Pourquoi le slogan « cinq fruits et légumes par jour » est un flop magistral

Ludivine Ponciau
Ludivine Ponciau Journaliste au Vif

Le slogan “cinq fruits et légumes par jour” a été un flop magistral, déplore Pascale Mestrez, responsable de la filière médicale du Centre de l’obésité du Grand hôpital de Charleroi.

Une véritable épidémie: d’ici à 2035 – soit dans 12 ans -, plus de la moitié de l’humanité sera concernée par l’obésité. Aujourd’hui, plus de cinq Belges sur dix sont en surpoids, et environ 20% d’entre eux sont considérés comme en situation d’obésité. La tendance d’autant plus inquiétante qu’elle touche surtout les moins de 18 ans: un sur cinq est déjà en surpoids, un sur vingt est obèse.

Un véritable problème de société… qui ne semble pas vraiment être une priorité pour les autorités. Qui enchaînent quelques mesures. Par exemple, depuis 2006, la Belgique table sur un Plan fédéral nutrition santé pour améliorer les habitudes alimentaires et le niveau d’activité physique de la population. Autre exemple: la Convention Sel conclue avec la Fevia et Comeos (la fédération du commerce et des services) a permis d’en faire baisser la consommation journalière moyenne chez les Belges de 10,45 grammes en 2009 à 9,5 grammes en 2014.

En 2016, les mêmes partenaires ont signé la Convention pour une alimentation équilibrée. Objectif: réduire de 5% l’apport calorique en allégeant les produits en sucres et/ou graisses ou en améliorant leur composition. Plus de deux entreprises alimentaires sur trois en Belgique ont modifié la composition d’au moins un de leurs produits.

Depuis 2015 aussi, une taxe frappe les boissons contenant du sucre ou d’autres édulcorants, tels que le cola, la limonade et l’eau aromatisée. Les droits d’accises atteignent aujourd’hui les 11,9 euros par hectolitre, et pourtant les distributeurs vendent toujours autant de limonades. 

« Si vous mangez dix fruits par jour, vous augmentez aussi le risque d’obésité »

Dans sa dernière note de politique générale, Frank Vandenbroucke (Vooruit) annonçait un «virage pour la santé» à travers trois plans intégrés – alcool, tabac, alimentation – prévus pour 2023. Il est vrai que, dans les faits, les choses commencent à bouger. Récemment, le ministre de la Santé a déclaré qu’il envisageait de suivre l’exemple du Royaume-Uni en limitant l’exposition des jeunes à la publicité pour des aliments trop sucrés, trop gras, trop salés et pour les fast-foods. Une autre idée fait son chemin: supprimer la taxe sur les fruits et les légumes pour inciter le Belge à en consommer davantage.

Mesures ou mesurettes? Le plan national nutrition et santé est ambitieux, reconnaît Pascale Mestrez, responsable de la filière médicale du Centre de l’obésité du Grand hôpital de Charleroi. Mais comme souvent en Belgique, les moyens manquent pour atteindre les objectifs fixés. Depuis quinze ans, cette médecin nutritionniste voit défiler des patients obèses issus de toutes les classes sociales. Ce qui la frappe, c’est leur incapacité à discerner les aliments sains des autres, alors qu’ils sont exposés, comme n’importe quel autre citoyen, aux informations et aux campagnes de prévention. C’est bien ça, le problème: à force d’entendre des injonctions, des conseils et des recommandations, parfois contradictoires, le Belge ne sait plus ce qu’il doit mettre dans son assiette.

«Le slogan “cinq fruits et légumes par jour” a été un flop magistral, illustre la spécialiste. Pour certaines personnes, cela signifiait qu’ils devaient manger ces aliments en plus de ce qu’ils consommaient déjà au cours de la journée. Ça ne fonctionne que chez celles qui étaient déjà instruites et pratiquaient une discrimination dans l’alimentation. Et encore, même elles se sentent parfois perdues dans tous ces discours généralistes sur ce qu’il convient de manger ou non. Par ailleurs, un aliment peut être nutritif sans qu’il soit recommandé d’en manger dans votre situation personnelle. Si vous mangez dix fruits par jour, vous augmentez aussi le risque d’obésité.»

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