La comparaison

Pour sa toute première saison en D1, en 2002-2003, l’Albert avait terminé à la 9e place. Le championnat en cours est différent mais pas loin d’être aussi bon.

La première expérience montoise en D1 avait marqué les esprits. L’Albert était monté un peu par miracle via le tour final puis avait directement trouvé ses marques en première division avec un coach qui avait une cote d’enfer : Marc Grosjean. On trouvait dans cette équipe une belle brochette de joueurs de très bon niveau : Cédric Roussel, Eric Joly, Liviu Ciobotariu, Olivier Suray, Jean-Pierre La Placa, Claude-Arnaud Rivenet, etc. Aujourd’hui, le noyau de José Riga comporte moins de noms ronflants. Mais ce club pourrait très bien terminer à nouveau dans la première colonne du classement alors que, comme en 2002-2003, il sort de la D2.

Comparaison des deux parcours.

L’évolution du classement.

Dès la deuxième journée, Mons s’installe dans la première moitié du classement et ne la quittera pour ainsi dire plus jamais. Les Dragons naviguent la plupart du temps entre la septième et la neuvième place. Il n’y a jamais le feu, la lutte pour le maintien est un terme qu’on ne prononce jamais au stade Tondreau, les esprits sont sereins. Un parcours évidemment inespéré vu qu’en début de saison, on avait la méchante impression que le club n’était pas du tout prêt pour la D1 – à tous les niveaux. La saison en cours a une physionomie différente. On peut la scinder en plusieurs phases. De la première à la douzième journée, on parle de départ réussi. L’Albert est calé dans le ventre mou. Après cela, il y a trois douloureuses semaines pendant lesquelles il est barragiste. La remontée s’amorce à partir de la seizième journée. Avec des hauts et quelques bas, Mons recolle progressivement au fond de la colonne de gauche. Après 27 matches, même si ce n’est pas mathématique, on peut dire que le club est sauvé.

Le recrutement estival.

Pour les grands débuts en D1, la direction fait la grande lessive dans le noyau – et provoque d’ailleurs la colère des supporters en écartant de vieux serviteurs comme Vincent Thoelen et surtout Dimitri Mercier. Près de 15 nouveaux joueurs débarquent, avec forcément des réussites et des échecs. Ce sont les transferts réussis qui vont permettre le bon parcours : Roussel, Ciobotariu, Joly, Dennis Souza de Guedes, Suray, Rivenet, Kris Van de Putte. On oublie dès lors les (nombreux) flops de l’été : Tarik Kharif, Mbemba Sylla, Jonathan Feriaud, Sébastien Nottebaert, Grégory Delwarte, Rabiu Baita, Al Hagie Sagna. Le marché est plus calme pour le retour en première division. On regrette vite le départ du buteur maison, Jérémie Njock. Les autres départs sont des joueurs qui n’ont pas prouvé leur utilité en D2. A nouveau, il y a du très bon et du très mauvais dans les nouveaux joueurs. Michaël Wiggers, Frédéric Jay et Hocine Ragued sont des maîtres achats. Fadel Brahami n’en touche pas une en début de saison puis devient incontournable. A côté de cela, il y a aussi les inévitables flops : Gilles Colin, Aziz ElKhanchaf, Gauthier Diafutua, Daniel Wansi, François Zoko. Et l’énigme OlivierGuilmot : impérial durant trois saisons d’affilée à La Louvière, il ne sortira jamais de l’ombre à Mons.

Le mérite de l’entraîneur.

Marc Grosjean, spécialiste des montées D2-D1, a déjà bossé en première division avec La Louvière. On en a gardé l’image d’un entraîneur simple et proche de son noyau. Son approche fait mouche à Mons. Il n’est pas seulement le patron sportif des joueurs, il est aussi leur confident, voire leur ami. Le succès de la saison 2002-2003 porte sa griffe et il a une image qui passe très bien dans les médias. José Riga découvre la D1, où sa seule expérience se limitait à un poste de T2 de Dominique D’Onofrio au Standard. A-t-il tiré les leçons du passage désastreux du commandant Sergio Brio à Mons ? Le tyran italien y a laissé des traces. Riga est beaucoup plus proche du style Grosjean et manie la même maxime : -Le foot professionnel est un plaisir et doit le rester. Lui aussi a une très bonne cote dans la presse.

Le buteur.

La saison 2002-2003 est celle d’un oublié de notre football : Cédric Roussel. Il rame durant les premières semaines, traînant quelques kilos de trop, puis trouve son rythme et on ne l’arrête plus. Il finira la saison avec 22 goals à son compteur, ce qui lui vaudra de rejoindre l’équipe nationale puis le Racing Genk. Roussel est une tour de contrôle dans son propre rectangle sur les phases arrêtées adverses et fait fureur (souvent de la tête aussi) devant l’autre but. Une espèce de clone de Jan Koller. L’absence d’un vrai tueur devant est un des problèmes du Mons version 2006-2007 et explique que cette équipe ait marqué moins que plusieurs clubs la suivant au classement. Mohamed Dahmane cherche souvent le penalty et rate de grosses occasions. Wansi et Zoko sont des flops. Aliyu Datti, transféré en janvier, n’apporte rien. Heureusement, Ilija Stolica (arrivé lui aussi en janvier) a fini par trouver le chemin du but. Et Wilfried Dalmat, un médian, comble une partie des lacunes offensives.

Le passeur.

Héros de la saison de la montée, La Placa doit attendre le mois d’octobre et la huitième journée pour entrer dans l’équipe. Il va vite exploser et finira le championnat avec 11 assists (sur un total de 28 pour l’équipe). Le petit Suisse trouve Roussel les yeux fermés, débloque un tas de situations compliquées dans l’entrejeu. Joly et Rivenet ont aussi le talent et la précision pour alerter l’attaquant le mieux placé. Mons n’a pas de buteur attitré mais pas non plus de passeur de génie. Aucun Dragon n’est encore arrivé au cap des 5 passes décisives alors que la fin de championnat est en vue. La ligne médiane a du chien avec des joueurs comme Dalmat, Ragued, Benjamin Nicaise et Brahami, mais pas de vrais joueurs passeurs. Alessandro Cordaro aurait pu être celui-là, mais sa saison est compliquée par une longue indisponibilité pour blessure.

Le jeu.

Grosjean n’abandonne jamais le 4-5-1 qui se transforme continuellement en 4-3-3. Avec Roussel en pointe, il estime que c’est le système qui convient le mieux à son groupe. Joly est un des deux médians défensifs mais il participe plus qu’activement à la construction des phases offensives. Derrière Roussel, un électron libre fait merveille : Pascal De Vreese en début de saison, Rivenet et La Placa ensuite. Derrière, l’expérience de Ciobotariu fait merveille : il est le guide d’une défense relativement jeune et pleine d’enthousiasme. Riga a opté pour un 4-4-2 mais a la même ambition que Grosjean : il veut du foot offensif, quel que soit l’adversaire. Il est souvent arrivé que Mons se crée plus d’occasions franches que l’équipe d’en face mais rentre bredouille à cause des carences de la ligne offensive. Le coach a déjà essayé tous les duos d’attaquants possibles, sans trop de succès. La première force de l’Albert est sa ligne médiane qui allie talent technique et expérience, avec une forte coloration française. Elle est si efficace qu’un joueur comme Wamberto doit se contenter du banc.

L’homme du cru.

Dès la montée acquise, la direction a viré Thoelen et Mercier, mais elle a heureusement conservé Olivier Berquemanne. Une façon de calmer la foule. Au moment de la montée, Berquemanne (32 ans) est à Mons depuis… 25 années. Il n’a jamais connu d’autre club. Il ne se contentera pas d’être un 17e ou un 18e homme : il jouera une bonne moitié des matches. Dans son style de médian sobre mais toujours disponible et qui ne passe jamais à travers. L’autre gars de la maison est Chemcedine El Araichi. Il est arrivé en 1994, à l’âge de 13 ans. Le gamin du vivier est un international Espoir que l’on compare à Wilfried Van Moer : Cordaro a commencé son écolage à La Louvière puis est passé à Mons en 2002, quand il avait 16 ans. Il réussit un très bon premier tour puis disparaît de la circulation pendant plusieurs semaines à cause d’une blessure. Il est revenu récemment dans l’équipe mais il faudra bien se rendre à l’évidence quand sonnera la fin de ce championnat : on attendait mieux de cette grande promesse. Surtout après la saison de fou que Cordaro avait réalisée en D2. A revoir.

La dynamo.

Si Roussel est la star de l’équipe vu qu’un buteur aura toujours plus de visibilité que n’importe quel autre joueur, Joly est le patron de l’Albert version 2002-2003. Il est un des boss du vestiaire, mais surtout la dynamo sur le terrain, le premier relais de Grosjean. Son travail défensif est phénoménal et sa technique hors du commun lui permet d’être à l’origine d’une bonne partie des actions offensives. Joly est le vrai phare de Mons, celui vers lequel porte systématiquement le regard du Dragon qui hérite du ballon. Ragued cherchait une revanche après n’avoir pas su s’imposer dans le club de son coeur, le Paris Saint-Germain. En quelques semaines, il a montré ce qu’il avait dans le ventre. Des facultés techniques, une endurance extraordinaire, une vision du jeu parfaite. Mais aussi une agressivité parfois mal canalisée. Il est actuellement le recordman d’exclusions (3) mais cela ne suffit pas à éclipser sa superbe saison. Comme Joly 4 ans avant lui, il combine foot défensif et boulot offensif avec un énorme bonheur.

Le recrutement hivernal.

Le mercato d’hiver se limite à sa plus simple expression. Normal : Mons occupe une très confortable septième place à la trêve, on peut déjà considérer à Noël que l’équipe est sauvée. Pas besoin de gros transferts, donc. Le club acquiert Hocine Chebaiki, qui ne jouera que deux petits matches, et Keith Kelly, un format de poche jamaïquain qui amusera la galerie pendant tout le deuxième tour mais quittera le Hainaut avec des statistiques nulles : pas un but, pas un assist. Le feu couve fin décembre : Mons n’est plus barragiste mais les places descendantes sont toujours proches. Le président DominiqueLeone sort donc une nouvelle fois son portefeuille et fait venir Adriano Duarte, Wamberto, Nicaise, Datti et Stolica. Wamberto n’est plus que l’ombre de lui-même, Datti n’est plus le buteur qu’il était lors de son premier passage à Mons. Duarte, Nicaise et Stolica sont de vrais renforts respectivement derrière, au milieu et devant.

L’exploit.

Dès la quatrième journée, Mons signe son premier grand fait d’armes en D1 : le Standard de Robert Waseige est battu (1-0) au stade Tondreau et c’est d’ailleurs l’avant-dernier clou dans le cercueil de celui qui coachait encore les Diables Rouges au Japon quelques semaines auparavant. Il sautera quelques jours plus tard, après une nouvelle défaite. L’autre grand moment de la saison à domicile est la victoire 4-1 contre Charleroi. Celle-là aura aussi la peau d’un entraîneur adverse : Etienne Delangre. Il faut patienter pour avoir droit au premier gros exploit at home : en février, le Club Bruges version Cedo Janevski perd une illusion de plus (1-0) à Mons. Les mauvaises langues lancent directement que ce Bruges-là, en soins palliatifs, pouvait être battu par n’importe qui. La mise au point définitive a lieu un mois plus tard : Genk, leader, est balayé, ridiculisé (5-0). Le stade explose, l’euphorie s’empare de tout le club. Au-delà de cette victoire de prestige, il y a le maintien presque assuré.

L’attitude du président.

Dominique Leone superstar ! La première saison en D1 est aussi celle du patron du club. Il multiplie les interviews dans la presse écrite, les TV le happent après chaque bon match, les radios en font aussi un invité privilégié, il est partout, fait parfois de l’ombre à l’équipe et au staff sportif. Président et mécène du club, homme d’affaires de haut niveau, il n’y en a souvent que pour lui. Sans arriver au niveau de son voisin Filippo Gaone, il n’hésite pas à balancer des phrases fortes et à remettre des gens en place. Où se cache Dominique Leone ? Il faut désormais s’inscrire sur une liste d’attente pour avoir droit à ses confidences. Une preuve d’intelligence : l’homme a certainement tiré les bonnes leçons de l’ère Brio, pendant laquelle il a dit tout et n’importe quoi. Il a tiré à boulets rouges sur tout ce qui bougeait (Grosjean en a aussi pris pour son grade) et s’est entêté à défendre publiquement un entraîneur qui menait le club vers le gouffre sportif et financier. C’est en se plantant qu’on devient un bon président : bien vu !

Les conditions de travail.

Grosjean est l’entraîneur le moins verni de D1. Un jour, le noyau s’entraîne sur le terrain principal, le lendemain sur une pelouse du SHAPE bordée de militaires, le surlendemain sur une autre appartenant à la Province. Un car doit être disponible en permanence pour véhiculer les Dragons qui doivent pour ainsi dire se doucher là où ils trouvent de l’eau chaude… Et le stade n’est qu’un ersatz d’arène de D1. En quatre ans, le plus grand progrès réalisé par le club se situe au niveau de ses infrastructures. Une nouvelle tribune principale est sortie de terre, on travaille actuellement à une tribune derrière un but, le côté opposé suivra, puis l’autre grande tribune principale. Mais surtout, les Montois travaillent sur de vrais billards jouxtant le stade et plus personne n’est en manque de place (joueurs, entraîneurs, staff administratif).

L’engouement.

Mons est-elle une ville de foot ? On en a toujours douté. Pour la découverte de la D1, les moyennes de spectateurs sont insuffisantes. Le président signale fréquemment qu’il est impossible d’attirer plus de gens dans des installations d’un autre âge et promet que 15.000 personnes assisteront à chaque match à domicile quand le nouveau stade sera terminé. Mons n’est pas (encore) une ville de foot. L’ambiance y est colorée et sympathique mais le véritable engouement fait toujours défaut. Il est peu probable qu’au moment où les travaux au stade seront terminés, il affiche régulièrement complet. Mons n’est pas Liège ou Charleroi : le football y est un centre d’intérêt parmi tant d’autres, pas une priorité ou une passion.

par pierre danvoye / photos: reporters – belga

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