Xi Jinping recevant Emmanuel Macron, le 6 avril, à Pékin: le Français a-t-il été trop complaisant? © getty images

Macron peu solidaire des Etats-Unis sur Taïwan : une faute politique

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

En questionnant la solidarité avec les Etats-Unis sur le dossier de Taïwan, le président français fragilise le front commun occidental face à la Russie.

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, l’unité du camp occidental face à la Russie étonne même ses plus grands détracteurs. Le front commun affiché entre pays de l’Union européenne et la complémentarité développée avec le Royaume-Uni et, surtout, les Etats-Unis dans l’aide à l’Ukraine sont autant de facteurs qui donnent à espérer qu’elle pourra à terme recouvrer sa pleine souveraineté.

De fréquents parallèles ont été dressés depuis quatorze mois entre les situations des gouvernements de Kiev et de Taipei. Certains ont même jugé que la résistance occidentale au nouvel impérialisme russe, exprimée à travers les Ukrainiens, pouvait servir d’avertissement à une Chine qui serait déterminée à restaurer par la force son emprise sur Taïwan. Mais le message n’aurait de valeur que si l’unité du camp occidental perdurait. Or, les déclarations d’Emmanuel Macron, à l’issue d’une visite en Chine toute en aménité à l’égard de Xi Jinping, ont fait douter de sa réalité.

«Avons-nous intérêt à une accélération sur le sujet de Taïwan? La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise», a expliqué le président dans une interview à son retour de Chine. Que les intérêts français ou européens ne soient pas strictement alignés sur ceux des Etats-Unis à propos de l’avenir de Taïwan et de la relation avec la Chine n’est pas nouveau. Mais qu’un dirigeant d’une des principales puissances de l’Union européenne affiche cette défiance envers Washington alors que les Etats-Unis jouent un rôle déterminant dans la défense des valeurs européennes face à l’agression ouvertement antioccidentale de la Russie en Ukraine relève de la faute politique.

La France n’est pas la plus généreuse des nations européennes dans son assistance militaire à l’armée de Kiev.

Elle amène à se souvenir que la France n’est pas la plus généreuse des nations du Vieux Continent dans son assistance militaire à l’armée de Kiev (qu’en est-il de la fourniture de chars Leclerc ou de la mise à disposition d’avions Mirage? ). Elle pousse à se rappeler que, malgré la réorientation de leur politique étrangère vers l’Asie, les Etats-Unis n’ont pas hésité à s’engager massivement aux côtés d’une Ukraine qui ne figurait pas au rang de ses priorités stratégiques.

On peut certes questionner certains aspects de cette diplomatie. Il est vrai que la visite à Taïwan, en août 2022, de l’ancienne présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, avait contribué à tendre inutilement les relations avec la Chine, plus encore que la rencontre, le 5 avril, entre son successeur Kevin McCarthy et la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen en Californie. Mais les propos d’Emmanuel Macron apparaissent particulièrement déplacés dans le contexte de la guerre en Ukraine et de l’exacerbation des tensions autour de Taïwan.

C’est autour de l’île, complètement encerclée, que la Chine de Xi Jinping a déployé sa flotte depuis le 8 avril dans une opération particulièrement hostile. A posteriori, le président français donne ainsi raison aux dirigeants australiens d’avoir rompu le contrat qui les liait à Paris pour la livraison de sous-marins. L’alliance Aukus (Australie, Royaume-Uni, Etats-Unis) qui s’est substituée à ce partenariat est assurément plus solide.

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