Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux: quand Zuhal Demir coupe les vivres à l’activisme climatique

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Elle ne prétend pas seulement avoir volontiers la main verte, elle sait aussi avoir la main lourde. Zuhal Demir (N-VA), qui a le souci de l’environnement dans ses attributions ministérielles, n’est pas d’humeur à tolérer que l’engagement en faveur du climat autorise à professer n’importe quoi sous les couleurs de la Flandre.

Prêcher les vertus du développement durable se pratique sur les campus universitaires flamands par le biais de plateformes qui ont pour vocation d’insuffler la passion d’agir en faveur d’une planète viable. De Louvain à Gand en passant par Anvers, Hasselt et la VUB à Bruxelles, des Green Offices s’emploient ainsi à répandre la bonne parole au sein des communautés étudiantes et académiques. Changement climatique, gaspillage alimentaire, biodiversité, cycle court, économie verte: tout donne matière à sensibiliser, débattre, se bouger. Toute cette mobilisation est manifestement appréciée par l’administration flamande de l’Environnement, au point d’avoir conclu, en 2022, par le truchement de son pôle d’éducation à la durabilité, une coopération avec la Students Organizing for Sustainability International, la coupole qui coiffe ces officines répandues un peu partout dans le monde et que l’Unesco tient en grande estime.

Il n’appartient pas aux pouvoirs publics de soutenir de telles organisations.

Mais se répand le soupçon que ces instruments de conscientisation ne seraient pas toujours si inoffensifs que cela. On s’y livrerait à des séances d’endoctrinement sur des thèmes aux relents jugés par d’aucuns subversifs. Ainsi le 2 mai dernier, avec cette causerie consacrée par l’antenne gantoise des Green Offices au «klimaatracisme» dans une perspective intersectionnelle. Ou comment établir des ponts entre l’antiracisme et le mouvement climatique et trouver les moyens de décoloniser celui-ci. De quoi nourrir la réflexion d’un panel de discussion où figurait notamment l’emblématique activiste Anuna De Wever. Racisme? Climat? Décolonisation? Mise au parfum, l’extrême droite a tendu l’oreille. Le Vlaams Belang s’est ému que ce brainstorming ait pu se dérouler, comble de l’indécence, en présence du logo de la puissance publique flamande sur l’affiche annonciatrice de l’événement. Prier la ministre de tutelle de s’expliquer sur cette marque bien visible de soutien s’imposait.

«Je n’ai rien à voir là-dedans», a assuré et rassuré Zuhal Demir, pas davantage que le gouvernement flamand auquel elle appartient et qui n’a adopté «aucune prise de position» ni pris «aucune mesure ou initiative visant à lutter contre le racisme climatique», pas plus que son administration ne finance les activités spécifiques de ces Green Offices. Il est vrai, a concédé la ministre N-VA, que ledit département a bien conclu un accord avec cette Students Organizing for Sustainability International qui a même eu droit à 30 000 euros en 2022 et à 36 300 euros cette année pour son aide au réseau des Green Offices de Flandre. Et si le logo officiel de la Flandre était bien de sortie ce soir-là, ce n’était que par une décision autonome de l’UGent de soutenir la conférence par le biais de sa doctoral school bel et bien financée par de l’argent du contribuable flamand.

L’affaire ainsi tirée au clair, il restait à la clôturer pour de bon. En donnant instruction à l’administration de mettre fin sans autre forme de procès à cette collaboration, y compris financière, au motif «qu’il n’appartient pas aux pouvoirs publics de soutenir structurellement de telles organisations», a fait sobrement savoir la ministre. Ce que le Vlaams Belang veut, Zuhal Demir le peut.

Pierre Havaux est journaliste au Vif.

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