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« Le Hamas n’est qu’un outil au service de l’Iran »

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’attaque du 7 octobre convoque les pires moments de l’histoire des Juifs et provoque une révulsion complète, selon le chercheur Stéphane Wahnich.

Stéphane Wahnich est chercheur au laboratoire Analyse du discours, argumentation et rhétorique (Adarr) de l’université de Tel-Aviv et directeur de la société SCP Communication. Il décrit l’état de la société israélienne après l’attaque du Hamas.

Quelle est l’ampleur du traumatisme en Israël ?

Le traumatisme est énorme. Les massacres du Hamas, y compris dans la méthode et par le public visé – des enfants, des femmes, des grands-mères –, rappellent la Shoah par balles de l’Ukraine (NDLR : l’assassinat entre 1941 et 1944 de près d’un million et demi de Juifs d’Ukraine lors de l’invasion par l’Allemagne nazie de l’Union soviétique). Cela convoque les pires moments de l’histoire des Juifs modernes. On est dans une révulsion complète. Idéologiquement, l’armée d’Israël n’est pas contre les Arabes ou contre les Palestiniens mais contre ceux qui veulent tuer des Juifs. Donc, cela ravive toutes les angoisses historiques. Par son action, le Hamas a brûlé au fer chaud toute la société israélienne.

La référence à un pogrom est-elle pertinente ?

C’est plus qu’un pogrom. Il y a eu mille morts en six heures. On est plus proche d’une logique d’extermination systématique que d’un pogrom de Cosaques avinés. La référence à la Shoah est plus prégnante que celle à un simple pogrom. Il faut rappeler que 20 % au moins des Israéliens, dont je fais partie, sont des descendants de rescapés de la Shoah. Donc, pour une partie de la population, cela réveille un traumatisme familial. Les images que l’on a vues, les viols, les meurtres, les enfants tués, kidnappés… rappellent les années les plus sombres de la Shoah en Europe. Face à ce traumatisme historique complet, la réaction des Israéliens est très forte, notamment celle des soldats. Leur motivation n’a rien à voir avec celle d’avant. J’ai connu la guerre de Gaza de 2014. Les soldats y allaient un peu à reculons. Ils n’avaient pas vraiment envie de rejoindre le front. Aujourd’hui, ils y vont avec une vraie volonté de vaincre parce qu’ils sont motivés par les mille morts israéliens. C’est le plus grand nombre de Juifs morts depuis la Seconde Guerre mondiale parce que Juifs.

La référence à la Shoah est plus prégnante que celle à un simple pogrom.

Stéphane Wahnich

En Israël, l’heure est-elle à la punition du Hamas et de la population de Gaza ?

L’idée n’est pas de se venger sur la population de Gaza mais plutôt d’éliminer le Hamas de la carte pour ne plus que cela recommence. Les Israéliens sont conscients que ce ne sont pas les deux millions de Gazaouis qui ont mené l’attaque. En revanche, on est tous conscients que c’est l’idéologie du Hamas qui a fait cela. Donc, il faut l’éliminer. En fait, le Hamas est issu de l’idéologie des Frères musulmans qui ont soutenu Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce n’est pas un hasard si ce qui s’est passé est le fait du Hamas. Quand vous regardez l’histoire des pays arabes par rapport à la Seconde Guerre mondiale, trois groupes se sont alliés avec Hitler, les Palestiniens avec le grand mufti de Jérusalem, les partis Baas en Syrie et en Irak, et les Iraniens. C’est avec eux qu’Israël n’arrive pas à faire la paix. Avec l’Arabie saoudite, l’Egypte, la Jordanie, qui étaient du côté des alliés, on a réussi à s’accorder. Nous sommes confrontés à la logique idéologique très forte des Frères musulmans, c’est-à-dire de l’islam politique radical mâtiné de fantasme du nazisme. Mein Kampf, Les Protocoles des Sages de Sion sont des livres qui circulent beaucoup dans ces milieux.

Le Hamas n’est qu’un outil au service de l’Iran. Le Hezbollah est un deuxième pion iranien aux portes d’Israël.

Stéphane Wahnich

Dans l’esprit des Israéliens, éradiquer le Hamas est-il un objectif atteignable ?

La volonté affichée est d’éliminer le Hamas de la carte politique de Gaza. Entre le dire et le faire, il est vrai que c’est plus compliqué. L’affaiblir très durablement peut aussi suffire. Mais il est évident que l’on n’est pas dans une logique, comme en 2014, de « containment » pour éviter de futures escarmouches, ce qui a plutôt bien fonctionné pendant huit ans. On est dans une volonté d’éliminer politiquement le Hamas. Mais, il ne faut pas être naïf, c’est l’Iran qui a commandé l’attaque contre Israël. Le Hezbollah rentrera ou pas en guerre selon la façon dont réagira le Hamas et selon les ordres de Téhéran. L’enjeu est d’empêcher qu’Israël fasse la paix avec l’Arabie saoudite et d’éviter la constitution d’un front Etats-Unis/Israël/Arabie saoudite. Le Hamas n’est qu’un outil au service de l’Iran. L’attaque du 7 octobre s’inscrivait non pas dans une logique pour les Palestiniens, mais dans une logique pour les Iraniens. Israël a quasiment une obligation d’éliminer ce pion iranien qu’est le Hamas à ses portes. Et beaucoup d’Israéliens se disent : comme on a mobilisé énormément de monde, autant en profiter pour éliminer aussi le Hezbollah, le deuxième pion iranien aux portes d’Israël.

La priorité d’éliminer le Hamas à Gaza supplante-t-elle l’objectif de récupérer les otages ?

Les Israéliens sont divisés sur cette question selon leur sensibilité. Mais on ne peut pas récupérer les otages sans entrer dans Gaza. Donc, le problème ne se pose quasiment pas en matière stratégique. Il faut entrer dans Gaza et récupérer des otages, si possible. Peut-être que des opérations de commandos les sauveront.

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