» La seule chose dont j’ai peur, c’est la mort « 

Après une adaptation compliquée, l’arrière brésilien a trouvé sa place dans la défense rouche.

Depuis hier, il est en vacances, dans l’avion pour le Brésil, pour Americana, une ville à 150 kilomètres au nord de Sao Paulo. Felipe aurait pu partir une semaine plus tôt puisqu’il n’a pas disputé la rencontre de Coupe au Lierse (blessé) ni celle de championnat à Courtrai (suspendu) mais il a préféré rester solidaire avec ses coéquipiers.

C’est un joueur sympathique que Sport/Foot Magazine a rencontré, bien loin de l’image de  » tueur  » qu’a voulu véhiculer Manu Ferrera. Un joueur qui est revenu sur ses dernières prestations mais également sur sa hâte de retourner voir sa famille pour une semaine afin de jouir de la cuisine de sa maman mais surtout de celle de sa grand-mère.  » Quand je retourne au Brésil, je prends du plaisir à revoir mon noyau familial mais également mes amis. Je les invite chez moi et il n’est pas rare qu’on joue une petite samba. On se fait plaisir.  »

Après deux ans au Standard, l’arrière central est parvenu à occuper une place de titulaire. A 24 ans, il profite de ce nouveau statut. Il est loin le temps où il suscitait les railleries et où il ne faisait pas l’unanimité.

Comment expliques-tu tes bonnes prestations actuelles ?

Mon niveau ne me surprend pas. J’ai toujours beaucoup travaillé. Si tout le monde pouvait assister aux entraînements, on comprendrait pourquoi je suis à ce niveau. Et puis, j’ai déjà évolué à un bon niveau au Brésil. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Standard m’a transféré. Je sais donc où je peux arriver. Je suis content d’enchaîner les bons matches mais je sais aussi que je peux améliorer beaucoup de choses.

Ton adaptation au Standard fut pourtant loin d’être évidente ?

Mes débuts avaient été bons. J’étais arrivé depuis trois semaines seulement qu’on m’alignait, notamment en Ligue des Champions. Puis, j’ai été blessé au pubis, ce qui m’a éloigné des terrains pendant quatre mois. Quand je suis rentré dans le groupe, il ne restait que trois semaines de compétition. La saison passée, j’ai débuté sur le banc avant d’être intégré dans le onze mais j’ai de nouveau contracté une blessure, puis une deuxième lors du choc avec Eliaquim Mangala, puis une troisième lors du stage au Portugal. C’est à ce moment-là que Kanu est arrivé, que Mangala a éclaté et l’entraîneur, Dominique D’Onofrio, a naturellement choisi cette paire-là. Aujourd’hui, j’ai la pleine confiance du coach. Il me laisse jouer et je ne suis plus freiné par des blessures.

Depuis deux ans, comment juges-tu ton évolution ?

Je pensais que je percerais plus vite mais avec toutes les blessures, ce ne fut pas possible. Pour réussir, il faut du temps et du travail.

As-tu pensé à un retour au Brésil ?

Oui, la saison passée. Je souhaitais du temps de jeu. Je suis resté car la direction ne voulait pas me laisser partir.

Tu as un côté calme mais tu peux aussi t’énerver…

On ne le sait pas mais je m’énerve souvent. Dans ce cas-là, il faut me laisser en paix. Mais même quand je m’énerve, je m’efforce de réfléchir et de me calmer. Dans ma jeunesse, j’ai eu beaucoup de coups de sang, des bagarres avec mes coéquipiers, avec mon entraîneur. Enfin, c’est du passé. Maintenant, je suis marié et je me suis calmé. Je suis sur le bon chemin. Mon père est mort quand j’avais 10 ans ; ma mère nous a élevés seule mais elle devait partir travailler en journée. Nous avons donc grandi seuls, avec les amis. On passait beaucoup de temps dans la rue. Aujourd’hui, je considère mes amis comme une partie de ma famille. J’ai donc en quelque sorte grandi dans la rue mais c’était mon choix de vie. Je ne le regrette pas : je suis resté dans le bon chemin alors que certains de mes amis ont choisi des chemins plus… compliqués. J’ai appris beaucoup dans la rue et cela m’a fait mûrir plus vite.

 » Si l’entraîneur me demande d’envoyer de longs ballons, je ne vais pas faire l’inverse « 

Quelles sont les principales différences entre tes deux derniers entraîneurs ?

Il n’y a pas une grosse différence à part la confiance. Riga dit ce qu’il pense et est ouvert à la discussion.

Il prône aussi le jeu au sol, ce qui se rapproche du style de jeu pratiqué au Brésil ?

C’est vrai qu’au début, cela me manquait. Mais je devais me plier au style de l’équipe et aux consignes de l’entraîneur. S’il me demandait de pratiquer par longs ballons, j’envoyais de longs ballons. Si on me demande de jouer au sol, j’essaie de jouer au sol.

Mais le jeu de Riga te convient mieux…

Bien sûr. On joue plus au ballon. En début de saison, ce fut compliqué pour tout le monde mais à force d’insister aux entraînements, on y est parvenu.

Tu n’as pas été frustré par les critiques sur ton jeu, peu technique, alors qu’au Brésil, tu aimais faire parler ta technique de temps en temps ?

C’est vrai qu’au Brésil, on ne m’a jamais reproché ma relance. Il y a eu beaucoup de critiques à mes débuts en Belgique mais qu’auriez-vous fait à ma place ? Si l’entraîneur me demande d’envoyer de longs ballons, je ne vais pas faire l’inverse.

Tu n’avais pas envie de montrer tes qualités ?

Je n’ai rien à prouver. J’essaie d’être hermétique à ce qui se passe à l’extérieur. Moi, je veux juste prouver à la direction qu’elle a bien fait de me transférer. Même quand tu réalises de bonnes prestations, la critique est toujours là. Il faut l’accepter et grandir avec.

Cela ne t’a pas touché ?

Non.

Même quand on a dit que Victor Ramos était le meilleur défenseur des deux ?

Non. J’avais décidé d’être discret dans la presse. Moi, je n’aime pas parler juste avant et après le match. Je préfère donner des interviews, comme ici, à tête reposée. Devant les caméras, la moindre erreur de langage peut se retourner contre moi. Je préfère donc m’abstenir. Certains ont dit que je ne voulais pas parler à la presse car j’étais fâché des critiques : j’assure que ce n’était pas le cas.

Finalement tu es bien meilleur que Victor Ramos ?

Non, non. Il a d’énormes qualités. Il nous les montrait toujours à l’entraînement mais il n’arrivait pas à s’adapter à la Belgique, à la langue et à la météo. C’est la seule explication car footballistiquement, il est trop fort. Le psychologique est très important pour tout joueur. Si ça ne va pas dans ta tête, je ne vois pas comment tu arriverais à être performant.

Tu as aussi eu du mal à t’adapter à l’Europe ?

Au début oui. Vivre sans ma famille, ne connaître personne, ce ne fut pas évident. Mais Igor de Camargo et Marcos m’ont beaucoup aidé. Maintenant, j’apprécie la vie ici. C’est plus calme. Je reste beaucoup à la maison, tout le contraire du Brésil où chaque fois que je retourne, je retrouve tous mes amis.

Quelles sont les grandes différences entre le jeu brésilien et le jeu belge ?

Au Brésil, c’est plus technique et il y a davantage d’espaces. Tu as plus de temps pour réfléchir à ce que tu vas faire du ballon. Ici, c’est plus physique et cela joue plus rapidement. On joue sur seulement 70 mètres. Mais cela ne m’a pas posé trop de problèmes car au pays, même si je pouvais montrer ma technique de temps en temps, j’étais davantage réputé pour mon physique. Avec ma taille (1m93), c’est un peu normal…

En arrivant, as-tu dû vivre dans l’ombre des Onyewu, Dante et Sarr ?

Non pas beaucoup. Mais c’est normal de succéder à quelqu’un. C’est la nature-même du métier de footballeur. De toute façon, cela ne me dérange pas. C’est très intéressant de succéder à un joueur qui a marqué le club car cela te donne plus de responsabilités. A chaque fois que tu montes sur le terrain, c’est pour faire aussi bien que ton prédécesseur. Voire mieux. Cela peut t’aider à hausser ton niveau.

 » Je peux crier sur Kanu et lui sur moi sans que cela ne crée de problèmes « 

Il y a deux semaines, on a évoqué dans Sport/Foot Magazine les duos du Standard, dont celui que tu formes avec Kanu. Comment expliques-tu votre entente ?

On est complémentaire. Il a des qualités que je n’ai pas et inversement. Kanu est plus technique. C’est un défenseur complet, moderne, qui aime monter avec le ballon ; il a un bon jeu aérien. La plus grosse différence, c’est notre personnalité : il est très, très chaud alors que moi, je suis un peu plus calme. Du coup, on en a un qui chauffe et un qui calme, c’est bien non ? Si la langue est un facteur important, il n’est pas décisif. Par contre, le fait qu’on se fréquente en dehors du terrain, cela aide. On travaille bien ensemble et en dehors, nous sommes des amis. Je peux crier sur lui sans que cela ne crée de problèmes. On ne peut pas fonctionner de la sorte avec toute le monde ( Il rit). Mais le fait que toute l’équipe fasse son travail défensif, cela facilite grandement notre boulot. Vous savez qu’on est la meilleure défense d’Europa League ( NDLR : Le Standard n’a encaissé qu’un but ; pour deux pour le Real Madrid, meilleure défense de Ligue des Champions) ?

Certains disent que votre principale faiblesse réside dans votre mobilité face à des petits éléments vifs…

Evidemment qu’un joueur d’1m80 va plus vite qu’un joueur d’1m90. On compense cela par notre placement. C’est plus difficile mais on arrive à s’en sortir également contre des joueurs plus petits et plus rapides.

Vous formez une défense assez stable. C’est une des réussites du Standard ?

Oui, cela aide. Pour le rythme, pour la confiance, c’est plus facile d’enchaîner les matches. C’est de la sorte qu’on finit par trouver des automatismes.

Une défense stable mais une  » défense de tueurs « , d’après Manu Ferrera…

J’ai entendu cela ( Il rit). Quand tu regardes ma carrière, je n’ai jamais blessé un joueur et depuis que je suis en Belgique, je n’ai jamais pris un carton rouge. Si j’abordais tous les matches avec la volonté de tuer les adversaires, je crois que j’aurais déjà récolté au moins un carton rouge. On pratique un jeu dur, physique et costaud mais sans mauvaises intentions. Jamais.

D’après toi, quelle est l’image que tu véhicules ?

Celle d’un défenseur physique.

Cela correspond à ce que tu es ?

Oui même si on oublie mes petites qualités techniques.

Ta taille ne devrait-elle pas te permettre de marquer davantage ?

Si. Mes deux buts de cette saison, je les ai inscrits… du pied. Je peux naturellement être plus décisif. Même si, dans les 16 mètres, j’arrive à être utile en bloquant un défenseur adverse ou en déviant le ballon, je dois davantage profiter de ma taille. Je dois marquer beaucoup plus.

Ta taille est par contre beaucoup plus utile sur les phases défensives vu que le Standard ne possède pas beaucoup de grands gabarits…

Mais on n’est pas une équipe de petits ! Il y a Jelle Van Damme, Kanu et moi. Si on encaisse beaucoup sur phases arrêtées, c’est davantage un problème de concentration que de taille.

 » Je n’ai jamais cru à l’année de transition « 

Que penses-tu de ce Standard ?

Pour une année de transition, cela se passe très bien.

Vous pensez toujours qu’il s’agit d’une année de transition ?

Je n’y ai jamais cru. Si on parle d’année de transition à chaque fois qu’une équipe vend des joueurs au mercato, je pense qu’il n’y aurait plus que des années de transition.

Comment expliques-tu les bons résultats ?

Il y a une meilleure mentalité par rapport à l’année dernière. Chacun s’applique à l’entraînement, personne n’arrive en retard, l’ambiance est très bonne. On rigole beaucoup et on sent qu’on forme une vraie équipe soudée. On l’a vu en début de saison lorsqu’on parlait des difficultés du  » nouveau Standard  » : on s’est serré les coudes.

Mais il y a bien des faiblesses ?

Ce n’est pas une équipe parfaite mais il n’y a pas non plus grand-chose à dire.

Que manque-t-il ? Des leaders ?

Non, on en a.

Des techniciens ?

Avec Seijas, Nacho Gonzalez, Mémé Tchité, on est paré.

Mais Nacho ne joue pas…

Pourtant, il est important pour le groupe. A mon avis, c’est le plus grand technicien du noyau. C’est dommage qu’il soit toujours freiné par ses blessures.

Le Standard ne gagne pourtant pas tout…

Ce groupe est peut-être fatigué. On le sent. Enfin, je parle pour moi. On a enchaîné beaucoup de matches, de voyages. Mais c’est le lot de toutes les équipes européennes. La trêve va nous faire du bien. On va récupérer. Décembre était un mois difficile. Il y a aussi un autre point faible : le manque de victoires en déplacement. Je ne sais pas pourquoi il y a une telle différence. Il va falloir changer cela en 2012.

Crains-tu le mercato ?

Non. La seule chose dont j’ai peur, c’est la mort.

Quels sont les joueurs qu’il faut avant tout conserver ?

Mémé Tchité et Kanu car ils font la différence devant et derrière. Ce sont les deux joueurs les plus importants du groupe. Avec Sinan Bolat, ils apportent leur expérience et ce sont des leaders.

La belle surprise du championnat, c’est Vainqueur…

Lui, il est très fort. Il a de la technique, présence physique, il ramasse beaucoup de ballons, il sait arriver dans les 16 mètres de l’adversaire. Son jeu est complet. Mais il y a d’autres surprises : on ne parle pas beaucoup de Seijas alors qu’il court beaucoup. Même quand une rencontre tourne mal, il essaie toujours de faire quelque chose. Il n’abandonne jamais. Et puis, il y a un autre dont on ne parle pas assez et qu’on a beaucoup critiqué, c’est Yoni Buyens. Tactiquement, il est bien placé et toujours présent dans son investissement, dans son travail défensif. Le tout avec un volume de course impressionnant. C’est un gars que j’apprécie beaucoup parce que malgré la critique, il a continué à travailler de la même manière. Il est resté calme même quand on l’a mis sur le banc.

Et les deux attaquants ?

C’est un duo de feu. Ils travaillent l’un pour l’autre. Normalement, c’est Cyriac qui doit décrocher pour venir chercher le ballon mais Mémé le fait aussi. Cela apporte de la surprise dans le jeu. Leur complémentarité, comme pour Kanu et moi, se prolonge aussi en dehors du terrain.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS : IMAGE GLOBE

 » Kanu est très, très chaud ; moi plus calme. Du coup, il y en a un qui chauffe et un qui calme. C’est pas mal, non ?  »  » Dans ma jeunesse, j’ai eu beaucoup de coups de sang, des bagarres avec mes coéquipiers, avec mon entraîneur. « 

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