Bakhmout, ou ce qu’il en reste, est contrôlée par le groupe Wagner. © belga image

Comment l’incursion d’un groupe armé à Belgorod empêche les Russes de savourer Bakhmout

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le feu vert des Etats-Unis à l’envoi de F-16 et une attaque sur le sol russe d’opposants à Poutine empêchent la Russie de savourer un rare succès.

Bakhmout, une victoire qui a un goût amer pour les Russes. Il est difficile de mesurer l’importance que représentera, au moment de dresser le bilan de la guerre en Ukraine, l’incursion d’opposants à Vladimir Poutine sur le sol russe, dans trois villages de la région de Belgorod, le 22 mai. L’attaque est en tout cas inédite par les moyens déployés (des dizaines d’hommes et des blindés) et sa durée. Elle a été précédée par des bombardements d’artillerie et des tirs de drones et a nécessité l’évacuation de populations à Kozinca, Glotovo, Gora-Podol et dans des localités avoisinantes, alors qu’était instauré sur ce territoire un «régime légal de zone d’opération antiterroriste», qui donne davantage de pouvoir aux forces de sécurité. L’opération met en tout cas en évidence la faiblesse du dispositif de défense russe sur une portion pourtant extrêmement sensible de son pourtour frontalier.

Nous voulons que nos enfants grandissent dans la paix et soient des personnes libres.

Deux groupes ont revendiqué l’attaque, la légion Liberté de la Russie et le Corps des volontaires russes, qui ont annoncé avoir conclu «un accord de fraternité». «Chaque organisation a sa propre vision idéologique de l’avenir de la Russie. Mais elles mènent des opérations militaires ensemble. Et leur objectif commun est de renverser le régime de Poutine», a précisé un représentant de Liberté de la Russie. En l’occurrence, la joint-venture fait plutôt office de mariage de l’eau et du feu. La légion Liberté de la Russie est un groupe nationaliste modéré créé après le début de l’invasion de l’Ukraine à l’initiative de l’ancien député de la Douma, Ilia Ponomarev. Le Corps des volontaires russes est une créature du militant néonazi et figure du hooliganisme Denis Nikitine. Il avait revendiqué une première attaque en territoire russe contre les villages de Lioubiétchané et Souchani, dans la région de Briansk, le 2 mars dernier. Deux civils avaient été tués.

L’incursion d’un groupe armé à Belgorod ternit le succès des Russes à Bakhmout

Bakhmout, ou ce qu’il en reste, est contrôlée par le groupe Wagner. Mais l’armée ukrainienne n’est pas loin.
Bakhmout, ou ce qu’il en reste, est contrôlée par le groupe Wagner. Mais l’armée ukrainienne n’est pas loin. © belga image

Pour appuyer l’incursion du 22 mai, un porte-parole de la légion Liberté de la Russie a fait vibrer la fibre patriotique. «Nous sommes des Russes comme vous, nous sommes des gens comme vous. […] Nous voulons que nos enfants grandissent dans la paix et soient des personnes libres, qu’ils puissent voyager, étudier et simplement être heureux dans un pays libre.» Pas sûr pourtant que le Russe moyen, dopé à la propagande du Kremlin, soit sensible à la promesse d’un groupuscule qui, dans le contexte de guerre, se met en avant grâce au soutien de «l’ennemi ukrainien». Car si Kiev a dénié toute responsabilité dans l’attaque de Belgorod et que Moscou l’a attribuée directement aux Ukrainiens, le fait d’armes a bénéficié, au minimum, de la complicité de l’armée ukrainienne.

Bakhmout: victoire russe ou piège ukrainien ?

Le procès en «diversion», à la suite de la conquête par les Russes de la ville de Bakhmout, qu’a fait le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, à propos de l’attaque pourrait même ne pas être infondé. Cependant, le doute subsiste sur la fin réelle de la bataille pour le contrôle de cette localité du Donbass. Son centre est incontestablement aux mains des mercenaires du groupe Wagner. Mais Kiev prétend que les avancées de son armée à l’ouest et à l’est de la zone la laisse sous la menace d’une reconquête. Victoire russe ou piège ukrainien? Mystère.

Il n’en reste pas moins que cette incertitude, qui ternit ce rare succès russe, maintient une pression sur la ligne de défense russe. Comme l’attaque de Belgorod. Comme les coups portés à l’arrière des concentrations de soldats russes. Comme, à plus long terme, le feu vert à la fourniture d’avions F-16, obtenu auprès de Joe Biden par Volodymyr Zelensky au terme d’une impressionnante tournée diplomatique. L’apaisement ne domine pas la nuit au Kremlin.

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