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De l’utilité ou de l’hypocrisie de la loi antidopage US

La nouvelle est passée inaperçue la semaine dernière: l’approbation d’une nouvelle loi antidopage par le Sénat américain.

La loi s’intitule officiellement H.R. 835-Rodchenkov Anti-Doping Act of 2019 (RADA), du nom de l’ancien directeur du laboratoire antidopage de Moscou, qui a fui aux États-Unis après avoir révélé l’existence du programme de dopage agencé par la Russie. La proposition de loi a reçu le feu vert de la Chambre des représentants en octobre 2019, puis lundi dernier, du Sénat. Il ne manque plus que la signature du président Donald Trump.

Cette loi va permettre à la justice américaine et au FBI, en collaboration avec l’USADA, l’agence US antidopage, de rechercher et de poursuivre les personnes qui facilitent le dopage ou y sont impliquées, quelle que soit leur nationalité, pour autant que la fraude ait été commise lors de compétitions internationales auxquelles participaient des sportifs américains, y compris en-dehors des USA, ou à condition que ces tournois aient été sponsorisés par des sociétés américaines, comme les Jeux Asiatiques, soutenus par Coca-Cola.

Les contrevenants peuvent être punis jusqu’à dix ans après la compétition. Ils s’exposent à une peine de prison allant jusqu’à dix ans et/ou à une amende de 250.000 dollars pour une personne, montant qui peut s’élever à un million pour les organisations. Le tribunal américain peut également saisir les biens ayant servis à l’organisation du dopage.

La loi concerne surtout l’entourage des athlètes et des fédérations, afin de démanteler les grands réseaux: coaches, officiels, managers, médecins… Elle ne vise pas les sportifs individuels, qui sont sanctionnés par la législation antidopage normale. La loi considère que les sportifs américains cleans, ainsi que les sponsors et détenteurs de droits TV désavantagés durant un tournoi sont « des victimes d’une fraude », et leur accorde le droit de réclamer des indemnités.

Les partisans de la Rodchenkov Anti-Doping Act estiment qu’elle constitue une nouvelle arme très utile contre le dopage, y compris de manière préventive. La loi devrait faire des Jeux Olympiques de Los Angeles 2028 les plus propres de l’histoire, car les tricheurs ne seraient pas enclins à se rendre aux States. Jim Walden, l’avocat de Grigory Rodchenkov, va jusqu’à dire que la loi est « l’aube d’une ère nouvelle » pour les athlètes propres. Travis Tygart, le CEO de l’USADA, la dépeint comme « un tournant monumental ».

La nouvelle loi antidopage du Sénat américain suscite le scepticisme du CIO et de l’AMA.

En revanche, le Comité international olympique (CIO) et l’AMA, l’agence mondiale antidopage, sont sceptiques. Cette dernière est depuis longtemps en conflit avec l’USADA, notamment au niveau des contributions financières. Ils craignent que d’autres pays, à commencer par la Chine, ne promulguent une loi similaire. Il n’y aurait alors plus un code AMA unique et clair, comme c’est le cas actuellement. Pourtant, d’après Witold Banka, le président de l’AMA, l’harmonisation des règles est capitale dans la lutte mondiale contre le dopage.

Il relève également l’hypocrisie de la loi: elle ne concerne en effet que les sports et les fédérations qui ont signé le code de l’AMA et n’est donc pas d’application pour les grandes compétitions américaines telles que la NBA, la NFL, la MLB et la NHL, à moins que leurs pratiquants ne participent à des championnats internationaux. Le règlement antidopage de ces compétitions est intégré dans les conventions conclues avec les joueurs et est donc moins sévère. Les partisans du RADA rétorquent que, sur base de la législation actuelle, la justice américaine peut déjà poursuivre les membres de ces ligues professionnelles pour fraude, collusion et trafic de drogue et de substances dopantes. Ceux qui dénonceraient ces pratiques ne devraient rien craindre, car ils seraient pris en charge par le programme Witness Protection. À suivre.

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