Les vieux, au pieu, c’est mieux
Les vieux, au pieu, c’est mieux © Clémence Gouy

Les Belges et le sexe : pourquoi les seniors sont très satisfaits de leur sexualité (sondage)

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Les clichés liés à la sexualité des aînés sont nombreux. Mais pas confirmés par les statistiques: au lit, ils sont majoritairement satisfaits.

Attention, scoop: les parents font l’amour. Si, si. Non, ils n’ont guère copulé qu’une fois, juste pour concevoir leur progéniture. Cette incapacité à concevoir que papa et maman puissent s’amuser sous les draps a, par extension, créé un drôle de cliché: les «vieux» ne s’enverraient pas en l’air.

Aussi parce qu’ils seraient trop malades. Trop faibles. Trop seuls. Trop laids. Trop mous ou trop sèches. Lorsqu’il entame un cours ou une conférence, Stéphane Adam, psychologue de la sénescence et chargé de cours à l’ULiège, aime poser cette question: «A votre avis, quel est le pourcentage des personnes âgées de 80 à 102 ans à avoir eu des rapports sexuels pénétratifs au cours de l’année écoulée?» Réponse habituelle de l’assemblée: entre 2 et 3%. Réponse réelle: 63% des hommes, 30% des femmes. Une différence qui s’explique, entre autres, car ces messieurs peuvent plus facilement avoir accès à des partenaires plus jeunes – bref, il y a plus de Johnny que de Macron.

«Quand je me rends dans une maison de repos et que je demande aux résidents quelles sont les situations qui posent problème, j’entends souvent: “Il y en a qui veulent tout le temps, comment gérer ça? ”», raconte Stéphane Adam. Qui rappelle que, selon différentes études, un tiers des plus de 70 ans se déclarent toujours très actifs sexuellement.

Les vieux, les moins insatisfaits

Tendance confirmée par notre sondage: la moitié (49,2%) des 65-75 ans affirment avoir des rapports sexuels au minimum une fois par semaine. Dont 5,5% presque quotidiennement… soit la même proportion que chez les 16-24 ans. Seuls 3% des aînés confessent copuler moins souvent qu’une fois tous les quelques mois. Le pourcentage est plus élevé dans toutes les autres catégories d’âge! Par ailleurs, 62% des plus de 65 ans (ayant eu un rapport sexuel au cours de six derniers mois) se déclarent satisfaits de leur vie sexuelle, tandis qu’à peine 37,6% confient que celle-ci s’est détériorée au fil des cinq dernières années. Et 60,2% des aînés jouiraient presque à chaque rapport ; 15,8% plus de la moitié du temps. Ceux qui n’atteindraient jamais le septième ciel (2,7%) sont, à nouveau, les moins nombreux par rapport aux autres catégories d’âge (par comparaison: 10,5% chez les 16-24 ans).

Suite de l’article après l’infographie.

Donc: les «vieux» semblent s’amuser au pieu. Pourquoi cela étonne-t-il autant? «Nous vivons dans des sociétés agistes, résume Stéphane Adam. C’est aussi une question de rapport au corps: on donne généralement à la sexualité une dimension liée à l’esthétique.» Comme si «s’accoupler» ne pouvait pas rimer avec «ridé».

En plus, ridés, les aînés le sont de moins en moins. «Ce sont les enfants du baby-boom, note Jacques Marquet, sociologue à l’UCLouvain. Plusieurs études ont montré, chez eux, un refus de vieillir nettement plus manifeste. Les métiers deviennent aussi moins physiques, beaucoup ont fait carrière comme employés, fonctionnaires… Les corps sont moins marqués. Ajouté aux progrès de la médecine, l’état de santé s’est amélioré. Sans oublier la petite pilule bleue.» Qui n’empêche pas les troubles de l’érection, de plus en plus fréquents au fur et à mesure des années. Comme les effets secondaires liés à la ménopause pour les femmes (sécheresse vaginale, douleurs lors des rapports…) Mais, problèmes de santé mis à part, le troisième âge serait également celui… de la tranquillité.

L’expérience en plus

Plus de gosses à la maison! Ça, ça peut changer la vie (sexuelle). «En général, une baisse de la satisfaction est constatée entre 35 et 50 ans», mentionne Sarah Galdiolo, thérapeute et professeure de psychologie clinique à l’UMons. Soit la période habituellement marquée par la parentalité et toutes les contraintes, tâches ménagères et charges mentales, qui y sont liées. Tellement peu érotiques. Pour les pères aussi. «Par exemple, le niveau de testostérone diminue chez les hommes après une naissance. D’autant plus s’ils s’occupent de l’enfant. Ce qui est très bien fait (rires).»

Mais dès que les petits ont grandi… Ça peut de nouveau être la folie au lit. Davantage de temps disponible, moins de logistique plombante. Comme chez les jeunes couples. L’expérience en plus. «La sexualité des aînés est plus complexe, décrit Sarah Galdiolo. Elle arrête d’être phallocentrée pour devenir plus mature, plus ouverte à d’autres plaisirs. Plus sereine. Davantage de connaissances, moins de pression.» Ça donnerait presque envie de vieillir.

Retrouvez notre podcast «L’asexualité, une vie (quasi) sans sexe» sur les plateformes d’écoute et sur levif.be/podcasts

Moins de masturbation, moins d’infidélité

S’il y a un domaine de la sexualité qui semble s’éteindre avec la vieillesse, c’est sans doute la masturbation: le pourcentage de personnes qui se gratifient au minimum une fois par semaine s’élève à 21,3%, contre 37% pour la moyenne globale. Un pourcentage «plombé» par les femmes (5,6%), comparé aux hommes (33,7%). Signe, sans doute, de normes sociales de «respectabilité» bien ancrées chez les aînées (lire page 14).

Par ailleurs, la connaissance des 65 ans et plus en matière de nouvelles identités de genre semble fort limitée: ce sont eux qui savent le moins bien définir des termes comme «agenre», «bigenre», «cisgenre», «pansexuel»… Ce sont aussi eux qui se déclarent le plus comme étant hétérosexuels (92,6%, contre 81,1% chez les 16-24 ans).

Les aînés semblent enfin se montrer relativement peu aventureux face aux nouvelles «technologies»: seuls 22,2% ont déjà utilisé un sextoy (contre 35% pour la moyenne globale), 5,1% ont déjà eu recours à des applications de rencontre pour du sexe occasionnel, 4% ont déjà pratiqué le sexting, 4,2% ont déjà envoyé une photo à caractère sexuel (mais 10,9% en ont déjà reçu), tandis que 3,8% ont déjà filmé leurs ébats. Enfin, à peine 0,6% affirment tromper actuellement leur partenaire (contre 7,5% pour la moyenne globale). Plus sages, les seniors?

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