Einstein, La genèse d’un génie

A 26 ans, Albert Einstein révolutionne la physique avec sa célèbre équation, E = mc2. Très vite, il devient un mythe universel. Sa popularité tient moins à ses théories, incompréhensibles pour le commun des mortels, qu’à la dimension prophétique de son personnage, à son comportement de marginal et à ses engagements politiques. Dans son dernier ouvrage, Ne dites pas à Dieu ce qu’il doit faire (Seuil), en librairie à partir du 5 février, François de Closets fait le récit de cette vie intense, où se mêlent histoires personnelles et controverses scientifiques. Le titre énigmatique choisi par l’auteur est non pas une citation d’Einstein, mais la réponse faite par son collègue physicien Niels Bohr à la fameuse phrase du père de la relativité :  » Dieu ne joue pas aux dés.  » Voici quelques extraits de cette biographie d’un homme qui a marqué le xxe siècle. Une lecture nécessaire pour comprendre ce qu’est un génie

L’itinéraire du jeune Albert au Gymnasium n’est pas celui d’un révolté, encore moins d’un cancre, plutôt d’un inadapté. L’évidence s’impose progressivement à son esprit : le lycée ne lui convient pas. Son indépendance de caractère s’est affirmée et, avec elle, cette allergie à certaines matières et, surtout, à certains modes d’enseignement. Il n’apprécie guère les humanités, histoire, géographie, langues anciennes, et déteste le  » par c£ur  » qui les accompagne.  » Ma grande faiblesse était le manque de mémoire, surtout pour les mots et les textes.  » Etait-ce une incapacité ou un refus ? Il ne cesse de le répéter : il est idiot d’apprendre ce qu’on peut trouver dans les livres. Il ira jusqu’à préférer se faire punir que se soumettre à la loi du  » par c£ur « . Or la mémoire a besoin de s’exercer pour progresser et ne fonctionne jamais mieux que lorsqu’elle est portée par le plaisir. Comment l’élève Einstein, qui n’apprécie ni ce mode d’apprentissage ni les savoirs qu’il transmet, pourrait-il briller dans de tels exercices ? Il traînera donc ces matières comme autant de boulets tout au long de ses études.

S’il rejette les disciplines de mémoire, c’est pour mieux adhérer à celles de raisonnement et, en premier lieu, aux mathématiques. Ecoutons le vieil homme raconter cette rencontre.  » A l’âge de 12 ans, je fis l’expérience d’un autre miracle [le premier ayant été la boussole], lorsqu’au moment de la rentrée scolaire je me trouvais avoir entre les mains un petit livre traitant de la géométrie d’Euclide. […] Cette clarté et cette certitude firent sur moi une impression indescriptible.  » Il ne peut être question pour lui de suivre le rythme poussif de la classe. Avec l’aide de son oncle ingénieur, il se jette sur la géométrie de manière  » fébrile « , c’est son mot. Il passe vite aux mathématiques supérieures et, à 15 ans, s’attaque au calcul différentiel et intégral. Il en va de même pour la physique et les sciences en général. Là encore, plus ou moins aidé par un jeune étudiant qu’hébergent ses parents, il parcourt le champ du savoir avec les bottes de sept lieues, bien loin du programme scolaire. A 13 ans, il se prend de passion pour la philosophie de Kant, notamment pour ses recherches épistémologiques. De l’intelligence pure, c’est son miel. Le garçon se fabrique ainsi un double cursus. D’un côté, il s’instruit à l’école, de l’autre, il se gave en autodidacte. Au total, il est en retard ou en avance selon les matières, mais ne peut jamais suivre le rythme de la classe. Cette incapacité de marcher au pas fonde son divorce scolaire.

Car sa détestation va bien au-delà des programmes et de la pédagogie, elle s’étend à l’institution dans son ensemble. Il ne supporte ni l’ordre, ni l’autorité, ni la discipline collective.  » Les professeurs m’ont fait à l’école primaire l’effet de sergents et au Gymnasium de lieutenants.  » Une comparaison militaire, sous sa plume, on sait ce que cela veut dire. Il rejette la discipline mais aussi les vérités que l’on assène. Car l’adolescent s’est déjà offert un parcours intérieur qui prend ordinairement une bonne vingtaine d’années. A 10 ans, bien que ses parents soient incroyants, il fait une brève poussée religieuse. Il est  » animé d’une profonde piété  » et se plonge dans les Saintes Ecritures. Einstein dévot ? Juste le temps de devenir athée. Deux ans plus tard, c’est le grand retournement.  » En lisant des ouvrages de vulgarisation scientifique, explique- t-il dans son autobiographie, je fus bientôt convaincu qu’une bonne part des récits de la Bible ne pouvait pas être vraie.  » (…)

Le découvreur

1905, l’année du miracle. A 26 ans, l’inconnu de Berne termine son apprentissage et présente son chef-d’£uvre. Cinq articles publiés dans l’année qui bouleversent la science. Deux découvertes majeures : la relativité, avec son joyau, E = mc2, les quanta avec la physique quantique en point de mire. (…)

Pourquoi Einstein ? Qu’apporte-t-il de plus que les physiciens chevronnés, quelle force secrète lui permet de trancher les n£uds gordiens ? Il n’est pas le meilleur mathématicien, loin de là, certainement pas le meilleur expérimentateur, et, pour l’intelligence pure, il n’est pas sans rival. Sa supériorité n’est pas celle du bon élève sur le reste de la classe, elle réside dans une approche nouvelle de la science, une démarche qui lui permet de trouver ce que les autres n’osent pas chercher. Entre les autres physiciens et lui, la différence est la même qu’entre Copernic le révolutionnaire et Tycho Brahe l’observateur scrupuleux.

Cette originalité est d’abord philosophique, pour ne pas dire morale, voire spirituelle. Elle tient au primat des idées sur les faits, de la théorie sur l’expérience. Einstein n’observe pas la nature, il la pense. (…) Par opposition aux chercheurs qui vivent le nez collé à la réalité, enfermés dans leurs expériences, il prend de la distance, s’élève à une hauteur vertigineuse. (…)

Avant de construire, Einstein se soucie d’abord de poser les fondations. Il n’hésite pas à repartir des principes premiers afin de n’échafauder ses théories que sur des bases indiscutables, et cela change tout.  » C’est un architecte qui est à l’£uvre, et dont les principes sont les matériaux de base. […] Les principes, ce sont des thèmes avec lesquels Einstein compose la symphonie « , explique Jean Eisenstaedt. Le jeune révolutionnaire donne aux principes une dimension absolue, intangible, sacrée. Ce sont les maîtres qui régissent la nature, qui détiennent la vérité. Ils doivent être peu nombreux, tout-puissants, rayonnants. Son premier critère de validité est d’ordre esthétique, c’est l’harmonie, la cohérence,  » la perfection interne  » de la théorie. Inutile de s’escrimer sur une construction bancale qui, de nécessité, ne peut qu’être fausse. Une lumière continue naissant d’un processus discontinu ne répond pas à ses critères d’harmonie, d’équilibre, de symétrie. Elle est donc erronée, c’est une évidence qui s’impose à lui avant toute démonstration. Tout au long de sa vie, il rejettera ainsi, par instinct, des théories qui heurtent son sens de l’esthétique scientifique. La vérité se cherche, l’erreur se flaire. Einstein condamne en se fondant sur des préjugés, s’engage sur des intuitions et construit sur la raison. Une démarche étrange qui le distingue des autres physiciens, qui lui évite de s’évertuer comme eux à explorer des systèmes dépassés, qui le précipite dans des voies inexplorées, mais qui lui jouera bien des tours. D’où lui vient cet instinct révolutionnaire qui le détourne des systèmes en place et le précipite vers les idées nouvelles ?

Il n’en a jamais fait mystère : il a toujours donné à son travail scientifique une dimension spirituelle. Il ne cesse de le répéter :  » Je ne peux pas concevoir un scientifique authentique qui n’aurait pas une foi profonde.  » Foi religieuse ou pas ? A chacun de répondre, car son dieu n’a rien à voir avec ceux des grands monothéismes, il participe d’un vaste panthéisme rationaliste.  » Je crois au dieu de Spinoza, qui se révèle dans l’harmonie de tout ce qui existe, mais non en un dieu qui se préoccuperait du destin et des actes des êtres humains.  » Cette sacralisation de l’ordre naturel fait de la recherche scientifique une sorte d’expérience mystique.  » Chercher à comprendre les lois de la Nature, c’est chercher à comprendre l’£uvre de Dieu « , professait déjà saint Thomas d’Aquin. Einstein fait sienne la formule, à un mot près : pour lui, la recherche ne vise pas à comprendre l’£uvre de Dieu, mais Dieu lui-même. Car Dieu, pour Einstein, comme pour Spinoza, n’a rien créé, il est la nature elle-même. Ni Créateur, ni même Grand Architecte ou Parfait Horloger, Dieu se cache dans l’architecture ou l’horlogerie cosmiques.

Les faits expérimentaux ou même les lois scientifiques ne sauraient fournir le point de départ pour construire une théorie. Einstein émaille ses raisonnements de phrases comme  » en vertu du principe… « ,  » ce qui contrevient au principe… « , etc. Dans la physique pré-einsteinienne, ces normes absolues se déduisent des lois, elles semblent en quelque sorte plaquées sur la réalité. Einstein prend le parti inverse :  » Au début sont les principes.  » Ce sont eux qui tiennent le monde, qui lui donnent son ordre et sa cohérence, les lois en découlent. Il faut les prendre comme guide et boussole pour chercher la vérité, pour progresser dans la connaissance.

Qu’un jeune homme de 26 ans remette en question les méthodes et pas seulement les résultats de ses maîtres, voilà le miracle einsteinien. Il suppose une personnalité exceptionnelle, imperméable au conformisme ambiant. C’est le premier trait de caractère de cet individualiste congénital.

La star

A l’automne 1919, Albert Einstein n’est encore qu’un universitaire allemand de bonne notoriété ; au printemps 1921, New York lui fait un accueil de chef d’Etat, la presse l’assaille, les photographes le mitraillent, la foule l’acclame. Le savant admiré et respecté s’est transformé en héros populaire, en star mondiale, dirait-on aujourd’hui. Il se faisait applaudir dans quelques congrès scientifiques, le voilà qui, partout dans le monde, déplace les foules. Cette mutation forcée remet en question le compromis obstinément recherché entre son irréductible marginalité et sa croissante notoriété. Poussée à de telles extrémités, la célébrité ne se contente pas de bousculer les habitudes, elle s’attaque à la personne même. Einstein découvre qu’il a perdu la maîtrise de son existence, qu’il ne s’appartient plus, qu’il ne s’appartiendra jamais plus. (…)

La célébrité d’Einstein étant un fait avéré, on tend à conclure que l’inventeur de la relativité était condamné à devenir l’homme le plus connu de son temps. Pourtant, si nous étions dans le roman et non dans la biographie, l’auteur n’imaginerait pas cette transfiguration du physicien. Beaucoup trop invraisemblable.

Les découvertes de la décennie 1905-1915 devaient faire d’Einstein un géant de la science, à l’égal des Pythagore, Copernic, Galilée ou encore Newton, et certainement pas l’un de ces personnages historiques, héros, prophètes, messies qui trônent au panthéon de l’humanité. Une telle consécration suppose un fait, un message qui s’impose à tous. Rien de tel chez Einstein. En tant que messie, il lui manque un message, une révélation qui bouleverse la conscience des hommes. Ses travaux sont incompréhensibles pour le commun des mortels. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, quelques centaines de physiciens ont entendu parler de la relativité restreinte, quelques dizaines de la relativité généralisée et l’on compte à l’unité ceux qui comprennent ces théories. Qui donc a jamais soulevé les foules avec des équations, quel prophète a pu se faire reconnaître sans se faire comprendre ?

Sa vie même n’a rien qui puisse enflammer les imaginations. Il n’a pas réalisé d’exploit fantastique, pas construit un empire, pas fait de miracle. Il s’est contenté de penser et de produire des théories. Si encore celles-ci avaient débouché sur des découvertes qui bouleversent la vie des hommes, l’évidence des faits pourrait compenser l’obscurité des idées. Mais non. Quarante années séparent E = mc2 d’Hiroshima. Même abusive, la paternité de la bombe nucléaire n’a rien à voir avec sa mythification. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le travail d’Einstein est purement théorique.

Ainsi l’événement médiatique du xxe siècle est-il le plus improbable qui se puisse imaginer : un mythe populaire qui se crée spontanément, sur des idées incompréhensibles, en dehors de toute propagande organisée. Ce phénomène, nous l’expliquerions aujourd’hui par la toute-puissance de la télévision, or Einstein s’est transformé en icône des temps modernes, en star mondiale avec la seule presse écrite comme support médiatique. Une correspondance secrète s’est établie entre le public et lui. Laquelle ?

Jusqu’en 1914, Einstein n’est qu’un homme de science. Dans sa correspondance, les affaires publiques ne tiennent qu’une place marginale, dans ses déclarations publiques, elles sont inexistantes. A aucun moment, il n’envisage une carrière politique, ou, plus modestement, un engagement dans le débat social. A Prague, en 1911, lorsqu’il se trouve confronté à des tensions nationales et racistes, il fait tout pour se tenir à l’écart des conflits.

Cette distance n’est pas celle de l’ignorance ou de l’indifférence. Il a des opinions et des plus tranchées. Mais il les garde pour lui, il semble associer son travail scientifique à un devoir de réserve à l’égard de la politique et même de la société en général. Spectateur concerné mais non engagé, insoumis déterminé mais non militant, il n’en fait qu’à sa tête, sans prétendre changer le monde ni même imposer son jugement. Il publie ses recherches et garde ses pensées. Et, s’il vient à les théoriser, c’est à son usage personnel. Au reste, ses choix sont affaire de tempérament autant que de raison. Il n’a besoin d’aucune analyse rationnelle pour détester la violence et les militaires, dédaigner la fortune et les conventions sociales, rejeter des croyances réduites au rang de superstitions. Mais il ne serait pas Einstein s’il ne voulait pas donner à l’ensemble une architecture logique, une cohérence intellectuelle. Ici comme en science, il construit à partir de principes, par un enchaînement logique de déductions. L’incohérence n’est pas son fort et, à ses yeux, ce qui irait sans penser va encore mieux en le pensant.

Au commencement est la raison. Logique de l’ordre universel, rationalité de la pensée humaine et, entre les deux, le mariage miraculeux de la science qui unit l’un à l’autre. Cette recherche ne peut qu’être individuelle. Surtout chez le savant qui  » devient, du point de vue social, un individualiste forcené ne se fiant, au moins en principe, à rien d’autre qu’à son propre jugement « . Einstein n’a pas dévié de sa route depuis la crise de ses 12 ans. Il entend toujours rejeter tous les systèmes : Eglises, nations, partis, doctrines, qui prétendraient lui dicter sa conduite et ne connaître de pensée que la sienne, forgée par lui, pour son usage particulier. Cette règle, qui lui a beaucoup nui dans sa jeunesse, le protège en son âge adulte.

Cette  » spiritualité cosmique « , qui fait de son métier un sacerdoce et de sa recherche une métaphysique, c’est tout à la fois son ambition, sa patrie, sa passion, ses racines et son idéal. Une science ainsi sublimée ne peut que rimer avec conscience. La même raison qui nous fait découvrir l’ordre de la nature nous donne aussi les fondements d’une éthique universelle à l’image de la vérité scientifique. Elle structure l’existence et définit une sagesse.

L’universalité de la science ne peut s’accommoder des frontières. Einstein ne voit dans les pays, les tribus, les Etats et les empires que des survivances et, dans les forces militaires, des horreurs. Apatride par rejet des nationalismes, il devient citoyen du monde par attachement à ces valeurs universelles.  » Je ne m’enracine nulle part. J’ai navigué sans cesse à l’aventure, étranger partout « , écrit-il. (…)

Si l’on résume le tout, la  » pensée Einstein  » mêle un individualisme proche de l’anarchisme au mondialisme pacifiste, au rationalisme spiritualiste, au socialisme humaniste. Cette sagesse est à usage personnel, il n’entend jouer sur la scène publique ni les prophètes, ni les prédicateurs, ni même les moralistes. Il est physicien et cela lui suffit.

Une retenue qui ne peut résister au déferlement médiatique. Qu’il le veuille ou non, ses opinions, ses idées se retrouvent sur la place publique et participent à l’élaboration du mythe. Célébrer Einstein, c’est, dans une certaine mesure, adhérer à ses valeurs. A travers la sympathie et les antipathies qu’il inspire, il agit comme un révélateur de son époque. (…)

Le pacifiste

Einstein, le plus illustre des savants, est aussi le plus déchiré. Il vit un cauchemar invraisemblable. Toute sa vie, il a sacralisé la science, diabolisé les armées et le voilà impliqué dans la plus abominable des aventures guerrières. Il vit cette mutation de la science comme une profanation et trouve dans ses responsabilités particulières comme dans son universelle célébrité des raisons supplémentaires de s’engager. Au mois de décembre 1945, il est l’invité d’honneur du très sélect American Nobel Center. Un patronage idéal pour rappeler le fardeau qui pèse désormais sur la science.  » Les physiciens se trouvent aujourd’hui placés dans une situation qui rappelle fortement le dilemme d’Alfred Nobel. Il avait découvert un explosif d’une puissance destructrice plus forte que tout ce qu’on connaissait jusque-là. Pour expier cet ôexploit » et soulager sa conscience, il fonda un prix de la paix.  » (…)

Il est parti en campagne, seule la mort pourra l’arrêter. En 1946, il est contacté par les physiciens, Szilard en tête, qui viennent de créer le Comité d’urgence des savants atomistes pour mettre le monde en garde contre le péril nucléaire. Einstein accepte de présider leur organisation. Une présidence militante et non pas honorifique. A plusieurs reprises, il publie études et éditoriaux dans le bulletin de l’association, il paie de sa personne pour, d’une tribune à l’autre, rappeler que :  » Le refus de collaborer sur les questions militaires devrait être un principe moral essentiel pour tous les véritables savants.  »

De fait, l’emprise des forces politiques, militaires et économiques se fait toujours plus pesante. En 1950, dans un  » Message aux savants italiens « , il revient à la charge avec l’énergie du désespoir :  » L’homme de science en est au point où l’esclavage auquel l’a réduit l’Etat national le traîne vers un destin dont il ne pourra se délivrer. Et il est tombé assez bas pour obéir à des ordres de perfectionner encore les moyens de détruire complètement les hommes. […] N’a-t-il pas oublié sa propre responsabilité et sa dignité lorsque ses intentions s’orientaient uniquement vers l’intellect ?  »

Les forces du vieux combattant déclinent, son énergie s’épuise, reste le désespoir. En 1954, dans une déclaration au Reporter, il lance une de ses phrases trop célèbres pour être honnêtes :  » Si c’était à refaire, je me ferais plombier !  » Les commentateurs l’ont interprétée comme un aveu de culpabilité. Einstein écrasé par le péché de la bombe abjure la physique ! C’est beau comme l’antique, mais totalement faux. Il faut lire l’intégralité de sa déclaration.  » Si j’étais à nouveau un jeune homme et devais décider comment gagner ma vie, je n’essaierais pas de devenir savant, chercheur ou enseignant. Je choisirais plutôt de devenir plombier ou colporteur, afin de trouver cette modeste part d’indépendance dont on peut encore bénéficier dans les circonstances présentes.  »

Il ne désespère pas de lui-même, père coupable de la bombe, mais d’une science asservie. A ses yeux, la quête de la connaissance ne peut s’épanouir que dans la liberté et l’innocence, à l’abri des pressions comme des tentations. Dès lors que le chercheur travaille sous les ordres et pour le profit de son commanditaire, il fait le pire des métiers. Car le pire ne s’atteint que dans la perversion du meilleur. Qu’importent les imprécations du vieux sage, la seule réponse que l’Histoire a retenue, c’est celle du Syndicat des plombiers qui, au lendemain de sa déclaration, le fait membre d’honneur de la corporation !

La biographie du savant par François de Closets

Il parcourt le champ du savoir avec les bottes de sept lieues, bien loin du programme scolaire

Pour lui, la recherche ne vise pas à comprendre l’£uvre de Dieu, mais Dieu lui-même

Qui donc a jamais soulevé les foules avec des équations, quel prophète a pu se faire reconnaître sans se faire comprendre ?

Il ne désespère pas de lui-même, père coupable de la bombe, mais d’une science asservie

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