Comment le Covid a provoqué une épidémie d’insomnies (et comment y remédier)

Stagiaire Le Vif

Le nombre d’insomnies aurait quasiment quadruplé lors du second confinement, selon une récente étude menée par l’hôpital Brugmann et la VUB. En cause, l’anxiété et les modifications du rythme de vie provoquées par la pandémie. Pour ne plus compter les moutons, les scientifiques recommandent de maintenir une bonne hygiène de sommeil.

À l’hôpital Brugmann, à Bruxelles, le professeur Olivier Mairesse a étudié l’impact de la pandémie sur les habitudes de sommeil des Belges. Avant le confinement, 7 à 8% des sondés souffraient d’insomnies. Durant la première vague, ce chiffre a presque triplé. « Près d’une personne sur cinq », soit 19% de la population, « démontrait des plaintes d’insomnies », explique le chercheur. La frange de la population la plus touchée par ces troubles du sommeil était les jeunes de moins de 24 ans, selon l’étude.

Durant la seconde vague, le nombre d’insomnies a encore augmenté, atteignant presque la barre des 30%. « Quasiment une personne sur trois souffrait donc d’insomnies », poursuit le Pr Mairesse. Les habitudes des jeunes étaient toutefois moins altérées que durant le premier confinement, « probablement parce qu’il y a eu à ce moment-là un retour partiel à la vie normale pour ces jeunes, à l’école ou à l’université. » A contrario, les personnes à l’âge de la retraite sont celles dont le sommeil a été le moins perturbé.

Lors de son étude, le professeur a constaté que si les sondés passaient plus de temps au lit, se couchant et se levant plus tard, ils ne dormaient pas plus. « La latence d’endormissement était plus longue », explique le Pr Mairesse, impactant directement l’efficience de sommeil. Si certains individus ont déclaré avoir mieux dormir durant la pandémie, ils ne représenteraient que 1 à 2% de la population. « Ce qui ne compense donc certainement pas l’augmentation, dans la population, de la prévalence d’insomnies », ajoute le chercheur.

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À L’ULiège, la neuropsychologue Christina Schmidt a étudié l’impact du premier confinement sur les nuits des Belges et des Italiens. Elle a aussi observé que les gens passaient plus de temps au lit sans mieux dormir pour autant. Selon elle, les femmes auraient souffert davantage de troubles du sommeil. En cause, une « surcharge mentale » probablement due au fait de devoir « combiner la charge familiale et la charge professionnelle ». La scientifique a également relevé que, si en Belgique les nuits des chômeurs étaient moins impactées par le confinement que celles des travailleurs, en Italie, à l’inverse, les personnes sans travail souffraient plus du lockdown. Pour expliquer ce contraste, « une hypothèse est que le système de sécurité sociale est différent d’un pays à l’autre », explique Christina Schmidt.

Dans sa pratique quotidienne, le psychiatre Matthieu Hein, spécialisé dans les troubles du sommeil à l’hôpital Erasme, a également constaté une augmentation des troubles du sommeil suite à l’arrivée de la pandémie. S’il estime qu’entre 25 et 40% de la population souffre de troubles du sommeil, ce pourcentage serait nettement plus élevé chez les personnes qui ont attrapé le Sars-Cov-2, pouvant grimper jusqu’à 80%. Un diagnostic confirmé par Olivier Mairesse, qui a observé que la fatigue, souvent associée à des insomnies, était un des symptômes cardinaux du Covid long. L’effet du virus lui-même n’a toutefois pas encore été étudié en Belgique.

Stress, anxiété et modifications du rythme de vie

À l’origine de ces troubles, le professeur Mairesse a constaté que le stress et l’anxiété liés au confinement créent davantage de problèmes de sommeil que la peur du virus en elle-même. « Au plus vous aviez peur du virus, au plus les mesures de confinement vous paraissaient sensées, et au moins vous aviez de sentiments de « dépression » par rapport à ce confinement ».

Le psychiatre Matthieu Hein pointe du doigt le stress, qui joue un rôle important au niveau du sommeil, mais également les modifications dans le rythme de vie, amenées par les confinements et les restrictions sanitaires. « Les gens sont moins sortis, ont fait moins d’activité physique, eu moins de contacts sociaux… Ce qui tient un rôle important dans la synchronisation du sommeil et qui a probablement contribué aussi à la dégradation globale du sommeil dans la population générale. »

Hygiène de sommeil et mesures non-médicamenteuses

Pour se frayer un chemin dans les bras de Morphée, le psychiatre recommande « d’être le plus régulier possible : se lever et se coucher à des heures régulières, maintenir une activité physique, manger à des heures fixes… Avoir la meilleure hygiène de vie possible en somme ». Le Pr Mairesse propose, pour traiter l’insomnie, la thérapie cognitivo-comportementale, qui « réapprend au patient à avoir des comportements productifs pour son sommeil, mais qui vont peut-être à l’encontre de son intuition ». « Par exemple, quand vous êtes fatigués, il est inutile de se coucher plus tôt. Il faut se coucher quand vous avez sommeil, ce qui signifie parfois aller se coucher plus tard. » Le chercheur conseille également d’avoir une hygiène de sommeil correcte, en se levant à la même heure ou encore en ayant une activité physique, mais pas trop tard en journée.

Avant la prise de somnifères, « dont on ne sait pas toujours se débarrasser après », Matthieu Hein recommande de privilégier les mesures non-médicamenteuses. Le Pr Mairesse reconnaît que si « la prise de traitements hypnotiques, tels que les somnifères et les calmants, est efficace à court terme, elle n’est pas recommandée pour des insomnies chroniques, c’est-à-dire qui durent plus de trois mois« .

Les troubles du sommeil ne sont bien évidemment pas mortels, rappelle Christina Schmidt. « Se sentir angoissé face à la situation pandémique et avoir du mal à dormir est un mécanisme adaptatif normal, en réponse à une situation inconnue. L’important est que ce mécanisme ne se perpétue pas, pour ne pas conduire au développement d’insomnies chroniques. » Un sommeil perturbé peut en effet être associé à une augmentation accrue des problèmes cardio-vasculaires et des risques d’une série de cancers.

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