur une semaine. Celle des théâtres avec les pièces de la nouvelle saison. Puis les unifs. Puis les assemblées parlementaires. Avec, entre et encore après, plein d’autres. Jusqu’à la mi-octobre, facile. C’est vraiment long, une rentrée. Et c’est vraiment assourdissant.

Dans la rue, qui, parfois, cet été, avait des allures villageoises tant la combinaison vacances + Covid + canicule rendait l’air muet, voilà qu’on réentend vrombir, s’exclamer, s’empoigner, marteaupiquer, kärcheriser et pétarader.

A la radio, si offerte au long cours depuis fin juin, avec des histoires racontées pendant au moins trente minutes, on est reparti pour des plages horaires où ça doit claquer, où ça doit s’enchaîner, traquer le bon mot, où on n’est pas là pour se prendre le bol tu captes, les gens ont pas le temps, et puis on a encore douze rubriques ou chroniques, répondez rapidement s’il vous plaît, on se retrouve après la météo, l’info trafic, dis Devos oué Lemmens, tous les jeudis soir à 20 heures ! salut c’est Julien Doré, et voilà la chroniqueeeeee ! , écoutez bien ceci, en primeur le nouvel album de Kaaris on attend avec impatience le clash de Booba, si vous voulez réentendre la séquence rendez-vous sur le site…

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Le téléphone, qui somnolait, tranquille, depuis deux mois, s’est remis à vibrionner, notifier et claironner comme un chef d’état-major en pleine offensive qui tourne mal.

Pandémie ou pas, les sollicitations, les obligations et les envies se déversent comme les pièces d’un coffre qu’on éventre. Avec fracas, tant il y en a. « On mange ? », « Vous voulez pas changer d’opérateur ? », « On se voit quand ? », « Réunion 14 heures okay pour tout le monde ? », « T’as pas répondu au mail, t’as vu mon message ? », « Vous venez dimanche ? », « Tu peux me remplacer mardi pour aller déposer les kids au foot ? », « Le type passe demain pour le devis oublie pas hein », « Un soir de la semaine prochaine plutôt », « Faut une équerre la petite retrouve plus la sienne », « Bonjour j’ai un colis », « Ah non on joue pas à la console avant les devoirs ! », « Nous permettez-vous de nous entretenir avec vous sur l’Evangile ? », « Mais quelqu’un peut faire taire ce chien à la fin », « Tu m’appelles ? »

Et on a la tête vraiment comme un juke-box. Et on peut pas tout éteindre, tout mettre sur silencieux, tout bâillonner ou rester planqué dans la remise. C’est la rentrée. Ce tourbillon à mille temps. Annoncé à grands coups de cor, arrivé avec fracas et laissant derrière comme des champs de mines qui explosent au moindre souffle de vent. Un raffut gigogne qui fait des cernes des macrosillons.

Et puis, en milieu de matinée, une trêve dans la cacophonie. Comme si quelqu’un avait fait pause, et que c’était figé. Une trêve dans la cacophonie. On n’entend plus que le frémissement du silence. Jusqu’à la sonnerie d’une cloche, plus loin. Suivie de cris d’enfants dans une cour de récré. D’ici, on dirait des petits animaux en essaim, des crécelles à volume variable, des échos de libération, des crépitements d’euphorie, des réverbérations vivantes.

Et c’est le plus beau son de toutes les rentrées.

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