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L’insondable Christine Lagarde reconduite à la tête du FMI. Portrait

Le Vif

Christine Lagarde, reconduite vendredi à la tête du FMI, a imposé sa faconde et son sens de la diplomatie dans le club très fermé des leaders économiques mondiaux, sans briser l’image d’une dirigeante insondable à l’épaisse carapace.

Première femme ministre de l’Economie en France, première femme directrice générale du Fonds monétaire international: cette toute récente sexagénaire a bâti son ascension en ébréchant le plafond de verre qui réserve souvent les plus hautes fonctions aux hommes.

Celle qui fut, dans une autre vie, avocate d’affaires aux Etats-Unis, a une expression pour cela: il existerait, selon elle, une « insidieuse conspiration » qui freinerait l’arrivée des femmes aux postes de pouvoir. Elle-même en a fait l’expérience au début de sa carrière. Lors d’un entretien dans un grand cabinet d’avocats français, on l’informe qu’elle ne sera jamais promue au rang d’associée. « J’ai demandé « et pourquoi ça? ». Ils m’ont dit « parce que vous êtes une femme » », racontait-elle récemment.

Cette fille d’enseignants qui a grandi au Havre a, toutefois, su contourner ces obstacles pour se faire une place dans le gotha des grands de ce monde où sa chevelure argentée fait désormais partie du paysage, au Forum de Davos comme dans les sommets du G20.

Franc-parler

Son apparition dans la vie publique ne remonte pourtant qu’à 2005. Alors présidente du cabinet d’avocats américain Baker & McKenzie, elle est débauchée par la droite française et entre au gouvernement de Dominique de Villepin où elle hérite du modeste portefeuille du Commerce extérieur.

Elle prend toutefois rapidement du galon et s’installe deux ans plus tard aux commandes du ministère de l’Economie où elle signera un bail d’une longévité record.

La carrière de cette mère de deux fils prend encore une nouvelle dimension quand elle est propulsée, en juillet 2011, à la tête du FMI et de ses 188 Etats-membres, en pleine crise de la dette en Europe et au moment où la planète sort tout juste d’une grave récession.

Un autre défi plus personnel l’attend alors à Washington, siège du FMI: prendre la suite de Dominique Strauss-Kahn qui a été emporté par un scandale sexuel mais dont l’expertise économique était unanimement saluée au sein de l’institution.

Offrant le visage plus consensuel d’une femme végétarienne, athlétique et non-fumeuse, Mme Lagarde tente patiemment de redorer le blason de l’institution en plaidant, dans un anglais parfait, pour l’orthodoxie financière aux quatre coins du globe et spécialement en Grèce.

Sur ce dossier brûlant, elle n’hésitera pas à froisser ses anciens partenaires européens et à parfois rompre avec les usages diplomatiques.

« L’urgence est de rétablir le dialogue avec des adultes dans la pièce », lance-t-elle sèchement en juin 2015, lors d’une énième négociation de la dernière chance consacrée à la Grèce à Bruxelles.

Son franc-parler, qui lui avait déjà joué des tours en France, sera à l’origine d’un tollé quand au printemps 2012 elle appellera les Grecs, essorés par les plans d’austérité, à payer tous « leurs impôts ».

Critiques grecques

C’est d’ailleurs d’Athènes que viendront, quelques années plus tard, les plus virulentes attaques contre l’action du FMI, accusé par les autorités d’avoir une « responsabilité criminelle » dans la cure d’austérité imposée au pays.

Face aux critiques, Mme Lagarde a souvent récusé la légende d’un FMI « intransigeant et inhumain » et tenté d’ouvrir, avec un succès relatif, l’institution à des questions qui lui sont peu familières, comme le changement climatique ou les inégalités sociales.

Le fond de sa pensée économique reste difficile à cerner mais son bilan au Fonds compte deux succès majeurs: la reconnaissance du yuan chinois comme monnaie de référence et, surtout, le déblocage d’une vaste réforme du FMI qui donne plus de poids aux grands pays émergents.

La seule ombre sur ce CV immaculé vient en réalité de France et de l’affaire Bernard Tapie-Crédit Lyonnais qui lui vaut d’être renvoyée devant la justice pour sa supposée « négligence » quand, ministre de l’Economie, elle avait autorisé le recours à un arbitrage qui s’est avéré favorable à l’homme d’affaires.

Celle qui avait, un temps, caressé l’idée d’un retour en politique en France sur la foi de sondages flatteurs n’a pas caché être affectée par ces ennuis judiciaires.

« J’ai ma conscience pour moi dans cette affaire. J’espère que la justice, au terme de la procédure, aussi longue et pénible qu’elle soit, en conviendra », a-t-elle récemment dit.

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