Place au SLOW BUILD

Fanny Bouvry

L’architecte chinois Wang Shu a reçu le Pritzker Prize 2012. Et avec lui, c’est une philosophie de l’art de bâtir plus responsable qui prend son envol.

On dit de lui qu’il parvient, à travers ses projets, à  » évoquer le passé sans faire référence à l’histoire  » ; qu’il  » produit une architecture intemporelle, enracinée dans son contexte, mais également universelle  » ; qu’en employant, pour ses chantiers, des matériaux recyclés – comme ces châssis d’anciennes fenêtres et portes récupérés pour son musée d’histoire de Ningbo (photo) –  » il démontre tant l’importance de réduire l’utilisation des ressources naturelles que de suivre les évolutions technologiques « , celles de son pays, la Chine. Pour toutes ces raisons, et bien d’autres, Wang Shu a reçu, cette année, le Pritzker Prize. Récompense ultime dans la discipline, ce titre souligne le talent de ce quadragénaire qui n’a pas pris la voie du star-system et perdu la raison en bâtissant sans réfléchir des mammouths de métal et béton, dans sa nation à l’urbanisation galopante… Travaillant avec sa femme, Lu Wenyu, sous le nom Amateur Architecture Studio, le créateur met un point d’honneur à respecter les lieux où il érige ses immeubles. Sa bibliothèque pour l’université de Suzhou est, par exemple, à moitié enterrée pour ne pas défigurer le site entre mer et montagne. Son credo : le  » slow build « , soit une volonté de construire lentement, sans se laisser hypnotiser par la pression du marché.

Le choix du jury du Pritzker – qui avait déjà récompensé l’an passé le Portugais Eduardo Souto de Moura, un autre architecte soucieux de ralentir le mouvement pour bâtir plus juste – est aussi probablement le signe que l’architecture est à un tournant. Alors que ces dernières années, le métier s’était embourbé dans une course au gigantisme constructif, imaginant des volumes toujours plus grandiloquents et formalistes, l’heure est à la remise en question… Les préoccupations quant au développement durable ont dépassé le stade du gadget high-tech et de nombreux professionnels en reviennent à penser que finalement, pour protéger l’environnement, la meilleure arme des concepteurs d’espace est leur bon sens, celui qui pousse à penser l’orientation d’une tour avant son skyline, la protection d’une façade contre le soleil avant la teinte de son bardage, la façon de vivre dans un building avant son design, les techniques pour le mettre en oeuvre écologiquement avant celles pour le terminer dans des délais ultraserrés. Puissent maintenant les clients entendre qu’eux aussi doivent jouer le jeu du slow build…

FANNY BOUVRY

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