Gare aux chevilles !

Un footballeur doit sauter et… retomber sans casse. L’entraînement physique fait donc la part belle à la proprioception et à la pliométrie.

L’entraînement des footballeurs professionnels est syncopé par les matches. Les 48 heures qui suivent une rencontre sont généralement consacrées à la récupération et au traitement des bobos, suite aux chocs. Il leur est donc difficile de s’entraîner 20 heures par semaine en pleine saison. Guy Namurois, préparateur physique du Standard, doit donc s’adapter à ce rythme.

Si le match a lieu le samedi, le dimanche est consacré au décrassage et aux soins, le lundi est généralement pénible pour les footballeurs. Restent donc le mardi et le mercredi pour travailler la condition, le reste de la semaine étant axé sur la préparation du match. L’Italie met l’accent sur la musculation, la France reste fidèle à la course. Guy Namurois se situe entre les deux écoles.  » Je profite des trêves imposées par le calendrier de l’équipe nationale pour effectuer de petits rappels. Le lendemain d’un match, il s’agit plutôt d’une récupération active, d’un décrassage (jogging) de deux fois dix minutes et d’exercices avec ballon : passer le cuir puis suivre, sur tout le terrain, courir ballon au pied. C’est beaucoup plus dur que de courir sans. Bientôt, nous disposerons au Bois Saint-Jean d’un circuit de deux km. Ce sera plus agréable. Courir autour du terrain à Sclessin n’est pas marrant. De toute façon, trop d’endurance casse la vitesse. Même dans les bois, je ne fais pas courir les joueurs pendant une heure. Nous effectuons un tour de 1.500 m, du stretching, puis un autre tour, plus rapide, etc. Les footballeurs parcourent de sept à dix km à des vitesses différentes, ce qui revient à faire de l’interval training « .

Victime d’une fracture de la malléole, Igor De Camargo est resté sur la touche pendant sept mois. Il a dû effectuer des exercices de renforcement des chevilles et de la proprioception. Celle-ci dépasse largement le cadre de la médecine sportive et de la revalidation, explique Namurois.  » Elle ne concerne pas que les chevilles mais tout le gainage, des chevilles jusqu’aux abdominaux. Il ne faut pas négliger les épaules non plus. Un footballeur a besoin de bras pour les remises en touche mais aussi pour courir et pour se recevoir. Combien d’entre eux ne se sont pas déboîté l’épaule ? Une pelouse n’est pas non plus comme un billard et quand on retombe au sol, après un duel aérien, on peut se blesser. C’est ainsi qu’Igor s’est brisé la malléole « .

Avant, les enfants couraient dehors, sautaient des murs et développaient naturellement les réflexes de protection de la chaîne pieds/hanches. C’est une proprioception dynamique alors que la statique a recours à des exercices sur planche à bille, tapis, ballon.

 » Michel Preud’homme en est conscient : un entraînement en groupe ne permet pas de faire progresser tout le monde. Idéalement, le programme physique est individuel car chaque joueur a ses qualités et ses défauts. Des footballeurs de 18 ans sont professionnels mais leur corps n’est pas encore arrivé à maturation, par exemple. Un bon entraînement physique permet d’améliorer sa condition tout en prévenant les blessures mais chacun a son talon d’Achille. Je ne travaille actuellement qu’une fois par semaine au Standard mais en concertation avec les kinésithérapeutes, qui peuvent prendre le relais. Certains joueurs ont un programme individuel, avant ou après l’entraînement collectif. Si c’est après, ce sera plutôt du stretching. Avant, il pourra servir d’échauffement. Si un footballeur travaille vingt minutes sur la planche, son échauffement sur le terrain sera plus bref « .

Travail d’explosivité

Durant le stage hivernal, Guy Namurois a mis l’accent sur l’explosivité. Il a toute une gamme d’exercices d’appui et de sauts. Ceux-ci sont particulièrement intéressants : ils permettent de travailler la puissance, la détente et la proprioception dynamique. Seul bémol : ceux qui souffrent des genoux doivent éviter la répétition des chocs, même si ces exercices renforcent aussi le quadriceps, qui protège l’articulation. Très importants aussi, les abdominaux.  » Ce sont des muscles de sprinter. Or, un footballeur est un sprinter. On ne peut pas bien courir si on n’a pas d’abdos. Sinon, ce serait comme prendre son impulsion sur de la mousse « .

Igor De Camargo est particulièrement concerné par ces exercices. Outre, les statiques, qu’il nous montre, Guy Namurois a toute une gamme d’exercices à effectuer dans les gradins et que tout un chacun peut effectuer dans un escalier.  » Nous utilisons parfois des haies mais les gradins sont plus soft. Un débutant peut monter cent marches, un professionnel ou un habitué arrivera à 400 « . Mieux vaut être prudent car la fatigue induit une perte de concentration et de coordination : bonjour les chutes !  » Les joueurs de tennis sont aussi des adeptes des gradins. On peut les gravir en marchant, deux marches à la fois, en sautant, en levant les genoux, on peut monter latéralement. Ou descendre, ce qui est plus dur mais d’un autre côté, on apprend ainsi à tomber souplement. On peut aussi monter et descendre à cloche-pied, pieds joints…  » Ces exercices sollicitent le corps des pieds aux abdominaux, en proprioception, en détente, en force et… ils stimulent aussi la condition physique générale.

Guy Namurois sourit :  » On recommande souvent aux femmes qui souhaitent avoir de belles formes de monter les escaliers au lieu de prendre l’ascenseur…  » Attention, monter des gradins ou des escaliers est différent de l’entraînement cardio sur un step : là, il n’y a pas de chocs ni de proprioception. Par contre, on peut travailler avec des steps en plastique, qu’on utilise comme des escaliers. Il est d’ailleurs possible de moduler leur hauteur et, pour plus de sécurité, les placer près d’une barre à laquelle se retenir en cas de problème – cela ne concerne pas les sportifs de bon niveau.

La séance

Igor De Camargo a tout un attirail : fit-ball, tapis épais (et instable), planche à bille. Il ne transpire pas mais ses muscles, essentiellement ceux des chevilles, vont le faire souffrir pendant la séance photos.

par pascale piérard – photos: reporters/thys

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