Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux: le brouillard sur les dépenses publiques en consultance qui fait jaser en Flandre

Pierre Havaux Journaliste au Vif

1,5 milliard ? 640 millions ? 220 millions ? Le gouvernement Jambon (N-VA – Open VLD – CD&V) n’en finit plus de s’enferrer dans ses tentatives de dégonfler la facture du recours à des consultants dans la fonction publique flamande. Et d’alimenter ainsi les soupçons quant à sa capacité de savoir précisément ce qui est dépensé en expertise externe. La goed bestuur en prend un sacré coup.

Boum. Un chiffre balancé, juste pour info, et c’est une déflagration qui secoue. Un milliard et demi d’euros a été consacré à ce jour, sous le gouvernement Jambon (N-VA – Open VLD – CD&V) en selle depuis 2019, à rémunérer des consultants pour services divers rendus à la bonne gouvernance publique flamande.

La femme par qui arrive ce qui a aussitôt pris les allures d’un scandale est ministre et, à ce titre, utilisatrice de ce genre d’expertises. Si Hilde Crevits (CD&V), en charge de la Santé et du Bien-être, s’est laissée aller à cette confidence, c’était pour mieux relativiser un manège qui intrigue des parlementaires: comment diable Jo Vandeurzen, lui aussi CD&V, ci-devant ministre flamand de la Santé, a-t-il pu après-coup officier comme consultant pour le compte d’un département dont il avait eu la gestion politique?

Du conflit d’intérêts dans l’air? Pas net, tout ça. A moins de contextualiser, de mettre en perspective. Et, in fine, de réduire l’objet de toute cette controverse à deux missions qui ont personnellement impliqué l’ex-ministre, dans le cadre de contrats passés avec une société privée pour un total de 1,6 million d’euros. C’est là où Hilde Crevits voulait en venir: c’est une paille par rapport aux 115 millions d’euros consommés en consultance par tout le département Bien-être – Santé. C’est carrément une goutte d’eau à l’échelle du milliard et demi dépensé en consultants de tout poil par l’actuel gouvernement flamand au complet. Et la ministre, en veine de main tendue, d’inviter à ouvrir le débat sur le bien-fondé de cette externalisation intensive des tâches de la puissance publique.

Que le ministre-président déballe tout puisqu’il y en a pour tout le monde.

S’il s’agissait de faire diversion, la manœuvre a réussi au-delà de toute espérance. Car d’un coup, la stupéfaction, le tollé, l’indignation devant ce pactole porté subitement à la connaissance des représentants du peuple, qui plus est d’une façon jugée aussi désinvolte, a submergé tout ce que l’opposition compte dans ses rangs, Vooruit, Groen, Vlaams Belang, PVDA. Il n’était plus désormais question que d’un usage taxé de scandaleusement immodéré de la consultance dans la sphère publique. Il n’était plus question que d’exiger du ministre-président qu’il fasse œuvre de transparence totale en communiquant les montants département par département. Bref, qu’il déballe tout puisqu’il y en a manifestement pour tout le monde.

Cette boîte de Pandore, Jan Jambon (N-VA) ne l’avait pas vue venir et ne comptait pas l’ouvrir. Au rapport devant le parlement flamand, il a réussi le tour de force de réduire de moitié en 24 heures la hauteur de la facture, non sans être au regret de devoir ouvertement désavouer sa collègue un peu trop bavarde. Car bien sûr, on mélange tout, on confond tout, entre frais de consultance, honoraires d’avocats et d’architectes et, surtout, missions ICT confiées à des mains expertes qui sont introuvables au sein des administrations. Voilà qui ramènerait l’enjeu financier qui fâche à un montant autrement plus raisonnable de 640 millions, sur un budget public annuel total de cinquante milliards. Allez, tope-là et n’en parlons plus, a suggéré le ministre-président. Sauf que tant de confusion et d’approximation dans la communication ne parviennent pas à dissiper les soupçons et que l’incident jouera à coup sûr les prolongations.

Alors qu’entre-temps, la presse avait imaginé tout ce qui pourrait se réaliser avec ce milliard et demi insoupçonné: deux ans de financement des crèches, trois ans de subsides à la culture et aux sports, sept mille kilomètres de pistes cyclables à dérouler…

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