Bertrand Candelon

Le décodeur de l’économie de Bertrand Candelon: l’inexorable essor des monnaies virtuelles (chronique)

Bertrand Candelon Professeur de finance à l'UCLouvain et directeur de la recherche Louvain-Finance.

Depuis quelque temps, le bitcoin est à la Une des journaux financiers et attire l’attention des investisseurs. De nouvelles cryptomonnaies (Ethereum, Tether, Ripple…) ont fait leur apparition, propulsées par des multinationales, et certains pays, dont le Salvador, les ont carrément instituées comme devises de réserve, au même titre que le dollar américain ou l’euro…

Les cryptomonnaies sont des devises virtuelles émises par des agents individuels, qui autorisent des transactions de pair à pair. L’ extension de ces moyens de paiement a été rendue possible par le développement de technologies comme le blockchain, qui permet de gérer de façon optimale des bases de données de très grande dimension, ou la cryptographie, qui sécurise au mieux et rend les transactions presque anonymes. Les cryptomonnaies bénéficient également de la défiance d’une partie de la population à l’égard des Etats. C’est que, depuis 2008, on constate une augmentation constante de la masse monétaire. Cette politique, nécessaire pour limiter les effets néfastes des crises sur la croissance économique et les marchés financiers, engendre des inquiétudes quant à la future valeur réelle des devises classiques. De plus, la promesse de transactions anonymes peut motiver certains investisseurs à en faire usage dans un objectif d’évasion fiscale – bien que, depuis plusieurs années, les bénéfices tirés des cryptomonnaies soient théoriquement taxés au même titre que ceux obtenus d’autres valeurs mobilières.

Les cryptomonnaies bu0026#xE9;nu0026#xE9;ficient aussi de la du0026#xE9;fiance u0026#xE0; l’u0026#xE9;gard des Etats.

Alors que la valeur des devises physiques est liée à la confiance envers les Etats, donc repose, au moins en partie, sur des fondamentaux économiques, celle des cryptomonnaies est purement spéculative. Elle dépend quasi uniquement du « sentiment » du marché. De ce fait, leur cours est très volatil et présente un risque majeur pour les épargnants ou les Etats qui y recourent. En outre, alors que les devises traditionnelles évoluent dans un cadre institutionnel plutôt transparent, les cryptomonnaies, elles, naviguent dans le brouillard. Leur dimension internationale rend difficile la mise en place d’une réglementation efficace, qui serait pourtant cruciale pour renforcer la stabilité financière: une chute importante de leur valeur pourrait contaminer les marchés financiers traditionnels. Enfin, de nombreuses études ont mis au jour l’impact énergétique des monnaies virtuelles, qui reposent sur des calculateurs super- puissants, donc énergivores.

L’ essor des cryptomonnaies souligne néanmoins la nécessité pour les émetteurs classiques d’évoluer vers des monnaies virtuelles. La Banque centrale européenne ne s’y trompe pas puisqu’elle a annoncé, le 14 juillet dernier, le lancement d’un projet pilote en vue de l’introduction d’un euro virtuel. La disparition des devises physiques est donc à terme inexorable, avec plusieurs effets positifs, dont un accès plus simple aux moyens de paiement stimulant l’inclusion financière. Mais également une transparence accrue, qui permettra d’éliminer un large pan de l’évasion fiscale découlant du paiement en liquide. Par contre, en ce qui concerne l’impact énergétique et la perte de confiance dans les devises traditionnelles, d’autres mesures seront nécessaires. Il y a donc fort à parier que les cryptomonnaies continueront à faire la Une de l’actualité.

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