Rétro-choc

Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

ELLE A PLANTÉ LA RÉFORME INSTITUTIONNELLE au c£ur de son programme. Résultat, chaque jour sans gouvernement vient gonfler dangereusement le nombre des aficionados de la N-VA, déstabilisant les autres partis du Nord, le CD&V en tête. Depuis son entrée fracassante dans l’arène politique en juin dernier, tous fustigent le  » naughty boy « , celui qui s’est coulé dans les plis du radicalisme, celui qui fait tout déraper. Incapable de signer un compromis, incapable de délimiter le cadre d’un accord pour les mois à venir, un pas en arrière, deux en avant, jamais content, toujours plus loin, encore plus loin. Bart De Wever, le diable, la source de tous nos malheurs ? Pas si sûr. Pour preuve, le dossier passionnant que nous consacrons cette semaine au 3 mars 1999, date qui a vu le très jeune parlement flamand voter, à la barbe des francophones, sa bible, celle que la Flandre ne lâchera plus. Tout y est déjà écrit, noir sur blanc, affiché, publié. Mûrement réfléchi. Une majorité écrasante de députés a adopté ce programme institutionnel décoiffant, un massif  » tout aux Régions « , le transfert de pas moins de 916 milliards de francs aux entités fédérées, laissant le fédéral exsangue.

Paniqués, abasourdis, affolés, les francophones ? Pas du tout. Bien au contraire, ils affichent une sérénité totale, une indifférence teintée même d’un zeste de condescendance. C’est à peine si aujourd’hui, d’ailleurs, les vieux briscards se souviennent encore des missives molles qu’ils avaient envoyées à leurs homologues flamands. Pourquoi frémir ? N’étaient-ils pas demandeurs de rien ? Pourquoi se pencher sur un texte  » insignifiant « , vite, trop vite, écarté d’un revers de la main ? Une attitude autiste d’autant plus surprenante que, dans la foulée, les mises en garde flamandes s’étaient multipliées.  » La Wallonie se trompe quand elle refuse d’engager la discussion. Cette discussion viendra de toute façon. Soit elle a lieu maintenant sur une base rationnelle, soit elle est reportée à plus tard et elle deviendra beaucoup plus irrationnelle et poujadiste.  » Qui l’a dit, Bart De Wever ? Non, certes non. Mais bien le VLD Karel De Gucht, aujourd’hui commissaire européen.

 » Ceux qui veulent rendre impossible toute nouvelle discussion doivent être conscients qu’ils jouent avec le feu. […] La non-reconnaissance des frontières et le refus de la discussion ne mèneront qu’à une crise institutionnelle qui renforcera les tendances séparatistes en Flandre. […] Le contrat de mariage imposé de 1830 ne nous retiendra pas.  » Dixit De Wever ? Tout faux. Il s’agit de Johan Sauwens, alors VU, aujourd’hui député régional CD&V. Avec l’appui en coulisse de Jean-Luc Dehaene, le  » plombier  » du CVP, dont on sait désormais qu’ils brouillaient les cartes, menant un double jeu pour endormir la méfiance des francophones.

 » Nous avons complètement sous-estimé l’importance de ce fait politique en 1999 « , reconnaît aujourd’hui dans Le Vif/L’Express le député Ecolo Marcel Cheron. Bernés, oui, mais aussi aveuglés, les francophones. Comment s’étonner que, douze ans plus tard, le blocage soit si profond ?  » Bart De Wever n’est pas quelqu’un qui joue au mauvais coco, c’est un acteur logique « , a déclaré récemment au Soir l’ex-président du PS Guy Spitaels (édition du 12 mars 2011). De fait, dans la matriochka flamande, on soulève De Wever, pour trouver Sauwens, pour trouver Peeters, Leterme, Van Rompuy, Dehaene et… tous les autres. Depuis belle lurette, tout était dit.

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 » Dans la matriochka flamande, on soulève De Wever pour trouver Sauwens, pour trouver Peeters, Leterme, Van Rompuy, Dehaene… et tous les autres « 

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