Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux | Zuhal Demir, la ministre qui a voulu trop vite punir la KU Leuven

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Zuhal Demir (N-VA) a un peu trop vite pris en grippe la prestigieuse université louvaniste suspectée d’avoir manqué de réaction face aux agissements d’un professeur violeur récemment condamné en justice. Sans crier gare, la ministre du Tourisme et de la Justice a décidé de suspendre un subside à la KU Leuven. Mal lui en a pris: une enquête a blanchi l’autorité académique. Et voilà Demir prise en faute pour ce qu’on appelle en Flandre une « zuhalleke »…

Pas si modèle que ça, le meilleur élève de la classe universitaire belge dans les «rankings» internationaux. Le sommet de la KULeuven , son recteur en tête, n’en finit plus d’être pointé du doigt pour les silences coupables qu’il observerait à l’égard d’agissements hautement répréhensibles commis sur ses campus. Un premier savon lui avait été passé pour attentisme suite au mortel bizutage infligé en 2018 à un étudiant, Sanda Dia. Nouveau coup de règle, cette fois pour inertie présumée dans la gestion interne d’un viol commis en 2016 sur une étudiante par un prof, sans que l’exercice de sa charge n’en ait été profondément affecté. Cela jusqu’à sa récente condamnation à 54 mois de prison.

Une Flandre qui mérite mieux qu’un comportement “d’empereur romain” usant de son pouce pour le lever ou le baisser selon ses humeurs.

Sitôt la sentence connue, Zuhal Demir (N-VA), ministre, entre autres, de la Justice et du Tourisme, est montée sur ses grands chevaux en faisant savoir la punition qu’elle comptait infliger au vilain cachottier: suspension d’un subside d’1,4 million d’euros prévu pour aider la vénérable université à célébrer ses 600 ans en 2025, et ce tant que des explications convaincantes n’auront pas été fournies sur ce qui passe pour une tentative d’enterrement d’un scandale. «Quand on est la plus grande université du pays, on ne peut à la fois occuper le premier rang des subsides flamands et se cacher quand il s’agit d’assumer ses responsabilités sociétales», argue la ministre.

En fait d’éclaircissements, ils ont été promptement fournis au parlement par la commissaire du gouvernement flamand chargée de tirer cette affaire au clair. Et là, léger embarras: aucun indice d’une omerta à se mettre sous la dent mais, au contraire, la mise en évidence que tout a été mis en œuvre par l’université pour respecter les droits de la victime et que, si la plus grande discrétion a été observée, elle ne visait qu’à permettre le bon déroulement de l’enquête.

Et voilà le premier de classe, allumé pour comportement pas très catholique, tiré d’un mauvais pas par l’envoyée d’un gouvernement N-VA – Open VLD – CD&V qui compte dans ses rangs une ministre qui aurait mieux fait de s’abstenir de faire sa «zuhalleke», comme on dit au nord du pays. Il se dit que Ben Weyts, autre N-VA, en charge de l’Enseignement, aurait moyennement apprécié la charge lancée par sa coreligionnaire contre une KULEuven à la réputation écornée.

Cette menace de représailles par blocage de subside s’avère même indigne d’un ministre en exercice dans une Flandre qui mérite mieux qu’un comportement «d’empereur romain» usant de son pouce pour le lever ou le baisser selon ses humeurs. Là, c’est Gwendolyn Rutten, députée Open VLD de la majorité et jadis présidente de ce parti, qui a tonné, pas fâchée de pouvoir moucher la très remuante dame de la N-VA qui monte dans le biotope politique flamand au point d’être citée comme potentielle ministre-présidente. «Vous êtes ministre. Et une ministre, de la Justice qui plus est, se doit de respecter l’Etat de droit. Si vous estimez qu’il ne doit pas en aller ainsi, vous n’avez pas à être ministre, vous redevenez une citoyenne alors libre de dire ce que vous voulez.» Demir, elle, ne s’est pas dite honteuse de cet accès de «zuhalleke».

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire