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RUDI SMIDTS

Il a eu les clefs du Bosuil. Il a maintenant celles de la centrale de Doel et de l’entrejeu du SK Muggenberg. Reportage chez Rudi Smidts.

Le récent déplacement de La Gantoise à Wembley nous a fait repenser à Rudi Smidts. Comment va celui qui était capitaine de l’Antwerp quand le Great Old a disputé la finale de Coupe d’Europe des Vainqueurs de coupes dans le temple londonien, en 1993 ?

Très bien, apprenons-nous un lundi soir à Muizen, près du parc animalier de Planckendael, non loin de Malines. Ici, de temps à autre, une péniche passe sur le canal. Par beau temps, les cyclistes pédalent le long de l’eau.

C’est idyllique mais kafkaïen. Il y a trop de maisons en Flandre. On y fait la promotion du co-housing et c’est ce que Rudi Smidts envisage à l’avenir mais longtemps, il y a eu une marge entre ses rêves et la réalité. Il possédait un terrain et souhaitait partager une maison avec sa soeur mais il a découvert que la zone était réservée aux habitations individuelles. Son projet n’a été accepté qu’en appel. Il vit ici depuis six mois, maintenant, avec vue sur les champs, à la frontière entre les provinces d’Anvers et du Brabant flamand.

Il avait bien les clefs du Bosuil. Du moins celles du vestiaire. Il y a peu, il y est retourné pour un programme télévisé. Presque rien n’a changé depuis son époque.  » C’est incroyable. Un trou à rats sombre car on a enlevé les fenêtres. On avait au moins de la lumière et tout était peint en rouge et blanc. Évidemment, les joueurs n’y sont plus que pour les matches. Je n’ai plus les clefs : je les ai rendues à mon départ.  »

Il n’a pas vraiment celles de la centrale nucléaire de Doel, nous avons exagéré. Mais il y a un bureau et y travaille tous les jours. Ça fera dix ans l’année prochaine. Le temps file. Comment un ancien footballeur se retrouve-t-il dans une centrale ?  » À l’issue de ma carrière, j’ai travaillé chez Maas International, la firme de café. Je parcourais Bruxelles en camionnette. Un chouette boulot. Mais au bout d’un moment, j’ai eu envie d’autre chose. Je ne voulais pas être entraîneur. J’ai été coach et coordinateur des jeunes à Dilbeek, comme adjoint d’Eric Viscaal, mais ce n’était pas mon truc. J’ai suivi la formation abrégée destinée aux professionnels mais comme il y avait trop de néerlandophones, j’ai été versé chez les francophones. Une logique de la fédération : puisque j’avais joué à Charleroi… Je n’avais rien contre mais suivre les cours en français… J’ai arrêté.  »

INSPECTEUR RUDI

Il a recommencé à jouer en 2007, à Itterbeek, en Provinciale.  » Dans l’entrejeu, pour avoir plus souvent le ballon. Et dans le Brabant, car à Anvers, j’étais confronté à mon passé.  » Un membre du club lui a dit que Vinçotte cherchait du personnel pour les inspections de sécurité à Doel. Smidts, diplômé en mécanique, a été engagé. Il a d’abord suivi les inspecteurs pour apprendre, il a passé des examens et est devenu lui-même inspecteur. Son domaine : les ascenseurs, les grues, les robinets. Tout est contrôlé tous les trois mois. Son entreprise emploie sept personnes sur le site, en continu. Il se lève tous les matins à cinq heures trente car la route est longue et il passe la journée à tout inspecter puis à établir des rapports, coupé du monde. À certains endroits, les GSM sont interdits. À d’autres, seuls les anciens modèles, sans caméra, sont autorisés.

Les contrôles de sécurités sont stricts. Il a intégré Vinçotte en novembre mais n’a obtenu l’autorisation de pénétrer sur son nouveau lieu de travail qu’en janvier.  » On procède d’abord à une solide enquête sur vous. Je souris quand j’entends dire qu’on entre ici comme on veut. C’est impossible, surtout dans la partie nucléaire.  » Chaque travailleur est équipé d’un appareil de mesure des rayonnements qui déclenche une alarme si la limite est dépassée. Tout est stocké dans des bases de données.  » C’est minime. Pendant la formation, on m’a dit qu’on était plus exposé aux rayonnements pendant une balade dans les Ardennes car il y a une sorte de rayonnement terrestre.  »

Ce ne sont pas ses premières expériences professionnelles. Il a travaillé avant de devenir footballeur et même quand il jouait pour l’Antwerp.  » J’ai continué un an et demi après avoir signé mon premier contrat. Je pouvais stopper plus tôt, vers 15 heures, pour m’entraîner avec l’équipe première. Le matin, je m’exerçais seul et le soir avec les réserves. Je m’en fichais, tant que je pouvais jouer. Mon premier contrat m’assurait l’équivalent de 125 euros par mois, plus 75 euros le point. À l’issue de ma première saison, durant laquelle j’ai quasiment joué tous les matches, Eddy Wauters était si content qu’il m’a accordé une ‘augmentation de 100%’. J’ai immédiatement signé. Je voulais jouer. En salle, sur le terrain, en rue.  »

ALL-STAR MUGGENBERG

Il continue à jouer. Parfois deux fois par week-end : le samedi avec les vétérans du FC Malines et le dimanche avec le SK Muggenberg qui rêve d’être champion. En théorie, l’équipe est solide : Tomas Radzinski, Rudi Taeymans, Darko Pivaljevic et Jonas De Roeck en font aussi partie. Mais…  » Nous sommes rarement au complet. Nous ne serons pas champions cette année non plus.  »

Il assiste régulièrement à des matches, mais pas tous les week-ends. Il est parrain des anciens footballeurs de l’Antwerp et se rend parfois au Bosuil, d’autres fois à Malines. Le reconnaît-on encore en rue ?  » Les personnes plus âgées, pas les jeunes, à moins que leur père ne leur dise qui je suis. C’est déjà de l’histoire ancienne…  »

Wembley est-il son plus beau souvenir ?  » Hum… Plutôt la Coupe de Belgique car nous n’avons pas gagné la finale de Wembley. Parme était meilleur. Mais ce sont des grands moments, comme le Mondial 1994 où j’étais titulaire.  »

PAR PETER T’KINT – PHOTO NICO DE NIJS

 » Je souris quand on dit qu’on entre dans la centrale comme on veut. C’est impossible.  » RUDI SMIDTS

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