Prix, empreinte carbone, technologies: les grands défis du marché des batteries électriques
La voiture est un maillon essentiel de l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050. Néanmoins, l’autonomie des batteries continue d’inquiéter par son coût financier et environnemental. Des solutions se profilent, mais la question du réseau électrique demeure entière.
Combien de kilomètres peut-on parcourir avec une voiture électrique (VE) sans recharge? La réponse dépend surtout du budget consacré à son achat. Avec une Dacia Spring, accessible pour un peu plus de 20 000 euros, il faut se contenter d’une autonomie de 230 kilomètres, selon les normes européennes WLTP. A l’opposé, la Lucid Air Dream Edition détient actuellement le record: jusqu’à 883 kilomètres avec une seule charge grâce à sa batterie de 120 kWh. Pour cette capacité de rêve, il en coûte toutefois 222 000 euros (aux Pays-Bas). Une série d’autres modèles parviennent néanmoins à atteindre les six cents kilomètres d’autonomie, largement assez pour rouler sans crainte au quotidien. A condition de pouvoir débourser plus de 50 000 euros.
Les raccordements devront être renforcés et le réseau haute tension densifié.
Prix des batteries
Ces prix élevés découlent avant tout du coût des batteries. Selon BloombergNEF (BNEF), le prix de la batterie de référence au lithium-ion s’élevait à 151 dollars par kWh en 2022. Sachant que la consommation moyenne est d’environ 15 à 20 kWh par cent kilomètres, la batterie d’une VE capable de parcourir de cinq cents à six cents kilomètres revient à elle seule à environ 15 000 euros, hors marges et taxes (TVA de 21%).
Dans une perspective historique, le prix des batteries actuelles est pourtant plutôt bas puisqu’il était encore de plus de sept cents dollars par kWh en 2013. La tendance baissière s’est toutefois arrêtée net en 2022 avec la première hausse répertoriée par les analystes de BNEF (voir graphique ci-contre). Aujourd’hui, les spécialistes prévoient une diminution relativement contenue pour les prochaines années et qui sera fonction, notamment, de l’évolution du coût des matières premières – celui-ci avait bondi en 2022.
Evolution technologique
Dans l’immédiat, les innovations technologiques sont assez peu prometteuses à ce niveau. Toyota a, par exemple, annoncé vouloir lancer d’ici à 2027 des VE dotées d’une batterie dite «solide» – contrairement aux batteries actuelles dont l’électrolyte (la substance conductrice permettant la circulation des ions de la cathode à l’anode) est liquide. Les performances annoncées sont impressionnantes: autonomie de 1 200 kilomètres, recharge en dix minutes et plus sûre (risque de surchauffe réduit). Mais la production d’une telle batterie coûte pour l’instant de quatre à 25 fois plus qu’une batterie classique, d’après la Japan Science and Technology Agency.
Toyota espère en réduire fortement le coût grâce aux économies d’échelle et à de nouvelles formulations sans sacrifier la densité de 500 à 750 Wh par kilo, soit deux à trois fois mieux que les batteries lithium-ion existantes.
Même si la batterie solide est plutôt à attendre pour la prochaine décennie, une telle densité permettrait de développer des VE moins lourdes et/ou avec de très longues autonomies. De plus, une batterie solide n’inclut pas de cobalt dont l’extraction pose d’importants problèmes environnementaux et sociaux (travail des enfants dans les mines sauvages au Congo).
Les batteries LFP (lithium-fer-phosphate), à électrolyte liquide, sont aussi exemptes de cobalt. Leur densité est moindre que les NMC (nickel-manganèse- cobalt) , la référence actuelle, mais elles présentent une meilleure durée de vie. Selon une étude de l’Electrochemical Society, elles conservent au moins 80% de leur capacité après plus de trois mille recharges, contre à peine mille pour les NMC. Ce qui permet de ne pas devoir les remplacer et d’envisager une deuxième vie (stockage de réseau). Les batteries LFP sont aussi moins chères, ce qui leur a permis de conquérir 30% du marché en 2022. Elles sont notamment très populaires en Chine, où une voiture neuve sur quatre est électrique grâce aux économies d’échelle et aux prix extrêmement compétitifs. La Commission européenne a toutefois ouvert une enquête, suspectant les constructeurs de véhicules électriques de bénéficier de subventions illégales en Chine.
Maximum 126 600 kilomètres
NMC, LFP, solide, etc., les technologies se multiplient et permettront sans doute, à terme, de répondre aux besoins de l’ensemble des conducteurs. Il est toutefois évident qu’une batterie, pesant de l’ordre de trois cents kilos, a aussi un impact environnemental.
En matière de gaz à effet de serre, Reuters a comparé une Tesla Model 3 et une Toyota Corolla. Il en ressort qu’une VE a une empreinte CO2 moindre après entre 13 500 kilomètres en Norvège et 126 600 kilomètres en Chine. L’intensité carbone de la production électrique est évidemment déterminante.
A ce niveau, la Belgique figure dans la moyenne, mais on pourrait douter qu’il y ait suffisamment d’électricité alors que l’on ne cesse de parler de risques de pénurie. Un obstacle qui peut être surmonté grâce à l’utilisation de bornes de recharge intelligentes (bénéficiant notamment d’avantages fiscaux, lire p. 22). Votre VE se recharge ainsi quand l’électricité est plus abondante, évitant de surcharger le réseau aux moments critiques (fin de matinée-début de soirée).
Réseau électrique
Les batteries des VE pourraient même servir à équilibrer le réseau en restituant de l’énergie durant les pics de consommation. Elia, gestionnaire du réseau haute tension en Belgique, a par exemple signé un accord avec Volkswagen pour développer des solutions permettant de renforcer l’intégration des VE dans le système électrique.
Toutefois, il ne suffit pas que l’électricité soit produite ou disponible, le réseau doit acheminer les électrons. A ce niveau, force est de constater qu’il reste beaucoup à faire. Avec le développement des VE et l’électrification d’autres usages énergétiques (chauffage, eau chaude, cuisine), les raccordements doivent être renforcés. Resa, gestionnaire de réseau en région liégeoise, souhaite ainsi plus que doubler la puissance disponible pour chaque client, de 3 kVa à 6,66 kVa. Le réseau à haute tension doit aussi être densifié pour intégrer les énergies renouvelables.
Mais cela suppose des investissements peu populaires (nouvelles lignes électriques, augmentation des frais de réseau sur la facture) et nécessitant une grande coordination. Ce qui fait défaut en Wallonie, comme l’a constaté le gouvernement. La création d’une nouvelle cellule a ainsi été annoncée début septembre avec l’objectif d’assurer la coordination des mesures sans interruption à chaque changement de législature.
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