Walter Pauli

« Bart De Wever ne serait pas le premier invincible à s’avérer vulnérable »

Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

La N-VA n’a pas réussi à damer le pion à l’initiative du président du CD&V Wouter Beke et de son collègue du MR, Charles Michel. De Wever n’a même pas riposté d’une boutade.

« Toutes les élections apportent leur lot de surprises » déclarait Wilfried Martens (CD&V) il y a déjà trente ans. La sentence est toujours d’actualité. C’est pourquoi on peut déjà se demander quelles certitudes s’effondreront le 25 mai 2014. La réputation de fiabilité et de dynamisme du ministre-président Kris Peeters (CD&V) tiendra-t-elle le coup ? Et le grand favori Bart De Wever (N-VA) devancera-t-il effectivement tout le monde ? Les partis les plus solides et donc les plus sûrs d’eux sont souvent confrontés aux plus grandes surprises.

À la réception de Nouvel An de la N-VA, des centaines de personnes ont fait la file pour poser en compagnie du président en faisant le signe V : le V de Vlaanderen, de Veni Vidi Vici, et pour les nationalistes flamands moins formés en langues classiques, de la Victoire, une notion des années 40.

Évidemment, il est très probable que la N-VA remporte les prochaines élections. Cependant, il faudra que De Wever rencontre moins de difficultés sur son chemin que ces derniers jours. La double interview avec le président du CD&V Wouter Beke et son collègue MR Charles Michel par exemple, parue simultanément dans les journaux De Standaard et le Soir, constituait une manoeuvre astucieuse à laquelle la N-VA n’a pas su opposer de bonne réponse. Le CD&V et le MR doivent tous deux lutter contre le leader politique qui doit sa force à un autre numéro un : en Flandre, la N-VA se profile comme le bélier de l’état PS alors qu’en Belgique francophone le PS s’érige en digue contre le raz-de-marée de la N-VA. Soudain, Beke et Michel expliquent ensemble qu’en Flandre et en Wallonie et à Bruxelles il existe une bonne alternative à la N-VA et au PS.

Bart De Wever a fait part de sa surprise sur Radio 1. « Normalement, on s’attendrait à ce que les chrétiens-démocrates s’accordent avec les chrétiens-démocrates et les libéraux avec les libéraux » a-t-il déclaré. Beke et Michel ont effectivement brisé un schéma sclérosé. Mais que peut avoir la N-VA – « la force du changement » – contre ça ? Cette fois, De Wever n’a même pas lancé de boutade, juste le raisonnement assez prévisible que le CD&V et le MR constituent l’énième preuve que la Belgique ne fonctionne plus alors que Beke et Michel veulent plutôt montrer l’inverse en damant ensemble le pion à la N-VA.

Cependant, même si De Wever a parfois plus de mal que ne le soupçonne sa base, cela ne signifie pas pour autant que la concurrence ait gagné. Même si parfois on a cette impression. Pendant quatre ans, Kris Peeters était « fait de téflon » – lisait-on dans un e-mail de la vice-ministre-présidente Ingrid Lieten (sp.a). Une réforme de l’enseignement inachevée, une mobilité de plus en plus problématique, une croissance défaillante : toutes les critiques à l’égard du ministre-président coulent comme de l’eau sur un canard. Et donc Kris Peeters a déjà déclaré maintenant qu’il veut son mot à dire dans la désignation de tous les ministres flamands, même ceux des autres partis. Comme s’il était à nouveau ministre-président. Comme si Kris Peeters était venu, avait vu et avait déjà vaincu. Cinq mois avant le jour J.

Bien sûr qu’il pourrait y avoir un Peeters-III. Il doit pourtant se méfier, car précisément en cette année d’élection, le téflon se fendille. Il n’a pas pu opposer grand-chose aux coups de griffe du leader de l’opposition Bart Tommelein (Open VLD) : que ce n’est pas la faute du PS si la Flandre passe tous les jours des heures dans les embouteillages, que ce n’est pas le PS, mais la Flandre qui a augmenté la « taxe misère » pour les couples qui divorcent, qu’il y a toujours des listes d’attente en Flandre et bientôt encore moins de garderies… La notion de « gouvernement immobile » gagne du terrain et elle ne vise pas le gouvernement d’ Elio Di Rupo (PS).

Même au sein de son propre parti, le soutien s’avère moins grand et unanime que ce qu’on pourrait croire. Ainsi, Eric Van Rompuy a expliqué à nos confrères du Knack que le CD&V ne peut pas commettre l’erreur de présenter Kris Peeters comme seule figure de proue des élections. Encore une fêlure.

Bart De Wever ne serait pas le premier invincible à s’avérer vulnérable, Kris Peeters ne serait pas le premier champion qui a du mal à garder sa cadence dans la dernière ligne droite. Il n’y a pas de certitudes, c’est la seule certitude. Wilfried Martens le savait déjà, et d’expérience.

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