Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | J’en ai marre, du 8 mars (et de la journée internationale des droits des femmes)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Le 8 mars comme journée internationale du droit des femmes existe depuis 1977. Dommage (qu’elle soit toujours nécessaire).

Il y en a marre, du 8 mars.

Marre de recevoir, dans sa boîte mail professionnelle, un courriel de son employeur prévoyant pour l’occasion un «atelier culinaire» auquel les participantes sont invitées à «revêtir leur tenue de fête» (faut-il préciser que ledit employeur, à l’occasion de la fête des mères, offre généralement une planche à pain).

Marre de découvrir, dans sa boîte mail personnelle, de nombreux messages émanant de marques de vêtements, de lingerie, de parfumerie… et contenant des bons de réduction à l’occasion de «la journée de la femme», apparemment l’équivalent commercial du Black Friday ou de la Saint-Valentin.

Marre, d’ailleurs, de lire partout et d’entendre tout le temps «journée de la femme». Journée internationale des DROITS des femmes, bordel!

Marre, d’ailleurs, de lire partout et d’entendre tout le temps «journée de la femme». Journée internationale des DROITS des femmes, bordel! Ce n’est pas comme si cette date avait été instaurée en 1977, soit il y a légèrement 47 ans. Dur, dur de comprenure, hein!

Marre d’entendre un type – eh oui, il y en a toujours bien un – lancer un «bonne fête!», tout pétri de bonnes intentions soit-il. Mec, le nouvel an, c’est passé depuis longtemps, et la Sainte-Mélanie, c’est le 26 janvier.

Marre de constater que toutes les boîtes et les services de com du royaume se sont donné beaucoup de mal pour être de la partie. «Merde, merde, c’est le 8 mars, vite, vite, sortir une statistique sur les femmes, histoire d’être dans le coup!»

Marre des médias qui concocteront ce jour-là une Une spéciale, genre «Les cent femmes les plus influentes», «Les cinquante avancées du droit des femmes», «Les dix femmes qui ont osé franchir le pas»… mais qui n’intervieweront (quasi) plus d’expertes dans leurs pages jusqu’à l’année suivante à pareille époque.

Marre de lire des articles «La playlist girl power», «Le 8 mars est-il contreproductif?», «Ils mettent du rouge à lèvres à l’occasion de la journée de la femme». LOL.

Marre des appels à la grève féminine, seulement suivis par une ridicule poignée des personnes concernées, qui défileront dans les rues de Bruxelles dans une indifférence presque générale. Avec l’impression que certaines y participent dans l’unique but de poster une belle photo sur Insta, les joues couvertes de paillettes.

Marre de (re)lire toujours les mêmes effroyables statistiques: 25 féminicides en 2023, 22 998 faits de violences physiques dans le couple en 2022 (63 par jour, tout de même), 20% des femmes qui auraient été violées au cours de leur vie, 53% des affaires de viol classées sans suite, 5% d’écart salarial, le 70,5% des cas de burnout et 67,5% des dépressions se conjuguant au féminin, 1 h 20 consacrée en plus chaque jour aux tâches ménagères… (1)

Marre de recevoir toujours les mêmes dossiers de presse des mêmes associations féministes ressassant les mêmes revendications depuis parfois des décennies (coucou, la réforme du statut de cohabitant!).

Marre de constater que des avancées anecdotiques, voire parfois néfastes (parlons donc du congé menstruel!), sont présentées comme de grandes victoires féministes.

Marre que le féminisme soit devenu un gros mot.

Marre de convaincre des convaincues. Marre d’irriter des con(s)vaincus.

Marre que le 8 mars existe encore.

Marre qu’il soit toujours nécessaire.`

( 1 ) Sources (dans l’ordre d’apparition des chiffres): Stop Féminicides, police fédérale, sondage d’Amnesty International Belgique (2019), Statbel, Inami, Institut pour l’égalité des femmes et des hommes.

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