De Croo confirme le maintien du financement belge de l’UNRWA: ce qu’il faut savoir (infographie)

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Alors qu’une dizaine d’Etats veulent arrêter de financer l’UNRWA, organe de l’ONU qui vient en aide aux Palestiniens sur le terrain, le Premier ministre a confirmé que la Belgique maintiendrait momentanément son aide financière.

Le Premier ministre Alexander De Croo a confirmé lundi dans un entretien téléphonique avec Sigrid Kaag, la coordinatrice de la réponse humanitaire et de la reconstruction à Gaza, que la Belgique ne suspendait pas son soutien financier à l’UNRWA, le programme humanitaire de l’Onu en faveur des Palestiniens. « La Belgique n’entend pas réduire le soutien à des personnes sans toit au-dessus de leur tête, à des enfants sans enseignement, et à des familles qui ont faim », a assuré lors de cet échange le chef du gouvernement.

L’UNRWA a été fondée en 1949 pour venir en aide aux réfugiés palestiniens, éparpillés entre Gaza, la Cisjordanie, la Jordanie, le Liban et la Syrie après la création de l’Etat d’Israël. Elle s’occupe notamment de l’aide humanitaire en cas d’urgence, dans le cadre du conflit israélo-palestinien. Actuellement, l’office de l’ONU est dans la tourmente. Le gouvernement israélien a affirmé qu’une dizaine d’employés étaient liés à l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas le 7 octobre. Des personnes qui ont été, pour la majeure partie, licenciées par l’UNRWA. Aussi, d’après les services de renseignement américains, 10% des 12.000 employés actifs à Gaza seraient liés au groupement terroriste propalestinien.

Aide aux Palestiniens: le gouvernement adaptera sa position si nécessaire

Lors de son entretien téléphonique, M. De Croo a invité Mme Kaag à mener une enquête « approfondie, rapide et indépendante » sur ces accusations visant des collaborateurs de l’UNRWA. « Si des faits répréhensibles ont été commis, les personnes concernées doivent être poursuivies« , a ajouté le Premier ministre. La Belgique n’avait prévu aucun versement à l’UNRWA dans les semaines à venir. « Nous attendons les résultats de l’enquête. En fonction des résultats, le gouvernement évaluera sa position », selon M. De Croo.

« Si les allégations sont confirmées, des mesures très strictes doivent être prises, rapporte Caroline Gennez (Vooruit), ministre de la Coopération au développement. Il est absolument inacceptable que des employés soient impliqués dans les attentats terroristes barbares du 7 octobre ou qu’ils les glorifient. Cela va à l’encontre de tous les principes humanitaires fondamentaux et doit faire l’objet de poursuites.

« L’UNRWA a fait le ménage, mais Israël persiste et signe car l’Etat hébreu veut liquider l’agence onusienne depuis des années », glisse Elena Aoun. Selon l’universitaire, le timing de l’annonce par l’exécutif israélien n’a rien d’anodin. « Elle survient le lendemain de la décision de la Cour internationale de la Justice (CIJ) à propos de la reconnaissance d’une situation de génocide à Gaza. Pour Israël, cette polémique est une occasion en or de rabaisser encore la cause palestinienne ».

Les pays qui ont suspendu leur financement de l’UNRWA

Le président américain, Joe Biden, a été le 1er à suspendre le financement de l’UNRWA

Suite aux révélations de l’Etat israélien, les annonces de pays désirant suspendre le financement de l’agence se sont enchainées. Ils sont 11 à avoir suivi le mouvement initié par les Etats-Unis, principal donateur de l’UNRWA (plus de 340 millions de dollars en 2022). Parmi eux, on retrouve un autre contributeur important, l’Allemagne (plus de 200 millions de dollars en 2022). Au-delà de l’effet politique de leurs annonces, ces pays se limiteront probablement à ne pas s’engager pour le versement de fonds supplémentaires, mais ne couperont pas le robinet des versements actuels/déjà prévus.

D’autres attendent les résultats de l’enquête interne menée par l’ONU avant de décider quoi faire des versements d’argent à l’UNRWA. C’est le cas de la France, qui n’a pas prévu de nouveau versement au premier trimestre 2024. De son côté, l’UE, 3e plus gros contributeur (114 millions de dollars en 2022), a réclamé l’audit d’experts indépendants pour y voir plus clair.

L’Espagne et la Norvège sont pour l’instant les seuls, avec la Belgique, à avoir décidé de maintenir leur financement à l’UNRWA. Ils veulent éviter de mettre en péril l’aide humanitaire aux réfugiés palestiniens.

« Il n’est pas question d’interrompre l’aide humanitaire à l’attention de la population de Gaza »

Le cabinet du Vice-premier ministre Pierre-Yves Dermagne (PS).
La ministre Caroline Gennez (Vooruit) reviendra-t-elle sur sa position après le kern ? © Belga

La Belgique a donc choisi de maintenir son financement. En 2022, le pays était dans le top 20 des contributeurs les plus importants auprès de l’agence d’aide aux réfugiés. L’an dernier, la Belgique a versé 13,5 millions d’euros à l’UNRWA (11,5 millions pour financer l’organisation et ses projets et 2 millions supplémentaires pour pallier la crise humanitaire à Gaza).

« Symboliquement, la Belgique devrait rester sur sa ligne diplomatique actuelle et garder le droit international comme boussole »

Elena Aoun (UCLouvain), experte du conflit israélo-palestinien

« L’aide humanitaire ne s’improvise pas, et au niveau local, l’UNRWA est l’acteur le plus efficace »

La Belgique contribue au financement de l’aide humanitaire des réfugiés palestiniens via d’autres organes comme le fonds humanitaire des Nations unies pour la Palestine (6 millions d’euros en 2023). Ou la Croix-Rouge, mais cette dernière n’est pas active uniquement à Gaza.

« A court terme, l’UNRWA est la seule organisation qui dispose de l’infrastructure nécessaire – écoles, abris, centres de santé – et de l’expertise sur le terrain pour protéger, nourrir et abriter les près de 2 millions de personnes sur le terrain à Gaza, explique Caroline Gennez (Vooruit), ministre de la Coopération au développement. C’est ce qu’indiquent également d’autres organisations humanitaires. Suspendre tout financement serait une punition collective pour une population qui souffre déjà de violence, de privations et de désespoir ».

Elena Aoun estime en effet qu’aucune de ces organisations n’a la même force de frappe que l’UNRWA. « L’aide humanitaire ne s’improvise pas. Et au niveau local, l’agence de l’ONU est la plus efficace ». Sur le terrain, l’office d’aide aux réfugiés palestiniens dispose des meilleures infrastructures. C’est, par exemple, la seule organisation d’aide humanitaire capable de mettre des abris à disposition.

Financée à 98% par la donation des Etats membres de l’ONU, l’UNRWA ne pourra pas survivre longtemps si certains coupent le robinet du financement. Son secrétaire général a déjà annoncé que l’organisation ne pourrait pas assurer toutes ses missions en février. Une bien mauvaise nouvelle pour les 2 millions de réfugiés palestiniens dans la bande de Gaza (et les autres).

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