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Jürgen Conings: la découverte tardive de son corps soulève des questions

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Le corps sans vie de Jürgen Conings a été retrouvé ce dimanche. Une question brûle les lèvres: comment se fait-il que des dizaines de soldats et de policiers n’ont pas réussi à le trouver plus tôt dans la zone de recherches ?

Le corps sans vie de l’ex-militaire en cavale Jürgen Conings a été découvert dimanche dans le bois de Dilsen, sur le territoire de la commune de Dilsen-Stokkem. Les recherches intensives pour retrouver l’homme de 46 ans – qui menaçait des personnalités du pays dont le virologue Marc Van Ranst contraint avec sa famille de se réfugier dans une safe house – ont duré 5 semaines, principalement dans le parc naturel de la Haute Campine.

Les environs de l’endroit où l’ex-militaire avait abandonné sa voiture ont été ratissés par des dizaines de policiers et de militaires. En vain, Jürgen Conings était introuvable. Les hypothèses fusaient sur son sort : était-il mort, dans ce cas, s’était-il suicidé ? Se cachait-il dans un lieu dont lui seul avait le secret, fort de sa formation militaire dans ce domaine ? S’était-il enfui à l’étranger, exfiltré par des complices ?

Mort depuis des semaines?

Ce dimanche matin, sa traque commencée le 17 mai dernier a pris fin. Le bourgmestre de Maaseik Johan Tollenaere (Open Vld) aurait remarqué une forte odeur de cadavre en décomposition durant une randonnée en VTT et transmis les coordonnées aux autorités.

Un chasseur dit, de son côté, avoir senti une « odeur » alors qu’il se déplaçait en VTT dans la forêt de Dilsen. Peu avant midi, l’homme est retourné sur la zone pour voir s’il s’agissait d’un animal en décomposition. Mais contre toute attente, il est tombé sur le cadavre de Jürgen Conings, indique-t-il à l’agence Belga. Selon lui, l’homme était à peine visible – il était couché contre un arbre, parmi de grandes fougères, dans une zone très difficile à atteindre. « Je pense qu’il était mort depuis des semaines.« 

L’autopsie se poursuit pour déterminer s’il s’agit d’un suicide ou pas alors que dans les milieux complotistes, la rumeur enflait déjà avant qu’on ne retouve le corps de Jürgen conings: ce ne serait pas un suicide, mais une exécution déguisée parce qu’il savait trop de choses. Le fait que ce soit un bourgmestre qui l’ait découvert n’est pas un hasard, selon ces suspicions. A ce jour, il n’y a pas la moindre preuve pour étayer ce propos.

Pour le parquet fédéral, l’ex-militaire se serait suicidé par arme à feu, « cette cause devra être établie avec certitude lors d’une expertise médico-légale à venir », précise le parquet qui a ajouté qu’il était « très compliqué » de dire dimanche soir depuis combien de temps le corps du militaire reposait dans les bois.

Frederic Van Leeuw, procureur fédéral.
Frederic Van Leeuw, procureur fédéral.

La découverte a été faite en dehors de la zone de recherche. Le corps de l’ex-militaire gisait à quelques kilomètres – à vol d’oiseau – de l’endroit où son Audi Q5 puis son sac à dos contenant des provisions, des munitions et des médicaments ont été retrouvés. Cette découverte soulève des questions et notamment celle de savoir pourquoi des recherches menées par des dizaines de policiers et de soldats aidés par des troupes allemandes et néerlandaises n’ont pas été effectuées à cet endroit précis ?

Une zone non ratissée

Le procureur fédéral, Frédéric Van Leeuw, a apporté des précisions sur les circonstances de la découverte du corps de Jürgen Conings au micro de RTL INFO. Il a notamment expliqué pourquoi les recherches non pas permis de mettre la main sur le cadavre du militaire plus tôt: « C’est comme si on avait cherché un grain de riz sur 20 terrains de football non tondus », a expliqué le procureur fédéral. « Nous avons cherché très longtemps. Pour trouver un corps dans un bois comme celui-là, c’est très compliqué. Cette zone-là (zone de la découverte du corps, ndlr) n’avait pas été ratissée. Elle se trouve à 150 mètres d’une zone qui avait été ratissée », a-t-il encore précisé.

Le bois où le corps sans vie de Jurgen Conings a été retrouvé.
Le bois où le corps sans vie de Jurgen Conings a été retrouvé.© BELGA

La ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V) a fait savoir que le dossier était un stress test pour tous les services impliqués. Sur les conseils du Centre national de crise, elle a mis fin à la phase fédérale du plan d’urgence contre le terrorisme.

« Mes pensées s’adressent en premier lieu à la principale victime de cette affaire ; la famille de Jürgen Conings, qui perd un père et un compagnon », a réagi Ludivine Dedonder, ministre de la Défense, soulignant l’engagement déployé par les différents services et départements qui ont collaboré sur ce dossier ces dernières semaines. Concernant les problèmes structurels, la ministre a déclaré : « Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour éviter de tels événements à l’avenir. »

La semaine dernière, il est apparu clairement que les services de renseignements militaires ont fait de multiples lourdes erreurs dans le suivi de Conings au sein de la Défense selon une enquête interne de l’armée divulguée par la ministre Ludivine Dedonder (PS).

Les recherches intensives pour retrouver l’ex-militaire en cavale auraient coûté à la Défense près de 650.000 euros. D’ici la fin juin, un rapport du Comité R, qui enquête sur l’affaire, devrait être prêt.

5 semaines de recherches intensives dans le parc naturel de Haute Campine n'ont rien donné.
5 semaines de recherches intensives dans le parc naturel de Haute Campine n’ont rien donné.© BELGA

Retour sur 5 semaines de traque

17/5 : L’officier militaire Jürgen Conings récupère des armes et des munitions dans les casernes de Leopoldsburg. L’après-midi, il zone dans les alentours de la maison du virologue Marc Van Ranst.

18/5 : La petite amie de Conings découvre deux lettres d’adieu et donne l’alerte. La police lance immédiatement une chasse à l’homme et trouve la voiture du soldat fugitif au bord du Dilserbos à Dilsen-Stokkem. Les unités spéciales fouillent le bois, mais ne trouvent rien. Pendant ce temps, le virologue Van Ranst et sa famille sont hébergés dans une maison sécurisée.

19/5 : La police diffuse un avis de recherche et ferme le parc national de la Haute Campine, la réserve naturelle qui borde le Dilserbos. 350 policiers et soldats sont appelés et fouillent trois zones délimitées. Ils trouvent quelques pièces de vêtements, mais il n’est pas certain qu’elles appartiennent à Conings.

20/5 : La police belge est renforcée par des troupes allemandes et néerlandaises. 400 agents et soldats fouillent une zone dont le périmètre est de 20 kilomètres. Ils ne trouvent qu’une seule tente.

21/5 : La police effectue cinq perquisitions, dans la maison de Conings, mais aussi avec ses relations d’extrême droite. Dans la soirée, les recherches dans le parc national de la Haute Campine sont interrompues.

22/5 : Cinq autres recherches ont lieu.

23/5 : Le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw s’adresse directement à Conings lors d’un journal télévisé en direct. Il lui demande de contacter quelqu’un en qui il a confiance.

27/5 : La police et l’armée sont à nouveau présentes en grand nombre dans le parc national de la Haute Campine. La porte-parole du Parquet fédéral dit qu’elle pense que Conings est encore en vie. Les jours suivants, les recherches se poursuivent dans la réserve naturelle.

10/6 : Près de l’endroit où Conings a laissé sa voiture, la police trouve un sac à dos. Le sac contient des médicaments contre les psychoses ainsi que des munitions d’armes, le procureur est « 80 à 90 pour cent sûr » qu’il s’agit de matériel de Conings.

20/6 : Lors d’une randonnée en VTT dans le Dilserbos, le maire de Maaseik Johan Tollenaere et un chasseur remarquent l’odeur d’un cadavre. La police trouve ensuite un corps. Le bureau du procureur confirme qu’il s’agit de Conings et soupçonne qu’il se soit suicidé, sans pouvoir préciser quand.

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