Comment devient-on Campeones ?

Deux Belges qui jouent en Espagne à des niveaux différents, un Espagnol qui a joué en Belgique, des agents de joueurs, des journalistes… Nous avons demandé à tous ces gens de répondre à une question essentielle : pourquoi l’Espagne a-t-elle enfin été sacrée championne d’Europe en 2008, après 44 ans d’abstinence ?

Enfin de la maturité et une mentalité de vainqueurs

 » Moi, ce qui m’étonne, ce n’est pas que l’Espagne ait été championne d’Europe en 2008 mais… qu’elle ne l’ait pas été plus tôt « , nous a dit Tom De Mul à Séville.  » Il y a tellement de talent dans ce pays.  » Lors des Jeux Olympiques de Pékin, on a retrouvé l’ailier flamboyant de l’Ajax Amsterdam. Au FC Séville, son temps de jeu s’est réduit comme une peau de chagrin, mais à force de côtoyer des footballeurs de haut niveau, à l’entraînement ou dans des bribes de match, il a progressé.

 » L’Espagne a toujours possédé une bonne équipe mais lors d’un grand tournoi, elle échouait presque systématiquement en quart de finale, au point que l’on évoquait la maledicción deloscuartos « , poursuit De Mul. C’eut encore été le cas cette année si IkerCasillas ne s’était pas montré le meilleur lors de la séance des tirs au but face à l’Italie, au même stade de la compétition. Mais cette explication est sans doute un peu réductrice.  »

 » En fait, tout un groupe de joueurs est arrivé à maturité « , estime l’ex-Hurlu CarlosCoto qui joue aujourd’hui dans l’équipe réserve du FC Séville – le Sevilla Atletico – en D2. Coto sait de quoi il parle : il a été champion d’Europe -19 en 2007 et fréquenté toutes les sélections nationales de jeunes.  » La qualité des joueurs espagnols n’avait, depuis longtemps, échappé à personne. Au groupe de joueurs existant et déjà expérimenté, formé notamment par Casillas, CarlosPuyol ou XaviHernandez, se sont joint toute une série de jeunes de grand talent comme FernandoTorres, Sergio Ramos, DavidSilva ou AndrésIniesta. Derrière, beaucoup d’autres jeunes arrivent encore, comme BojanKrkic ou DiegoCapel. Cela laisse augurer d’un avenir au moins aussi brillant que le présent.  »

 » Ce qui a surtout changé par rapport aux grands tournois précédents, c’est la mentalité « , nous a dit l’agent de joueurs JoséJesusMesas à Madrid.  » On a, cette fois, senti un véritable groupe sur le terrain. La selección a recueilli les fruits d’un travail de longue haleine entrepris avec les jeunes depuis pas mal d’années. Ces dernières années, ces sélections de jeunes avaient effectué une véritable razzia sur les titres européens : elles ont été championnes dans toutes les catégories d’âge. Il fallait bien qu’un jour, ces exploits trouvent un prolongement au niveau de l’équipe A. Le jeu de l’Espagne se caractérise par le toque (certains disent tiki-taka, c’est-à-dire des passes courtes en un temps), par la conservation du ballon, par l’art de poser des banderilles aux moments opportuns. Je crois aussi que Luis Aragonés a eu un rôle primordial : il a su façonner un groupe capable de développer le football qu’il préconisait, en effectuant des choix qui n’ont pas toujours fait l’unanimité au départ, mais les résultats lui ont donné raison. A l’Euro 2008, la selección était aussi composée d’un grand nombre de joueurs issus de la même génération, et qui ont la même conception du football.  »

Le travail en profondeur des sélections de jeunes

 » On travaille de manière très différente avec les jeunes en Espagne qu’en Belgique « , témoigne Coto.  » Mais il y a aussi un immense réservoir de talents. Avant l’Euro 2007 des -19 ans, on s’était réuni pendant 15 jours au pays avec 22 joueurs, dont quatre devaient être écartés en dernier ressort pour former le groupe définitif des 18. J’ai eu la chance de faire partie des 18. C’était un groupe qui jouait ensemble depuis plusieurs années, on se connaissait bien et cela a aidé au niveau collectif. Parmi ce groupe, certains ont déjà trouvé leur place en D1, comme JuanManuelMata (attaquant du FC Valence), SergioAsenjo (gardien de Valladolid), DiegoCapel (ailier gauche du FC Séville), CésarAzpilicueta (milieu de terrain d’Osasuna). D’autres doivent encore se contenter de la D2 comme moi, mais ce n’est pas mal car la D2 espagnole est l’une des meilleures d’Europe. Je pense qu’au niveau des jeunes, l’Espagne est au sommet. C’est le pays qui a remporté le plus de titres internationaux dans les catégories d’âge : -17, -19, -20… Et derrière, cela promet beaucoup : les générations à venir figurent parmi les meilleures de tous les temps. IñakiSaez (coach des Espoirs et de la selección de 2002 à 2004) est le père spirituel de beaucoup de joueurs. Aujourd’hui, il laisse le travail sur le terrain à d’autres coaches, mais il est toujours présent pour superviser.  »

A l’Euro 2004, au Portugal, Saez était à la tête de l’équipe A, mais ce ne fut pas un succès.  » Les entraîneurs ne sont souvent jugés que sur les résultats « , regrette Coto.  » Iñaki n’a pas eu de chance au Portugal, mais cela n’enlève rien à ses mérites. Il a démontré, avec les catégories inférieures, qu’il était à la fois un grand entraîneur et un être humain de grande valeur. La manière de jouer et de travailler en Espagne est un exemple pour tous les pays d’Europe. Ces trois ou quatre dernières années, le football espagnol a énormément progressé. Et il en a enfin été récompensé. Comme l’a déclaré Casillas : au cours des quatre prochaines années, tout le monde devra reconnaître que l’Espagne est la meilleure équipe d’Europe. « 

Des talents exceptionnels comme Villa, Xavi et Torres

En parlant de talents, qui se détache ?  » On pourrait citer pas mal de joueurs dans cette sélection « , concède De Mul.  » Offensivement, davantage encore que Torres, c’est DavidVilla qui m’impressionne. Il dégage une telle puissance ! Mais pour moi, l’homme clef de cette sélection, c’est Xavi. Un véritable métronome. Il joue avec une telle facilité, j’aime cette impression qu’il ne perd jamais un ballon.  »

A 28 ans, Villa (1,70 mètre et formé au FC Barcelone) possède déjà un palmarès enviable : champion du monde des -20 ans, médaillé d’argent aux Jeux Olympiques de Sydney en 2000, une Ligue des Champions, trois titres nationaux. Et voilà qu’il vient d’ajouter un titre de champion d’Europe. C’est Aragonés qui a fait de lui le leader qu’il est aujourd’hui. Certes, il avait déjà été convoqué pour la Coupe du Monde 2002 en Asie et pour l’Euro 2004 au Portugal, mais il monta à peine au jeu. Depuis l’arrivée du SagedeHortaleza, il a endossé un rôle majeur. Xavi n’est pas une star, on ne s’arrache pas les maillots n°8 à son nom dans les boutiques et ses déclarations font rarement la une des journaux, mais son travail sur le terrain est essentiel au bon fonctionnement de la selección.

Torres est, lui, beaucoup plus médiatique. Champion d’Europe des -16 ans en 2001, puis des -19 ans en 2002 (en étant à chaque fois élu meilleur joueur et meilleur buteur), il donna une nouvelle orientation à sa carrière en 2007, lorsqu’il quitta l’Atletico Madrid (où il joua 12 ans) pour Liverpool. La saison dernière, pour sa première expérience en PremierLeague, il a d’emblée inscrit 33 buts, dont 24 en championnat. A l’Euro 2008, c’est lui qui a offert le titre à l’Espagne en inscrivant le seul but de la finale.

 » Je m’occupe de lui depuis qu’il a 14 ans « , nous précise son agent FIFA Jorge Lera, collègue de Mesas.  » A cet âge-là, il n’est pas question de lui offrir un contrat, mais de discuter avec les parents pour leur expliquer à quoi pourrait ressembler l’avenir de leur fils. On a d’emblée décelé en Fernando des qualités de futur grand, tant au niveau technique que physique. Il a toujours été un garçon très sociable, très à l’écoute des conseils. Dès son plus jeune âge, il se distinguait par une grande maturité. Certains footballeurs ont tout dans les jambes et rien dans la tête. Lui a toujours été très équilibré. Ce n’est pas pour rien qu’on lui a confié, dès l’âge de 20 ans, le brassard de capitaine de l’Atletico Madrid. Quitter le club de son c£ur, il y a plus d’un an maintenant, n’a pas été facile pour lui, mais il avait besoin d’un nouveau défi. Son adaptation à l’Angleterre a été ultra-rapide, il a surpris tout le monde de ce point de vue. Même la barrière de la langue n’a pas constitué un obstacle. Au niveau footballistique, certains disent que le jeu très rapide et très direct pratiqué dans les Iles lui convient mieux que le football espagnol. Je ne suis pas loin de me ranger à cet avis. Il a déjà conquis le c£ur des supporters locaux et est en train de devenir une icône là-bas, au même titre qu’un joueur comme StevenGerrard. Pour un étranger, ce n’est pas un mince exploit. Il est très heureux à Liverpool et n’aspire pas à un transfert. Et en matière de contrats publicitaires, Fernando est arrivé au point où il accorde plus d’importance à la tranquillité et à la qualité de la vie qu’à l’argent. Il apprécie par-dessus tout la quiétude, les moments passés avec sa famille.  »

L’exode des joueurs espagnols

C’est un phénomène nouveau : jusqu’il y a peu, les joueurs espagnols rechignaient à tenter leur chance à l’étranger. Ils n’en voyaient pas la raison : ils étaient bien payés chez eux et évoluaient dans la LigadelasEstrellas.

 » Les footballeurs espagnols ont commencé à s’exiler à partir de l’an 2000 « , se souvient l’agent de joueurs Mesas.  » Les premiers sont partis dans des pays comme l’Ecosse. Ce n’était pas des joueurs de tout premier plan, mais ils ont entamé le processus. Le titre européen récemment conquis va certainement accentuer la demande. Ce qui a changé avec ce titre, c’est surtout la perception qu’ont les gens de l’équipe nationale. « 

 » Si les footballeurs espagnols s’exilent plus volontiers, c’est aussi parce que la Liga accueille de plus en plus de joueurs étrangers qui leur barrent la route « , estime Coto.  » Il y a, certes, une limitation du nombre de joueurs extra-communautaires dans la Liga, mais on ne peut rien en ce qui concerne les joueurs émanant des pays européens. Et il y en a énormément. Par ailleurs, tous les joueurs espagnols ont envie de jouer en Coupe d’Europe et encore davantage en Ligue des Champions. La plupart de ceux qui émigrent ne proviennent pas du Real Madrid ou du FC Barcelone, mais de clubs plus modestes comme Majorque (dans le cas de DanielGüiza parti à Fenerbahçe), la Real Sociedad (pour XabiAlonso désormais titulaire à Liverpool) ou le Deportivo (pour AlvaroArbeloa, lui aussi à Anfield Road). Ce n’est pas pour jouer le championnat turc que Güiza est parti à Istanbul… Mais cet exode est également bénéfique pour l’équipe nationale, car on apprend beaucoup en étant confronté à d’autres styles de jeu et mentalités. En ce qui me concerne, j’ai eu la chance de travailler en Belgique pendant un an. Ce séjour m’a été très profitable. La culture footballistique était très différente dans votre pays. En Belgique, on joue de façon très physique, on garde très peu le ballon dans les pieds, au contraire de l’Espagne. Chez nous, on aime caresser le ballon et on le garde au sol. On n’utilise le jeu aérien qu’en dernier ressort, après avoir tout tenté pour combiner au sol.  »

Ceci peut-il expliquer les difficultés des footballeurs espagnols à s’imposer en Belgique, et inversement, des footballeurs belges à s’imposer en Espagne ?  » Peut-être, mais si vous parlez de Tom, je pense qu’il est au contraire très bien adapté à Séville. Il ne manque pas de talent. Simplement, il doit faire face à une concurrence impitoyable : quand les deux ailiers titulaires sont LautaroAcosta et Adriano, et que JesusNavas et DiegoCapel (les deux internationaux du club) doivent eux-mêmes prendre place sur le banc, les chances de jouer sont réduites. A sa place, j’essaierais d’être prêté à un autre club où la concurrence est moins forte, car il a besoin de jouer.  »

La formation dans les clubs espagnols

L’hebdomadaire barcelonais DonBalón (le pendant espagnol de Sport/Foot Magazine) a classé, en fonction du nombre de produits du club évoluant en D1, les différents centres de formation d’Espagne. Le Top 4 est constitué par le Real Madrid (dont sont sortis IkerCasillas, Raúl, Guti, RubenDelaRed, MiguelTorres, JavierPortillo, EstebanGranero, JavierBalboa…), le FC Barcelone ( VictorValdés, CarlesPuyol, XaviHernandez, BojanKrkic, GiovanniDosSantos, LionelMessi, AlbertJorquera, SergioBusquets, GérardPiqué, ThiagoMotta…), l’Athletic Bilbao (un cas un peu particulier puisque le club doit puiser dans son réservoir pour aligner des joueurs basques, comme l’exigent ses statuts) et le FC Séville ( SergioRamos, aujourd’hui au Real Madrid, en est issu comme JoséMari de Villarreal).

 » Les deux grands du championnat possèdent les moyens financiers pour mettre en place une structure performante… « , reconnaître JosepColomer, directeur de l’école des jeunes du FC Barcelone.  » On a les moyens d’attirer les meilleurs. Je n’aurai, dès lors, pas la prétention d’affirmer qu’on travaille mieux dans notre centre de La Masía qu’ailleurs. Mais, si je dois citer une caractéristique du Barça, je dirais qu’on essaie de former des joueurs intelligents dotés d’un niveau technique très élevé.  »

Aujourd’hui, le passage de La Masía vers l’équipe Première s’est accéléré.  » Cela, on le doit à PepGuardiola, qui a travaillé avec l’équipe B et connaît bien tous ces jeunes « , estime XavierEnsenyat, journaliste à DonBalón.

 » Pour moi, former un jeune comporte différents aspects « , estime pour sa part JuanRamonLopezCaro, ancien entraîneur du Real Madrid B (désormais dirigé par JulenLopetegui).  » La technique est une chose, mais il faut aussi travailler le physique, le mental, l’intelligence et le sens collectif. Au centre de formation du Real, on discute tactique et technique de façon individuelle depuis le plus jeune âge. Et on sait que le niveau d’exigence est élevé dans ce club : on ne vise pas le 10/10, mais le… 12/10.  »

Le Real Madrid B, c’est le Real Madrid Castilla : là où le jeune Standardman EdouardKabamba a atterri cet été.  » Je n’ai pas encore eu l’occasion de m’entraîner avec le groupe « , affirme-t-il.  » Comme j’accuse un retard de condition physique suite à la pubalgie qui m’a freiné en fin de saison dernière (j’ai été opéré en mars), j’ai d’abord été soumis à un travail individuel en compagnie du préparateur. J’ai cependant déjà pu me rendre compte que tout était très pro. On ne doit penser qu’au football. Le matin, un délégué vient me chercher à l’appartement pour me conduire à Valdebebas, où l’on s’entraîne. Lorsqu’on arrive, tous les équipements sont prêts. Après, je ne dois même pas me soucier de nettoyer mes chaussures, on le fait pour moi. Le Real Madrid Castilla se compose d’une majorité de jeunes. Mon nouveau pote, c’est DanielOpare, un Ghanéen de 18 ans. Je pourrai beaucoup apprendre au niveau technique et tactique. Je prends aussi des cours d’espagnol. Contrairement à l’équipe Première, qui voyage en avion, on effectue la plupart des déplacements en bus. On ne joue pas au stade Santiago Bernabeu, mais dans un petit stade de 5.000 places érigé au sein même du centre de formation et baptisé Estadio Alfredo Di Stefano.  »

La Belgique a-t-elle une chance ?

L’Espagne présente-t-elle malgré tout des points faibles qui permettraient à la Belgique d’espérer engranger quelque chose, mercredi prochain ?  » Je ne pense pas que ce soit le moment idéal pour affronter l’Espagne « , estime De Mul.  » La selección est en pleine confiance : elle vient d’être sacrée championne d’Europe et a entamé la nouvelle campagne par un six sur six. Si j’étais à la place de RenéVandereycken, je jouerais crânement l’offensive. Je ne pense pas qu’en reculant, on s’en sortirait à bon prix : on finirait tout de même par encaisser, à un moment ou un autre. J’essaierais de profiter de l’espace que les arrières latéraux laissent souvent dans leur dos, car tant Sergio Ramos que JoanCapdevila sont très offensifs.  »

Mais pour plonger dans les espaces, il faudrait que Vandereycken se décide à jouer avec des ailiers… « 

 » Pour moi, la seule chance de la Belgique réside dans la formation d’un bloc solide, comme ce fut le cas en Turquie « , estime Coto.  » Elle doit jouer de manière compacte, tant dans l’entrejeu qu’en défense, car c’est en milieu de terrain et dans le camp belge que se jouera l’essentiel du match. Devant, les Diables Rouges devront espérer un exploit d’un attaquant. Individuellement, il n’y a pas photo : l’Espagne est largement supérieure. Je ne pense pas que l’Espagne modifiera son style, elle évoluera comme elle le fait toujours. Le match peut se décider sur un coup d’éclat d’un joueur espagnol. Chacun sait que ces joueurs-là en sont capables de sortir une action géniale à tout moment. « 

L’Espagne de Del Bosque est-elle différente de celle d’Aragonés ?  » Au niveau de l’effectif, non : ce sont à peu près les mêmes joueurs « , constate Coto.  » Mais Del Bosque aime passer par les flancs, davantage que son prédécesseur. Ce n’est pas un hasard si, lors de ses premières sélections, il a convoqué Capel qui est un ailier typique. Del Bosque devra compenser la défection de Silva, qui est blessé, et voir si Torres sera rétabli à temps. Si c’est le cas, je pense qu’il formera le duo d’attaque avec Villa. « 

Et la Belgique ?  » Elle compte des joueurs de grande qualité, il faut simplement qu’ils arrivent à maturité « , estime Coto.  » Del Bosque est également convaincu des qualités des Diables Rouges, puisqu’il a déclaré qu’il faudrait compter avec la Belgique. Je connais StevenDefour, AxelWitsel ou MarouaneFellaini. Ils ont beaucoup de talent. Le fait que Marouane ait été transféré à Everton pour 20 millions d’euros est révélateur. On ne dépense pas une somme pareille pour un joueur moyen. Parmi les joueurs plus expérimentés, je suis convaincu que WesleySonck est, lui aussi, capable de poser des problèmes à la défense espagnole… « l

par daniel devos

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