ASSAUT ROBOTIQUE

David Abiker

La première fois que j’ai collaboré avec un robot, je n’ai pas eu le sentiment de contribuer à cet étrange et collectif renoncement au travail qui s’accomplit sous nos yeux. Il s’agissait d’un aspirateur offert par mon épouse pour mes 30 ans qui coïncident avec la fête des pères.

 » Tiens, je te présente Hoover, un ami, il va t’aider à me soulager. Au début, ça fait drôle, mais tu vas t’y habituer « , m’avait dit ma femme, narquoise en me présentant la sournoise mécanique (respiration modulable, teint jaune pétard, coup de girafe, estomac escamotable). C’était en 1999. Le mérite de ce robot a toujours été d’aspirer la poussière. Mais jamais mon travail ! Hoover n’annonçait en rien la bataille que nous sommes aujourd’hui en train de perdre et dont j’ai pris conscience en me rendant, samedi dernier, chez Nespresso.

La rencontre qui tue ! Jusqu’à présent, j’avais soigneusement évité les robots qui ne sont pas encore parvenus à remplacer les caissières et que seuls utilisent les clients surdoués (executive women, profs de physique à collier de barbe) avec lesquels je n’ai rien en commun. J’étais toujours passé par des canaux d’achat consommateurs de main- d’oeuvre. Pas pour lutter contre le chômage, mais pour avoir quelqu’un à embêter, comme les petits vieux à la pharmacie. C’est pour ça que je vais chez Nespresso, pour faire la queue avec l’humanité.

Sauf que samedi dernier, j’ai rencontré pour la première fois un robot tueur d’emplois. Pas ce conseiller qui vous fait son cinéma pur arabica et auquel on voudrait dire :  » Cesse ton baratin gringo, et file-moi mes 50 capsules !  » Non, j’ai rencontré un de ces trous technologiques béants dans lequel se volatilisent maintenant les jobs. Il suffit d’y placer ses capsules et pfft ! le robot compte, identifie les couleurs et enregistre le paiement. De loin, une hôtesse couve ces machines du regard et vient aider, pour peu qu’il y ait un incident. Sauf qu’il n’y a pas d’incident.

Cauchemardesque. Ainsi, composant mon code de carte bancaire ce samedi-là, j’ai eu pour la première fois conscience que je contribuais à supprimer de l’emploi, aussi vrai que les grains d’autrefois disparaissaient broyés dans le moulin à café à manivelle de ma grand-mère. La nuit suivante, j’ai rêvé que mon délégué syndical venait m’arracher ma chemise et me traitait de réducteur d’effectifs. Décrivant ce cauchemar, j’entends déjà les prophètes de la société des loisirs, les avocats de la cause des robots, les fondateurs de touche pas à mon bot (1) ! J’écoute les chantres du revenu universel, cette aumône misérable qu’on nous versera bientôt contre notre autolicenciement et notre silence. Surtout, ne pas avoir peur car  » demain, dit le flûtiste geek, la robotisation du monde créera d’autres emplois, plus qualifiés, et ceux qui ne sont pas d’accord n’ont qu’à s’éclairer à la bougie ou apprendre à coder « . Quel programme !

La robotisation du monde, j’aurais pu m’en apercevoir plus tôt ! En achetant sur Internet mes billets de train, en écoutant un titre récemment composé à la façon des Beatles par une intelligence artificielle ou en m’enregistrant moi-même dans les aéroports. Pourquoi ai-je dû attendre samedi, chez Nespresso, pour mesurer l’étendue du désastre ? Peut-être parce que George Clooney et ses collègues faisaient leur possible pour mettre de l’humanité dans ce monde de brutes. Certes, il reste des conseillers chez Nespresso, mais c’est le robot qui va gagner, car nous ne livrons plus bataille.

Je me rassure en contemplant les appareils ménagers offerts par ma femme durant des années, pour la fête des pères. Poussiéreux en haut d’un placard, ils sont l’ancienne génération, celle que j’ai combattue avec mon presse-purée à moulinette. Mais leurs descendants aiguisent leurs couteaux et sont bien plus redoutables que Terminator.

(1) Avec l’accord de l’auteur, cette chronique a été rédigée par un algorithme.

Chroniqueur pour 01 Net, le newsmagazine du numérique

david abiker

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire