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Maurane, la vie en rouge

Le Vif

Sans prévenir, Maurane s’est éteinte le 7 mai, à 57 ans. Retour sur la carrière d’une chanteuse à part : grande gueule, immense voix.

Elle faisait partie de ces voix dont on n’a pas besoin d’avoir les disques pour y être attaché. Claudine Luypaerts, alias Maurane, n’avait que 57 ans quand elle est décédée, le 7 mai, à son domicile schaerbeekois. La chanteuse venait d’effectuer son retour sur scène, après deux ans d’absence. Pour se relancer, elle avait choisi de se repencher sur le répertoire de Brel. C’est aussi en reprenant les chansons de cet autre Bruxellois  » monté  » à Paris, qu’elle s’était fait une première fois repérer, en 1979. Comme si la boucle était bouclée.

De sa carrière, on oubliera trop souvent de parler de ses excursions récurrentes dans le jazz, son grand amour, pour ne retenir que ses éclats chansons-variétés. C’est de bonne guerre : c’est là qu’elle a glissé ses plus gros tubes : Sur un prélude de Bach, Toutes les mamas, ou Tu es mon autre, l’un de ses nombreux duos, ici avec Lara Fabian. Sur scène, elle aimait les troupes, joviale et pétillante. A la ville, on la disait plutôt solitaire, tourmentée. Invitée au début des années 2000 sur le plateau-confession de Michèle Cédric, à la RTBF, elle revenait sur la trajectoire d’Annie Girardot, actrice qui n’a pas forcément eu la carrière de son immense talent. On ne peut s’empêcher de penser que, de la même manière, la voix de Maurane méritait d’habiter encore bien d’autres chansons…

Les débuts

Née à Bruxelles le 12 novembre 1960, Maurane est directement plongée dans la musique, avec une mère pianiste, et un père compositeur, chef d’orchestre, qui deviendra directeur de l’académie de musique de Verviers. Au milieu des années 1970, à l’école, Maurane monte son premier groupe, le Mini Brol, référence au Big Bazar de Fugain. Puis se retrouve vite à écumer le circuit des cafés-cabarets bruxellois, du Grenier aux chansons à la Soupape. La rencontre avec feu-Pierre Barouh sera cruciale. Elle a 18 ans, quand elle croise le compositeur d’Un homme et une femme, qui a monté Saravah, label de chanson-jazz sous influence brésilienne. Celui qui allait sortir le tout premier 45-tours de Maurane, expliquait à l’époque :  » Rougissante, elle m’aborda, à Bruxelles dans un studio de la RTB. Distrait je ne retins de son discours hésitant que : « Brésil… Chansons… Brésil… Guitare… Brésil… ». Peut-être (du moins je l’espère) ai-je poliment hoché la tête. Une semaine plus tard, Eva Darlan, de retour de Bruxelles, me remettait une cassette : « Ecoute cette jeune fille, je la trouve étonnante… » Et voilà ! Pendant quelques semaines je n’ai rien écouté d’autre. « 

Maurane, la vie en rouge
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Coeur à vif

Maurane, la bonne copine. C’est souvent comme cela que la décrivent ses collègues. Un grand coeur aussi. On la verra ainsi participer régulièrement aux grands rassemblements caritatifs. Comme Sol en Si (photo : entourée notamment de Souchon, Michel Jonasz, Zazie, Catherine Lara, Cabrel, etc. ), pour Solidarité enfants sida, créée en 1990 pour soutenir les enfants atteints par le virus ; ou évidemment Les Enfoirés, dont elle sera longtemps un pilier, de 1996 à 2013. Sans pour autant en faire un fonds de commerce (n’hésitant d’ailleurs pas à égratigner ceux qui ne rejoignaient la troupe  » que pour les représentations captées pour la télé « …).

Maurane, la vie en rouge
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Jeu collectif

Si la carrière de Maurane a commencé avant Starmania (son premier album Danser, sur le label belge jazz-chanson Franc’Amour/Igloo, en 1986), l’opéra-rock va faire décoller la carrière de la chanteuse dans l’Hexagone. C’est en 1988 que Michel Berger la convainc de reprendre le rôle de Marie-Jeanne, la  » serveuse-automate « , créé en 1978. A l’époque, la chanteuse enchaîne les dates avec la troupe, avant de retourner chaque soir en studio, dès le spectacle terminé, pour travailler sur ses propres chansons. Une période assez folle, qui laissera des traces, Maurane devant quitter la troupe en pleine tournée, épuisée.

Maurane, la vie en rouge
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Télé star

Grande gueule, abonnée aux coups d’éclat sur les réseaux sociaux (Twitter en particulier), Maurane était évidemment aussi une cliente idéale pour la télévision. En particulier, quand elle a enfilé le costume de juré de Nouvelle Star, télécrochet de M6, où elle fera deux saisons (en 2012 et 2013).

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Dernier tour de chant

La veille de sa mort, Maurane effectuait son grand retour sur scène. Au programme, les chansons de Brel, qui devaient lui permettre de remettre le pied à l’étrier (un album était promis pour la rentrée). Cela faisait deux ans qu’on ne l’avait plus entendue chanter, accablée par des problèmes de cordes vocales, et des douleurs au dos de plus en plus handicapantes. Après une date à Incourt, puis au palais d’Egmont, elle était invitée, dimanche 6 mai, sur la scène de la fête de l’Iris, place des Palais, aux côtés de la chanteuse Typh Barrow. Un nouveau duo, symbolique pour cette chanteuse solitaire qui a tant aimé chanter les autres (Nougaro), avec les autres – de son trio jazz HLM (Houben-Loos-Maurane) à Starmania.

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