New Delhi, le 17 avril 2021 © Getty

L’OMS corrige les chiffres du Covid : « Il y a 15 millions de morts dans le monde, pas 6 »

Rudi Rotthier
Rudi Rotthier Journaliste Knack.be

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) travaille à un nouveau calcul de la mortalité du Covid, qui devrait être publié ce mois-ci. L’Inde surtout met des bâtons dans les roues. Il est politiquement gênant pour l’Inde que l’OMS avance un nombre de décès qui soit beaucoup plus élevé qu’indiqué par le gouvernement.

Selon le New York Times, qui a rendu compte de ce nouveau calcul, les nouvelles estimations font état de 15 millions de décès d’ici à la fin de 2021. C’est 2,5 fois plus que le chiffre actuel de 6 millions de décès par Covid, qui a été obtenu en additionnant les données que les pays soumettent à l’OMS.

La nouvelle estimation n’est pas une supposition. Elle a été précédée, écrit le Times, de plus d’un an de recherches approfondies, avec des contributions de spécialistes de la santé, de démographes, de statisticiens, etc.

Mais alors que les résultats et les conclusions étaient promis depuis la fin de l’année dernière, le rapport s’est heurté à un vent d’opposition, notamment de la part de l’Inde. La raison est facile à deviner. Sur les 9 millions de décès supplémentaires dus au covid repris dans la nouvelle estimation, plus de 3 millions proviennent de ce pays, selon le rapport.

Le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi présentait pourtant l’Inde comme une réussite en matière de covid, avec « seulement » 520 000 décès pour une population de 1,4 milliard d’habitants. Après une première vague difficile, une deuxième vague a suivi, qui a frappé le pays à partir d’avril 2021. À cette époque, les hôpitaux étaient débordés, les réserves d’oxygène épuisées et de nombreux décès n’ont pas été comptabilisés. Les images de personnes désespérées, munies de bouteilles d’oxygène vides, faisant la queue sans fin, dans l’espoir de fournir de l’oxygène à leur famille, ont fait le tour du monde.

Selon le New York Times, le nouveau rapport fait état de 4 millions de décès indiens, ce qui ferait de l’Inde le leader mondial en chiffres absolus pour les décès de Covid. « L’essentiel de la différence dans la nouvelle estimation mondiale », écrit le journal, « concerne des décès précédemment non comptabilisés, la grande majorité d’entre eux étant directement dus au Covid ; le nouveau chiffre inclut également des décès indirects, tels que les personnes qui n’ont pas pu se faire soigner pour d’autres pathologies à cause de la pandémie ». Les scientifiques prennent de plus en plus souvent la surmortalité, c’est-à-dire une mortalité supérieure à ce qui est habituel et attendu, en considération.

« Décès par négligence »

L’Inde, qui n’a pas coopéré au rapport, n’a agi que lorsque la publication était imminente. Elle a envoyé des experts pour contester les résultats, ce qui a conduit à l’ajournement de la publication. Le rapport devait être rendu public ce mois-ci, a déclaré un porte-parole de l’OMS au Times. Les scientifiques engagés par l’OMS ont entendu les objections des spécialistes indiens et sont confiants à l’égard de la publication du rapport.

L’opposition indienne utilise l’article du Times pour renforcer ses critiques à l’égard du gouvernement. Le chef du Congrès, Rahul Gandhi (fils du défunt Premier ministre Rajiv Gandhi, petit-fils de la Première ministre Indira Gandhi et arrière-petit-fils du premier Premier ministre indien Nehru), écrit sur Twitter que « Modi ne dit pas la vérité et ne permet pas aux autres de dire la vérité ». Et quatre millions d’Indiens sont morts, écrit-il, suite à la « négligence du gouvernement ».

En réponse, le gouvernement déclare que « la préoccupation fondamentale de l’Inde ne porte pas sur le résultat (quel qu’il soit), mais sur la méthodologie. La préoccupation porte spécifiquement sur la façon dont le modèle statistique fournit à la fois des estimations pour un pays de la taille et de la population de l’Inde et s’applique en même temps à des pays dont la population est beaucoup plus petite ».

La presse favorable au gouvernement est moins nuancée et accuse le New York Times de « calomnie » ou de « malveillance ».

La Russie? La Chine?

L’Inde n’est pas le seul pays qui risque de mal sortir du rapport.

En Russie, les chiffres du gouvernement prévoyaient 300 000 décès d’ici la fin 2021. C’est ainsi qu’il apparaît dans les statistiques de l’OMS. Mais l’agence de statistiques russe semi-indépendante a indiqué qu’il y avait une surmortalité de plus d’un million dans le pays. Selon le Times, l’estimation du rapport est proche d’un million. La Russie s’est également opposée à ce chiffre, mais n’a rien fait pour empêcher la publication du rapport.

La Chine, qui comptait officiellement moins de 5 000 décès par infection, pourrait également être confrontée à une estimation plus difficile. Selon une étude, le taux de surmortalité au premier trimestre 2020 à Wuhan, où la pandémie a éclaté, était de 50 %. L’OMS suppose que la surmortalité dans ce cas est principalement due à l’inaccessibilité des hôpitaux pour les personnes souffrant d’affections non Covid.

Au cours du week-end, le Wall Street Journal s’est interrogé sur la non-mortalité à Shanghai, où, malgré 130 000 infections depuis le 1er mars et un confinement qui a maintenu 25 millions de personnes à la maison, pas un seul décès dû au Covid n’a été signalé. Quelques heures plus tard, les autorités chinoises ont annoncé que trois personnes étaient mortes du Covid dans la ville. Le total officiel chinois des décès de Covid est de 4 641.

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