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Pourquoi sommes-nous de plus en plus infertiles? Voici les causes parfois méconnues

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Les causes qui affectent la fertilité sont diverses, même si l’âge reste le facteur numéro un. Entre l’homme et la femme, les responsabilités sont partagées. Et les mentalités doivent encore évoluer.

Un tiers, un tiers, un tiers. En matière d’infertilité, «il y une réelle division du problème. On peut estimer à 30% la cause maternelle, 30% la cause paternelle, le reste venant de problèmes infertiles mixtes ou inexpliqués», contextualise Marine Guisset, gynécologue spécialiste de la fertilité à la Clinique Saint-Jean, à Bruxelles. «C’est une fausse idée de penser que la femme est toujours plus à l’origine de l’infertilité que l’homme: c’est du 50-50», abonde Annick Delvigne, gynécologue et cheffe de service au Centre de PMA à la Clinique MontLégia, à Liège.

Pour tomber enceinte, trois éléments doivent être réunis: une ovulation (les troubles, à ce niveau, sont nombreux), des trompes utérines fonctionnant correctement et, enfin, un petit œuf de bonne qualité. «Ce dernier élément est déterminé à 95% par l’âge maternel. Le fait que les femmes attendent de plus en plus longtemps n’est donc pas un facteur favorable, avertit Marine Guisset. L’âge maternel beaucoup plus élevé qu’il y a trente ans est la principale cause d’infertilité chez la femme. A partir de 37 ans, on observe un déclin exponentiel de la qualité ovocytaire.»

«C’est primordial, appuie Annick Delvigne. Actuellement, on veut un enfant de plus en plus tard. Un gros travail d’information est à réaliser auprès des jeunes.» Toutefois, la fertilité ne diminue pas drastiquement après un âge précis. «Elle commence à baisser après la trentaine. Vers 32 ans, la réserve ovarienne tend à se réduire et le nombre d’ovocytes anormaux à augmenter. Cela s’accélère encore à partir de 35 ans. Et ça devient vraiment compliqué au-delà de 40 ans

Infertiles? Le sperme en zone grise

«Autrefois, quand un couple venait nous consulter, c’était parce que le sperme n’était pas bon, ou que les trompes étaient bouchées, mais aujourd’hui, dans la plupart des couples, les femmes ont 35 ans et plus, note le professeur Herman Tournaye, chef de service au Brussels IVF, le centre de reproduction humaine de l’UZ Brussel. L’âge de la femme est prépondérant. Nous voyons beaucoup d’hommes dont le sperme est en “zone grise” ; ils pourront concevoir un enfant plus facilement si leur partenaire est jeune et très fertile, moins si elle a 38 ou 39 ans.»

Les hommes imaginent pouvoir se reproduire sans souci jusqu’au jour de leur mort: même s’il est moins prononcé que chez la femme, le déclin masculin «est très progressif à partir de la trentaine, et 50 ans est considéré comme l’âge critique», détaille la spécialiste de la Clinique MontLégia. Les années qui passent peuvent entraîner une augmentation des erreurs dans la multiplication des spermatozoïdes, avec des anomalies génétiques. La varicocèle (des varices au niveau des testicules) est un autre élément qui peut freiner la fertilité masculine. «Elle entraîne une température plus élevée dans les testicules. Or, les spermatozoïdes n’aiment pas la chaleur», analyse Marine Guisset.

Par le passé, on pensait que, du fait que la femme portait l’enfant, elle était l’unique responsable de l’infertilité.

Outre l’âge et d’autres causes «physiques» (obésité, anorexie, problèmes endocriniens dans 10% des cas…), des facteurs environnementaux peuvent avoir une influence. Surtout chez les hommes. Pour une raison simple: les femmes naissent avec un stock déterminé d’ovocytes, avec lequel elles vieillissent. «Si ce petit œuf est de mauvaise qualité à la naissance, il n’y a aucun moyen de l’améliorer», fait remarquer la gynécologue. Les hommes, eux, renouvellent leurs spermatozoïdes toutes les six semaines à trois mois. «A chaque nouvelle production, les facteurs environnementaux peuvent donc avoir un impact. La qualité des spermes a baissé de 30%, en moyenne, ces trente dernières années, chiffre Marine Guisset. Chez l’homme, ça reste le souci numéro un en matière de reproduction, même si des problèmes de transport peuvent exister – certains ne naissent pas équipés du conduit qui relie les testicules au reste de l’appareil génital.»

Les études scientifiques se suivent et corroborent la diminution de la qualité spermatique. Tant pour la concentration que pour la mobilité des spermatozoïdes, très sensibles aux facteurs environnementaux. La faute au tabac, notamment? «Chez les fumeurs, la mobilité est inférieure, car des particules de toxines présentes dans les cigarettes viennent se fixer sur les spermatozoïdes, les rendant plus lourds et plus lents», détaille Marine Guisset. La faute à la pollution, aussi? Annick Delvigne remarque que la différence de qualité spermatique est surtout marquée chez les hommes vivant en zone urbaine.

Tout sur la femme

Mais, vu le renouvellement continu de leurs spermatozoïdes, les hommes ont l’avantage d’avoir à leur disposition davantage de solutions pour optimaliser leur prochaine production. D’où, sans doute, cette tendance à repousser davantage la responsabilité de l’infertilité sur la femme. «Par le passé, cette idée venait du fait que la femme portait l’enfant et qu’elle était l’unique responsable. On ne réalisait même pas de spermogramme chez le mari. Aujourd’hui, ce serait une erreur médicale de ne pas commencer par-là, car dans 50% des cas, l’homme est impliqué», pointe Annick Delvigne. Et d’ajouter: «Souvent, chez l’homme, on fait encore l’amalgame entre fertilité et fonction sexuelle. Or, on peut très bien avoir une érection parfaite et zéro spermatozoïde dans son éjaculat.»

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