WE COME ONE

4500 supporters au premier galop d’entraînement et 9000 spectateurs en match amical : alors qu’il entame une 12e saison en D2, le Royal Antwerp Football Club n’est pas mort. Ou plutôt, il revit depuis que Patrick Decuyper, son nouvel homme fort, s’est montré très actif sur le marché des transferts.

Un passage par les toilettes juste avant le coup d’envoi suffit à s’en rendre compte : ça résonne à nouveau sous la tribune du Bosuil lorsque les haut-parleurs diffusent We Come One, de Faithless. Un titre qui ne date pas d’hier puisqu’il remonte à la dernière saison de l’Antwerp en D1 mais le club au plus vieux matricule du pays a dépoussiéré le CD.

Mieux, il a lancé sa nouvelle campagne et son nouveau site internet sur le même thème, We Come One, histoire de rameuter ses supporters et de leur faire revivre les bons moments d’antan. Ce sont eux qui doivent pousser l’Antwerp vers la D1, un rêve auquel ils aspirent tellement après onze années de misère en D2.

On sent qu’il ne faut pas grand-chose pour que le feu reprenne. Ce soir-là, ils sont 9000 à assister au match face au YRFC Malines. Même la pluie ne tempère pas leur enthousiasme. Un débordement de Stallone Limbombe suffit à faire lever un quinquagénaire grisonnant, le poing serré : Komaaaaan !

Ce nouvel engouement a été provoqué par l’arrivée au club de Patrick Decuyper qui, depuis le mois de mai, se profile en son nouvel homme fort. Après l’échec de Gunther Hofmans, l’ex-CEO de Zulte Waregem pense savoir comment s’y prendre pour faire revivre le club.

Des doutes rapidement dissipés

Au début, il y a eu pas mal de doutes quant aux intentions de Decuyper et aux moyens dont il disposait vraiment. Mais les supporters semblent déjà avoir oublié cet épisode. L’homme d’affaires flandrien le doit en bonne partie au fait d’avoir réussi dans sa première mission : malgré une dette faramineuse, le club a obtenu sa licence.

Cela lui a coûté 8 millions d’euros. Dont une partie n’a servi que de caution, certes. Mais tout de même… Et Decuyper semble enclin à poursuivre sur sa lancée. Depuis que l’Antwerp a sa licence, il s’est fait de nouveaux amis en multipliant les transferts, faisant notamment venir plusieurs anciens joueurs de D1. De quoi clouer le bec à de nombreux sceptiques.

Selon Max Biset, un des nouveaux venus, il y en a cependant encore.  » On sent bien que les gens ne sont pas encore totalement convaincus mais c’est normal : cela fait si longtemps qu’ils attendent de bonnes nouvelles.  »

Lors de ce match face au YRFC Malines, pourtant, on ne remarque rien de tout cela.  » Je crois surtout qu’ils sont remplis d’espoir « , dit Wim De Decker, qui joue à l’Antwerp depuis 2013.

De Decker connaît bien la maison.  » L’Antwerp est dans une spirale positive. Maintenant, il faut faire en sorte que cela dure le plus longtemps possible.  » Les supporters anversois n’ont en effet pas pour habitude d’acheter un abonnement. Début juillet, le club en avait vendu 3.500. Si les résultats ne suivent pas, ses recettes peuvent s’en ressentir, avec toutes les conséquences que cela peut avoir.

Demandez-le à Hofmans ! Ce sera aussi le talon d’Achille de Decuyper, surtout s’il compte sur l’exploitation pour pouvoir payer les joueurs à heure et à temps. Mais avec une bonne dose d’optimisme, Decuyper peut aussi se dire que, quand tout va bien, il y a toujours plus de monde à l’Antwerp qu’ailleurs. La conclusion est simple : au Bosuil, il ne faudra surtout pas sous-estimer l’importance des résultats.

Mais jouer pour le titre est une chose, monter en est une autre. Suite à la réforme du championnat, seul le champion montera en 2016. Il n’y aura pas de tour final. De Decker reste donc très prudent.  » Pour être champion, il faut pouvoir compter sur plusieurs facteurs, dont la chance « , dit-il.

Biset, qui a connu la montée avec le YRFC Malines en 2007, ajoute :  » Ce groupe est plus âgé que celui de Malines à l’époque, c’est un avantage car, pour monter, il faut s’engager à 100 %. Nous devrons toujours être les premiers au rebond du ballon et prendre l’adversaire à la gorge. Et ce sera aux anciens de veiller à ce que cela se fasse à chaque instant du match.  »

Un stade en ruine

Biset se souvient de ce qu’il a vécu à Malines en 2003, juste après la mise en liquidation du club.  » Ici aussi, tout est à reconstruire « , dit-il.  » Et ça veut dire qu’on commettra sans doute de temps en temps des erreurs.  » Un diplomate, ce Biset. Dans les business seats, une jeune dame dit la même chose que lui, mais en d’autres termes. Collaboratrice de l’Antwerp, elle se plaint de nombreuses lacunes en coulisses au niveau de l’organisation.

Pas besoin d’aller loin pour s’en apercevoir : le Bosuil est en ruines. La tribune 1 est fermée depuis 2013 pour des raisons de sécurité. Des travaux ont été effectués mais on attend le feu vert des pompiers. Quant à la tribune 2, elle rappelle que le stade a été construit il y a bien longtemps déjà. Au point que tout le monde en rigole. Lorsque quelqu’un trouve une vis par terre, il se demande directement si elle ne s’est pas détachée de la structure.

Mais De Decker dit que les choses s’améliorent.  » Avec Decuyper, ça bouge « , dit le médian, en indiquant le bâtiment KwadrO, sur le parking à l’arrière de la tribune 1. C’est là que se trouvent les bureaux, la boutique et, depuis peu, une immense salle des joueurs ainsi que de nouveaux vestiaires.

 » Des progrès énormes « , juge le capitaine.  » Surtout si on compare à nos vestiaires de l’année dernière, dont les fenêtres étaient cassées. Bien sûr, tout n’est pas encore parfait mais on voit bien que les choses changent plus vite qu’avant.  »

Selon Jorgen Van Laer, porte-parole d’ACT as ONE, de nombreux fans ont contribué aux travaux de peinture réalisés récemment au Bosuil. Après s’être montré très critique à l’égard de Decuyper, ce groupe de supporters a pris de nombreuses initiatives dans le but d’aider le club.

 » Nous tentons de surfer sur la vague de positivisme qui règne sur le club et de faire en sorte qu’elle se maintienne « , dit Van Laer. Etonnant car, au départ, ce groupe avait des craintes quant à la provenance de l’argent de Decuyper. De plus, ses membres étaient frustrés car Decuyper a toujours dit qu’il n’était pas partisan d’une participation des supporters dans l’actionnariat.

Van Laer admet qu’ACT as ONE a changé d’attitude mais, selon lui, c’est en raison de certains faits tangibles. L’obtention de la licence, surtout.  » En lisant les motivations de la Cour d’Arbitrage du Sport, on se rend compte que Decuyper représente une certaine puissance financière. Ce ne sont pas que des paroles. Et Decuyper nous assure qu’il travaille avec des capitaux belges et anversois. Nous lui laissons donc le bénéfice du doute.  »

Les relations entre ACT as ONE et la direction se sont donc détendues, même si Decuyper dit toujours ne pas vouloir d’une entrée des supporters dans le capital du club.  » Mais nous avons jeté les bases d’une golden share « , dit Van Laer. Cette  » action en or  » doit permettre aux fans de disposer d’un droit de veto au cas où quelqu’un toucherait aux valeurs fondamentales du club comme le matricule ou les couleurs.

Par ailleurs, des négociations ont lieu en ce moment afin de permettre l’entrée d’un représentant des supporters au comité de direction. Van Laer estime également que la nouvelle structure mise en place par Decuyper est très positive.

 » Yorik Torreele est son bras droit. Nous savons que c’est un travailleur et un homme intègre. Serge Van Hove, qui s’occupe des ventes et du marketing, est issu de nos rangs. Jamais encore l’Antwerp n’avait accordé une chance à de jeunes talents comme ceux-là. Cela nous remplit d’espoirs. On reste attentif, on émet des critiques constructives mais cela ne veut pas dire qu’on ne profite pas du moment présent. Le Great Old est sorti de sa léthargie. Pour le plus grand bonheur de ses inconditionnels.

PAR KRISTOF DE RYCK – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Nous accordons le bénéfice du doute à Patrick Decuyper  » Jorgen Van Laer, ACT as ONE

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