© JONATHAN HIGBEE

Photographie : quand le hasard fait bien les choses

Laurent Raphaël
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Découverts sur Instagram, les fragments de réel débusqués par le street photographe Jonathan Higbee dans les rues de New York sont aujourd’hui compilés dans l’ouvrage Coincidences. Autant d’images fugaces et fragiles, dont la poésie surréaliste invite à poser le regard dans un monde toujours plus pressé par le temps.

Comme toutes les grandes villes contemporaines, New York sécrète en continu des images qui viennent percuter la rétine mais s’effacent aussitôt qu’elles sont apparues. Le bombardement visuel est tellement intensif que l’oeil qui débarque, vite submergé et saturé, ne perçoit bientôt plus qu’un amas de lumières scintillantes comparable à un bruit de fond optique. Seuls les ouvrages d’art remarquables ou les rencontres imprévisibles parviennent à se détacher de cette bouillie pointilliste.

Tout le reste, cet ordinaire sans signification particulière, rejoint les égouts de l’oubli. Sauf pour le street photographe américain Jonathan Higbee. Il extirpe de ce rebut des trésors graphiques. Cocasses, poétiques, étranges, absurdes, ses fragments de réel débusquent le hasard qui vient placer un homme torse nu juste sous un nuage comme si de la fumée s’échappait de son crâne ou que ses mèches s’envolaient dans le ciel. Ou qui en superpose un autre en train de prendre une photo et un triangle bleu sur un mur, donnant l’illusion que son téléphone projette un spray sur une silhouette postée un peu plus loin. Ses images jouent avec les couleurs, avec l’architecture, avec les perspectives. La chance est son alliée mais elle ne suffit pas. Comme le photographe animalier, Higbee reste parfois des heures à l’affût au même endroit pour capturer l’instant magique, aussi fragile et éphémère qu’un battement de cil. Une chasse aux signes qui pourrait passer pour superficielle, décorative et anecdotique si elle n’avait le don de nous projeter dans un monde parallèle, invisible aux regards pressés ou dissous dans leurs écrans. Et si ce n’était pas le hasard qui orchestrait cette succession de gags visuels, mais bien de facétieux fantômes ? Des Coincidences qui ont séduit Instagram avant d’être rassemblées aujourd’hui dans un livre (1) qui est comme une parenthèse surréaliste dans un monde dévolu à la performance et à la vitesse, jusqu’à l’épuisement et l’aveuglement. Un appel insolite à appréhender le monde avec des yeux d’enfant ou de poète. Pour lui réinjecter un peu de cette fantaisie qui a déserté les villes mais, surtout, nos regards.

Photographie : quand le hasard fait bien les choses
© JONATHAN HIGBEE
Photographie : quand le hasard fait bien les choses
© JONATHAN HIGBEE
Photographie : quand le hasard fait bien les choses
© JONATHAN HIGBEE
Photographie : quand le hasard fait bien les choses
© JONATHAN HIGBEE
Photographie : quand le hasard fait bien les choses
© JONATHAN HIGBEE
(1) Coincidences : New York by chance, par Jonathan Higbee, Anthology Editions.
(1) Coincidences : New York by chance, par Jonathan Higbee, Anthology Editions.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire