L’orthosomnie, ou l’épuisante obsession du sommeil parfait

Stagiaire Le Vif

Face à l’augmentation des troubles du sommeil liés à la pandémie, de plus en plus de Belges ont recours à des applications pour analyser leurs nuits. En cette journée internationale du sommeil, le Vif se penche sur une pathologie méconnue : l’orthosomnie, soit l’obsession du sommeil parfait.

Près d’un Belge sur trois souffrirait de troubles du sommeil, révèle une récente étude menée par le professeur Olivier Mairesse à l’hôpital Brugmann de Bruxelles. La pandémie aurait bousculé les rythmes de vie, allongeant le périple pour tomber dans les bras de Morphée. Pour mieux dormir, nombreux sont ceux qui investissent dans des applications de sommeil et leurs montres connectées.

ShutEye, Sleep Cycle, Réveil Bonjour, Sleep better sont autant d’applications qui proposent d’améliorer le sommeil de leurs clients, en traquant ses habitudes et ses nuits. Avez-vous consommé de l’alcool ? Êtes-vous stressé ? Dormez-vous dans votre propre lit ? En fonction des données récoltées, elles notifient même l’utilisateur quand il est l’heure d’aller se coucher. En outre, l’application iRonfle propose d’analyser la fréquence des ronflements du dormeur, qui pourraient troubler le sommeil. À la clé, une promesse : améliorer la qualité de vie de l’utilisateur, sa santé, et même son bonheur.

Et cette technologie du sommeil connaît un succès fulgurant. En 2020, l’industrie du sommeil pesait déjà 12,5 milliards de dollars, rapporte The Economist, et cette somme devrait tripler d’ici 2025. Parallèlement, « l’orthosomnie », soit l’obsession du sommeil parfait, devient de plus en plus répandue. Le terme apparaît pour la première fois en 2017 dans un rapport publié dans le Journal of Clinical Sleep. Les chercheurs, à l’origine du rapport, expliquent avoir choisi ce terme car « la quête perfectionniste d’un sommeil parfait est similaire à la préoccupation malsaine d’une alimentation saine, appelée orthorexie ».

Les applications de tracking de sommeil et autres objets connectés augmenteraient en réalité cette obsession du sommeil. « J’ai vu des patients venir avec leur tracker de sommeil et me dire qu’ils ont un problème de sommeil parce que leur tracker leur dit qu’ils ne dorment pas assez, ou que leur sommeil était trop léger », raconte une somnologue à The Guardian. Ces personnes, addicts aux analyses de sommeil, sont souvent des perfectionnistes. « Ils veulent fonctionner parfaitement pendant la journée et leur sommeil doit être parfait », explique Inge Declercq, neurologue et spécialiste du sommeil à l’hôpital universitaire d’Anvers, à la VRT.

Ces nouvelles technologies permettent-elles réellement d’améliorer le sommeil de l’utilisateur ? « Les conclusions qu’on peut en tirer ne sont pas très fiables », déclarait à la RTBF le docteur Pascal Legros, somnologue à la clinique Saint-Luc de Bouge. Selon l’expert, les informations communiquées aux adeptes de ces applications quant à la qualité de leur sommeil ne seraient pas suffisamment précises.

Pour améliorer ses nuits, le psychiatre Matthieu Hein, spécialisé dans les troubles du sommeil, recommande, non pas de faire usage d’application de tracking du sommeil, mais « d’être le plus régulier possible ». Se lever et se coucher à des heures fixes, se dépenser ou encore manger à des heures régulières, sont autant de moyens pour maintenir la meilleure hygiène de vie que possible.

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