Après la pluie… la pluie

La gestion de l’affaire Cahuzac maintient le ministre de l’Economie au coeur de la tourmente. Il va s’expliquer. En attendant, il se montre, parle. Loin de son habituelle discrétion.

 » Les rumeurs sur ma mort sont très exagérées.  » Et voici Mark Twain, écrivain américain, cité par Pierre Moscovici (BFM TV, le 14 avril). Deux jours plus tôt, le ministre français de l’Economie avait convié Balzac :  » Dans les grandes crises, le coeur se brise ou se bronze.  » Question : son stock de références sera-t-il suffisant pour traverser la tempête ?

Depuis les aveux de Jérôme Cahuzac, le 2 avril, deux soupçons pèsent sur Pierre Moscovici : n’avoir pas été assez curieux, avoir dissimulé ce qu’il savait. Sur le premier point, c’est la demande d’entraide fiscale, officiellement adressée à la Suisse le 24 janvier, qui est en cause. Moscovici n’aurait pas posé les bonnes questions (voir Le Vif/L’Express du 12 avril).

Sur le second, ce sont les révélations de Valeurs actuelles (11 avril) qui jettent le trouble : le 7 décembre, trois jours après l’article de Mediapart affirmant que Jérôme Cahuzac détenait un compte en Suisse, une enquête secrète aurait été diligentée par Bercy. Fin décembre, elle concluait à l’existence d’un compte, affirme l’hebdomadaire. Connaissant déjà la vérité, Pierre Moscovici aurait volontairement biaisé les questions de l’enquête officielle afin de disculper son ministre délégué au Budget.

Un tel scénario repose sur un degré de duplicité qui ferait de Jérôme Cahuzac un enfant de choeur, mais cette affaire a déjà ménagé d’énormes surprises : le doute est donc obligatoire. Et les dénégations du ministre ne peuvent suffire à le dissiper : qui croire après les mensonges presque parfaits de l’ancien ministre du Budget ? Une probable commission d’enquête parlementaire est donc attendue. Auparavant, le ministre de l’Economie, qui multiplie les interventions médiatiques, se sera expliqué devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale, le 17 avril. Son président, Gilles Carrez, ainsi que son homologue du Sénat, Philippe Marini, ont mené des investigations, jeudi 11 avril, au ministère des Finances. Ils estiment  » peu probables  » les faits avancés par Valeurs actuelles, mais maintiennent leurs doutes sur la qualité de l’enquête officielle. Une nouvelle interrogation est apparue : comme c’est la règle, Jérôme Cahuzac disposait d’un délai de trente jours pour dire au fisc s’il possédait un compte en Suisse.  » Alors qu’il ne cessait de répéter publiquement qu’il était victime d’une accusation injuste, il n’a jamais répondu à l’administration, et personne n’a fait pression sur lui pour qu’il le fasse « , souligne Gilles Carrez.

L’encombrant Arnaud Montebourg

Les tempêtes font naître les capitaines, elles en montrent aussi les faiblesses. Si la politique de  » sérieux budgétaire  » est aujourd’hui attaquée par l’aile gauche du PS, c’est bien parce que Cahuzac s’en était fait le Torquemada, un rôle qui aurait dû être tenu par Pierre Moscovici. Lequel préfère les conciliabules européens, les tête-à-tête avec Olli Rehn, le commissaire européen aux Affaires économiques, avec lequel il entretient de bons rapports.

Les défauts de fabrication du gouvernement, eux aussi, sont évidents. Six autres ministres cohabitent à Bercy, Pierre Moscovici n’a la tutelle que sur deux d’entre d’eux (Budget et Economie solidaire). Parmi les autres, l’encombrant Arnaud Montebourg.  » Il parle à tort et à travers, dit un proche de Moscovici. Un jour, il défend le gaz de schiste ; un autre, il veut mettre Mittal dehors. D’accord, il a un poids politique, mais Hollande aurait dû le placer à un poste régalien.  » Chargé du Redressement productif, l’homme qui a fait 17 % à la primaire socialiste trouble la lisibilité de la politique économique. Elle n’en a pas vraiment besoin.

CORINNE LHAÏK

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