La nouvelle drogue des ados ?

Samedi 5 avril, peu après minuit, à Barvaux : dans un sous-sol, une fille et quatre garçons âgés de 13 à 17 ans sont occupés à sniffer du gaz contenu dans des recharges pour briquets. Soudain, c’est la déflagration : tous sont brûlés, à des degrés divers, au visage, au thorax et aux mains. Une vingtaine de petites bouteilles de butane sont découvertes dans le local, ainsi que plusieurs mégots. Cet accident survient trois semaines après celui de l’hôtel de ville d’Andenne. Dans les toilettes du bâtiment, quatre adolescentes âgées de 14 et 15 ans avaient commencé à inhaler le gaz butane contenu dans une recharge pour briquets. Une fille avait allumé une cigarette. Explosion. Leurs mains, leur cuir chevelu et surtout leur visage ont été brûlés. On retrouvera plus tard quatre bonbonnes dans le sac des jeunes filles.

Ce sniffing – l’inhalation de substances volatiles afin d’entrer dans un état d’ivresse ou d’euphorie – n’est pas un phénomène récent. Au xixe siècle, on se  » shootait  » ainsi à l’éther. Plus récemment, un correcteur liquide a connu les faveurs de jeunes en mal de sensations planantes.  » Il s’agit d’un phénomène de passage, assure Marc Arend, chef de corps de la zone de police du Sud-Luxembourg. Cela apparaît, et puis ça disparaît. Voici quatre ans, à Aubange, nous avons été confrontés au cas d’une dizaine de jeunes qui sniffaient du gaz. Et là, il ne s’agissait pas de petites recharges, mais bien d’une grosse bonbonne de butane !  » Les produits sniffés sont nombreux : colles, aérosols, essence, vernis, laques, antigel, jusqu’au gaz hilarant qu’on trouve dans les bombes de crème Chantilly…

Les effets potentiels sur la santé ? A court terme : torpeur, saignements de nez, vomissements… et, de rares fois, la mort par manque d’oxygène dans le cerveau. A long terme : des dommages possibles sur le système nerveux avec altération de l’ouïe, pertes d’équilibre et problèmes de concentration. Face à ces risques, quelle attitude adopter ?  » Il faut éviter la surmédiatisation d’un phénomène dangereux, certes, mais qui attire des adolescents en recherche de risque « , estime la ministre de la Santé, de l’Enfance et de l’Aide à la jeunesse Catherine Fonck (CDH), qui s’apprête à établir une circulaire sur le sujet. Selon elle, il vaut mieux sensibili- ser les jeunes qui ont déjà sniffé que lancer des campagnes médiatiques contre-productives. Des études menées dans des pays européens ont ainsi démontré une augmentation de l’abus de solvants à la suite de campagnes diffusées dans la presse.

Interdire les produits incriminés ? Illusoire : ils sont de consommation courante, et leur liste est fort longue… En revanche,  » une interdiction locale, à l’échelle d’une commune par exemple, peut avoir une certaine efficacité dans la mesure où le contrôle social est plus important « , reprend la ministre. C’est la solution qu’ont adoptée les bourgmestres de Durbuy et d’Andenne, en interdisant provisoirement (durant trois mois), sur le territoire de leur commune, la vente de recharges de briquets aux mineurs. A Dinant, Richard Fournaux (MR) a pris la même mesure avant même les deux accidents : des éducateurs de rue, étonnés du grand nombre de recharges trouvées dans des lieux où les jeunes aiment se réunir, avaient alerté les autorités. Fournaux travaille actuellement à une proposition de loi en la matière.

Le phénomène du sniffing reste marginal, tempère Antoine Boucher, d’Infor-Drogues. Cela dit, il demeure invisible. Mais interdire sans expliquer est la meilleure façon de susciter la curiosité du jeune. C’est pourquoi, sur ce sujet, nous plaidons pour un vrai dialogue entre parents et enfants.  » Selon lui, les discours préventifs sur les effets à long terme du sniffing passent mal auprès d’adolescents en recherche de sensations. Rien n’empêche toutefois de rappeler que le gaz au contact du feu, ça peut faire de gros dégâts. l

François Janne d’Othée

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