Jean Faniel est directeur général du Crisp, le Centre de recherche et d'information socio-politiques. © crisp

« Les ministres verts tendent parfois le bâton pour se faire battre »

« Les ministres Ecolo/Groen se font canarder sur les réseaux sociaux parce qu’ils soulèvent des débats qui polarisent », constate Jean Faniel (Crisp).

Pourquoi les annonces et la politique des ministres Ecolo/Groen suscitent-elles tant de réactions virulentes?

Ce n’est pas nouveau. Il y a plus d’un quart de siècle, le socialiste wallon Claude Eerdekens traitait les écologistes de « khmers verts ». Au sein du PS, pareille stigmatisation des Ecolos ne passerait plus. Il y a eu un renouvellement des cadres et, aujourd’hui, les socialistes et les libéraux ont des accointances avec les élus verts. Ce qui crée néanmoins des étincelles, c’est la volonté de tous les partis de s’approprier les thématiques environnementales. Autrefois, les partis traditionnels délaissaient ces enjeux, soulevés seulement par les partis écologistes. La toute première ministre « de la Mobilité » est une Ecolo, Isabelle Durant, qui a occupé ce poste de 1999 à 2003.

Y a-t-il d’autres explications à l' »écolobashing »?

Les partis écologistes ont parfois raison trop tôt. Ils n’ont cessé de réclamer à cor et à cri la sortie du nucléaire. L’abandon progressif de cette énergie est décidé en 2003 par une alliance arc-en-ciel. La loi prévoyait l’arrêt des premiers réacteurs en 2015. La sortie est désormais fixée à décembre 2025, même si des incertitudes persistent. La position des écologistes s’est imposée petit à petit, à coups de psychodrames. Ils sont porteurs de débats qui finissent par s’imposer à l’agenda politique, comme celui sur les circuits courts et l’alimentation des grandes villes.

Les ministres Ecolo/Groen sont-ils victimes de leurs manque d’expérience ou de leur « radicalisme »?

Il arrive que leurs propositions capotent parce qu’ils maîtrisent moins bien que d’autres les codes de la communication politique. Sur le fond, les débats qu’ils soulèvent polarisent. Il n’est donc pas surprenant qu’ils se fassent canarder sur les réseaux sociaux. J’ai aussi l’impression que les ministres verts tendent parfois le bâton pour se faire battre. Quand Alain Maron évoque l’idée d’acheter des terres agricoles dans les deux Brabant, il touche à un sujet délicat, qui a même une dimension géostratégique, avec les pratiques de rachat massifs de terres par la Chine.

Si les ministres verts régionaux et fédéraux sont souvent critiqués, c’est parce que les portefeuilles qu’ils gèrent, notamment l’énergie et la mobilité, sont ultrasensibles?

Leur politique de lutte contre la pression automobile en zone urbaine rencontre de fortes résistances, mais ils peuvent se permettre d’aller de l’avant car des mesures similaires à celles qu’ils défendent sont prises dans d’autres villes européennes. En matière de réchauffement climatique, ils sont portés par le sentiment de plus en plus répandu dans la société que nous n’avons plus l’éternité devant nous, qu’il nous reste au mieux dix ans pour infléchir les courbes. Cela les encourage, lors de négociations de coalitions, à ne pas trop renoncer à leurs idéaux.

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