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Déconfinement: où sont les masques promis par le gouvernement ?

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

La Première ministre Sophie Wilmès a promis à chaque citoyen un masque en tissu et deux filtres. Sont-ils déjà commandés ? Quand seront-ils livrés ? On fait le point.

Les autorités fédérales ont longtemps tergiversé sur le port du masque. Au début de la crise, on laissait sous-entendre qu’il n’était pas suffisamment efficace. En filigrane, il était surtout question de réserver le peu de masques disponibles au personnel médical et soignant. Aujourd’hui, alors que de nombreux virologues et épidémiologistes souhaitent qu’il soit rendu obligatoire, il n’est que « fortement recommandé ». Le port du masque en tissu, dit « de confort », n’est obligatoire que dans les transports en commun à partir de 12 ans ou dans les endroits où la distanciation sociale ne peut être garantie (ex : sur le lieu de travail), il est recommandé dans toutes les situations (ex : courses au supermarchés, centre commercial, visite aux proches…).

Le gouvernement fédéral et les entités fédérées se sont engagés le 24 avril, à l’issue du Conseil national de Sécurité, à mettre en place une stratégie commune garantissant à chaque citoyen de recevoir un masque en tissu couvrant la bouche et le nez, et répondant à une norme de qualité. La Défense a été chargée le 27 avril de réaliser le marché public pour concrétiser cet engagement. Les autorités souhaitaient également distribuer deux filtres par personne, à intégrer dans les masques acquis ou confectionnés. Mais au début de la phase 1B du déconfinement, et à une semaine de la phase 2 qui concerne notamment les écoles, ces masques n’ont toujours pas été reçus par la population. Si de nombreuses communes ont mis en place leur propre filière pour distribuer gratuitement des masques en tissu (et parfois des filtres) aux citoyens, où en est la procédure gouvernementale ?

Masque en tissu et filtres, deux ministres différents

La commande de ces masques et filtres n’est pas dans les mains de la ministre de la Santé, Maggie De Block, ni dans celle du ministre en charge de l’approvisionnement en matériel médical, Philippe De Blacker. Ici, deux autres ministres entrent en scène : le ministre de la Justice Koen Geens et le ministre de la Défense Philippe Goffin. Les procédures sont bien lancées mais des questions persistent. Ce week-end encore, nous apprenions que les 22 millions de filtres commandés par le ministre de la Justice n’iront pas dans les 18 millions de masques commandés, eux, par le ministre de la Défense.

Les filtres et masques qui ont été commandés par le gouvernement ne sont donc pas compatibles. « Les filtres commandés par Koen Geens ne sont pas destinés à compléter les masques commandés par la Défense. Ces derniers n’ont pas besoin de filtre », précise Philippe Goffin. « Les filtres viennent en renfort des masques artisanaux faits par les citoyens. Il faut bien distinguer les uns des autres. Les masques commandés par la Défenses sont autonomes. Nous n’avons jamais eu le souhait de fournir à chaque citoyen un masque compatible avec les deux filtres donnés en parallèle », ajoute-t-il.

Un appel d’offre qui fait débat

Une trentaine d’entreprises ont remis une offre, aussi bien belges que d’un autre pays européen. Deux ont été retenues, Tweeds&Cottons, société gantoise, et Avrox, basée au Luxembourg. Or, cette deuxième société est inconnue dans le secteur textile. Selon des renseignements disponibles sur internet, elle est spécialisée dans le transport. Aucun numéro de téléphone ou site internet ne sont mentionnés. La fédération des marques et fabricants de vêtement Creamod s’est inquiétée de ce choix, qualifiant la société de « boîte aux lettres ». Elle parle de « gifle » pour le secteur alors que deux mois de concertation ont eu lieu avec les autorités pour la confection des masques avant que la Défense ne se voie confier le marché.

Philippe Goffin a défendu la procédure et les précautions prises par le gouvernement dans l’achat de ces masques. Des diplomates belges en poste au Vietnam et à Hong Kong se sont rendus dans les usines qui produiront lesdits masques, a-t-il assuré à la RTBF. « Il n’est pas anormal qu’une société luxembourgeoise remette une offre. » Plusieurs critères devaient être remplis dont celui de satisfaire à une norme de qualité et de pouvoir livrer une très grande quantité en un temps très court, sans compter le prix. « La plupart des firmes qui ont remis un prix proposaient des masques fabriqués à l’étranger, sauf pour des quantités trop limitées », a expliqué le ministre.

Les contrats ont été passés mardi soir. Des échantillons ont été envoyés et devraient arriver sous peu, précise-t-on à la Défense. Un test aura lieu avant la fabrication définitive et le paiement n’aura lieu qu’après réception définitive de la commande et vérification de celle-ci. « J’ai veillé à ce que nos représentants sur place aillent voir les usines. On y fabrique bien des masques », a précisé le ministre.

Arrivée le 24 mai, trop tard ?

Les fameux masques promis par le gouvernement arriveront donc bien après le début du déconfinement. Les livraisons sont attendues pour le 24 mai. Ils devront ensuite être distribués. Mais est-il encore utile d’en fournir, si tard, alors que le citoyen se sera arrangé pour s’en procurer entre temps ? Koen Geens a défendu la décision des gouvernements de commander un masque pour chaque citoyen belge. Ses commentaires intervenaient après les critiques d’un député N-VA, Michael Freilich, ainsi que d’un bourgmestre flamand, Peter Reekmans (bourgmestre de Glabbeek), qui estimaient que la procédure d’achat devait être interrompue car les masques arriveront trop tard. Selon le maïeur, il aurait été plus intelligent de consacrer l’argent à un remboursement des communes qui ont déjà investi pour fournir des masques à leurs citoyens.

Dans le cadre du déconfinement, la plupart des citoyens vont devoir utiliser plusieurs masques, à laver après utilisation, a-t-il souligné, estimant donc que cette commande aura malgré tout son utilité.

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