Face aux drones « diaboliques », l’intelligence artificielle est-elle la clé pour l’Ukraine ?

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Face aux drones, difficilement interceptables, les techniques de défense classiques sont dépassées. Pour y remédier, l’Ukraine se penche sur de toutes nouvelles technologies, à base d’intelligence artificielle.

L’Iran produira-t-il bientôt ses propres drones en Russie ? Selon le Wall Street Journal, une délégation iranienne s’est rendue en Russie sur un site qui pourrait potentiellement accueillir une usine de drones. Russie et Iran aimeraient en effet développer un drone plus rapide que la version iranienne actuelle, et donc plus difficilement interceptable par la défense aérienne ukrainienne. Près de 6.000 drones devraient sortir de cette usine l’année prochaine, selon le journal, qui s’appuie sur les renseignements américains.

Les drones, une option moins chère et pratique

Un déploiement impressionnant par le nombre, mais qui n’est pas si innovant. Le drone iranien n’est pas une révolution technologique: il fonctionne un peu comme un petit missile de croisière. Il vole selon une route indiquée, jusqu’à un point déterminé, et y lance un explosif. Par rapport à un missile classique, les drones sont moins onéreux à la fabrication et plus faciles d’emploi.

A titre de comparaison, les drones iraniens ont coûté à la Russie environ 20.000 euros pièce, alors qu’un missile de croisière peut facilement coûter entre 1 à 2 millions d’euros. La différence de puissance destructrice entre un missile de croisière et un drone est aussi impressionnante que la différence de prix. Là où un drone emporte jusqu’à 50 kilos de charge explosive, un missile balistique russe classique possède une charge explosive d’environ 500 kilos.

Malgré cette grande différence de puissance de frappe, les drones sont une alternative efficace pour la Russie. Car il n’est pas toujours nécessaire, selon les objectifs, d’envoyer des grosses charges explosives. Pour mettre le feu à une installation pétrolière ou électrique, dix kilos suffisent. C’est pourquoi la Russie se concentre également sur ce genre d’objectifs.

Si les drones se développent très rapidement, les défenses pour les contrer sont relativement démodées. La plupart des drones sont assez petits et volent plus bas qu’un missile. Ils sont donc difficiles à détecter avec des tirs antiaériens classiques. Cependant, le fait que les drones soient plus lents offre des opportunités de défense. L’Ukraine affirme qu’elle détruit environ 70 % des drones d’attaque iraniens avant qu’ils n’atteignent leurs cibles.

Mais ils peuvent difficilement être détectés à distance avec, par exemple, une détection radar ou infrarouge. C’est le plus grand obstacle pour la défense ukrainienne : elle ne peut pas anticiper l’arrivée d’un drone longtemps à l’avance.

Drones: lasers et intelligence artificielle

Les Ukrainiens essaient de faire un maximum appel à des témoins oculaires et auditifs dans la zone frontalière. Mais d’autres alternatives sont en vue. Comme par exemple des «lasers à haute énergie» français et américains. Un tel système coûte cher à l’achat, mais le coût de fonctionnement est faible – il ne nécessite que de l’électricité. On ne sait pas si l’Ukraine possède déjà cette technique, car les alliés gardent en partie secret ce qu’ils livrent.

Une autre méthode repose sur l’intelligence artificielle (IA). Généralement, les drones sont déployés en essaims. C’est pourquoi un système antiaérien capable d’éliminer plusieurs cibles à la fois, ce que peut faire l’IA, semble indispensable pour l’Ukraine.

Le ministre ukrainien de la Transformation numérique a récemment qualifié les drones autonomes -qui attaquent sur la base d’un script ou d’une commande sans intervention humaine- de « prochaine étape logique et inévitable ». Il a d’ailleurs confirmé que l’Ukraine avait fait « beaucoup de recherche et de développement dans cette direction ». Il n’est donc pas inconcevable qu’une telle arme existe à l’avenir. Même si pour l’instant, les chefs militaires ukrainiens n’autorisent pas l’utilisation d’armes mortelles à intelligence artificielle.

Perturber le signal GPS

Actuellement, les drones atteignent leurs cibles en fonction des coordonnées GPS. Si vous parvenez à perturber le signal GPS, ce que font régulièrement l’Ukraine et la Russie, vous pouvez empêcher un drone d’atteindre sa cible. L’IA doit permettre d’éviter ces interceptions. Mais de sérieux doutes subsistent quant à la précision de la détection d’images. Le logiciel serait facile à induire en erreur.

De nombreux spécialistes de la défense supposaient que les drones, à leur émergence, seraient initialement utilisés par des terroristes ou des groupes dissidents. La guerre en Ukraine montre qu’ils sont désormais indispensables pour les grandes forces armées.

Avec son efficacité démontrée, le drone d’attaque dégage aussi une carte de visite diabolique, dont tous les pays doivent tenir compte. Ils sont devenus une arme abordable et polyvalente qui peut être utilisée dans n’importe quel contexte. Et l’Occident ne semble pas tout à fait prêt pour faire face à cette nouvelle menace.

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