Entre condamnation ferme, soutien au Hamas et appels à la désescalade, comment se positionne la communauté internationale ?

Guerre Israël-Hamas: comment se positionne la communauté internationale? (carte interactive)

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Les attaques sanglantes perpétrées par le Hamas à l’encontre d’Israël ont suscité de vives condamnations dans les rangs occidentaux. Certains Etats ont préféré jouer les équilibristes en appelant simplement à la désescalade, alors qu’une minorité du Sud global a réaffirmé son soutien au peuple palestinien, voire aux miliciens du Hamas. Décryptage.

C’est une constante de la géopolitique internationale. Chaque nouvelle guerre, ou du moins chaque nouvel épisode conflictuel, fait émerger de nouvelles fractures planétaires. L’assaut inattendu du Hamas contre Israël le 7 octobre, l’escalade la plus meurtrière du conflit israélo-palestinien depuis des décennies, n’échappe pas à la règle.

Depuis samedi, les réactions de la communauté internationale se multiplient et témoignent de nouvelles dissidences au sein de l’ordre mondial. L’Occident, emmené par une coalition de cinq pays signataires d’un communiqué commun – les Etats-Unis, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie – a unilatéralement condamné les attaques sanglantes et les prises d’otage perpétrées par le Hamas. Le positionnement occidental, généralement accompagné d’un soutien total aux autorités israéliennes, a été rejoint par de nombreux pays de l’OCDE tels que la Corée du Sud, le Japon ou le Costa Rica, et de pays africains comme le Ghana ou le Kenya.

Deux positionnements distincts

Cette condamnation extrêmement large ne porte toutefois que sur l’assaut du Hamas et de ses modalités, mais ne reflète pas systématiquement le positionnement général de ces Etats sur le conflit israélo-palestinien. « Il faut bien distinguer ces deux prises de position, insiste Michel Liégeois, professeur de relations internationales à l'UCLouvain. Certains Etats condamnent aujourd’hui les violences du Hamas, car de toute évidence, ce sont des violations claires du droit de la guerre et du droit humanitaire, mais ça ne veut pas dire qu’ils sont des soutiens inconditionnels d’Israël, loin de là. »

A commencer par l’Union européenne, dont le positionnement officiel relève davantage d’une politique d’équidistance. « L’UE promeut à la fois la sécurité d’Israël dans ses frontières reconnues et l’avènement d’un Etat palestinien, rappelle Michel Liégeois. Cette position ne va pas évoluer. Condamner l’action du Hamas ne constitue pas un revirement, c’est simplement une réaction à une situation nouvelle. Ce sont bien les actes qui sont condamnés et pas les éventuelles revendications politiques sous-jacentes. »

Une véritable ligne de fracture s’observe notamment dans le chef des BRICS, qui regroupent le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud depuis 2011, mais aussi l’Arabie Saoudite, l’Argentine, l’Egypte, les Emirats arabes unis, l’Ethiopie et l’Iran qui en deviendront membres officiels au 1er janvier 2024. L’Inde et l’Argentine ont condamné les attaques du Hamas, au contraire de l’Iran, fidèle allié du mouvement islamiste.

Mais une grande majorité des BRICS a préféré ne pas afficher de positionnement clair et a simplement appelé à la retenue, comme le Brésil, la Chine ou l’Afrique du Sud. « A terme, ce sont des pays qui peuvent fondamentalement jouer un rôle dans le processus de paix en tant que médiateur, car ils ne se sont jamais clairement profilés en soutien de l’une ou l’autre partie », analyse le professeur en relations internationales. C’est le cas notamment de l’Egypte : bien que frontalier du conflit, le pays joue plutôt un rôle d’interlocuteur privilégié entre les deux parties, et évite dès lors de prendre des positions trop abruptes.

Erdogan, l'équilibriste

Ce rôle de médiateur est également privilégié par la Turquie qui, bien que membre de l’Otan, n’a pas condamné l’assaut du Hamas. « La Turquie a un positionnement particulier, concède Michel Liégeois. C’est un pays à majorité musulmane, qui connaît dès lors une certaine proximité avec le peuple palestinien, mais sans être un pays arabe. Ces dernières années, le gouvernement turc a développé des collaborations importantes avec Israël, notamment sur le plan militaire, ce qui lui permet d’être regardé par les autorités israéliennes comme un interlocuteur potentiel malgré certaines divergences. Il a également développé ses relations avec la Russie et pris ses distances avec les Etats-Unis. Erdogan se positionne ainsi en surplomb par rapport aux clivages et joue un rôle d’équilibriste, considéré comme acceptable par les deux camps. »  

D’énormes disparités s’observent également au sein du Sud global – un terme générique désignant une grande majorité des pays de l’hémisphère sud – alors que cet ensemble géopolitique avait communément affiché une prise de distance vis-à-vis des positions pro-ukrainiennes du camp occidental en 2022. « Cela prouve que cette appellation de Sud global, comme toutes les appellations génériques, pose plus de problèmes qu’elle n’en résout car elle tend à présenter comme homogènes des ensembles qui n’en sont pas », tranche l’expert de l’UCLouvain.

Ainsi, certains pays africains ont condamné unilatéralement les actions du Hamas, comme le Kenya ou le Ghana. « Cette position s’explique par la politique relativement volontariste et proactive d’Israël en direction de toute une série de pays africains, majoritairement anglophones, avec lesquels les autorités israéliennes ont signé des accords de défense, de fournitures d’armes voire même des accords universitaires », précise Michel Liégeois.

Des positionnements "par ricochets"

Alors que la quasi-totalité du monde arabo-musulman, comme l’Iran, l’Irak ou la Syrie, soutient le Hamas ou a minima les revendications du peuple palestinien, pour des « raisons évidentes de proximité identitaire », d’autres sont davantage dans la réserve, comme le Maroc. « C’est un pays arabe qui soutient par principe la cause palestinienne, mais qui a récemment conclu des accords assez étroits avec Israël, en échange du fait qu’Israël reconnaisse la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, détaille l’expert en relations internationales. Le Maroc se trouve donc dans une position diplomatique un peu inconfortable, car les autorités sont en porte-à-faux avec l’opinion publique qui, elle, témoigne spontanément davantage de sympathie pour la cause palestinienne. »

Enfin, toute une série de pays (Cuba, Venezuela, Nicaragua) ont affiché leur soutien au Hamas par opposition à « l’impérialisme américain ». « C’est ce qu’on appelle des positionnements par ricochet, explique Michel Liégeois. Les Etats-Unis sont le principal soutien d’Israël, ils l’ont encore prouvé en activant rapidement des aides militaires directes et en posant des gestes politiques forts. Certains pays, qui s’opposent à ce soutien inconditionnel, défendent dès lors l’ennemi des Etats-Unis, bien qu’ils n’aient pas de raison historique ou politique particulière à soutenir la cause palestinienne. »

Une position que devrait adopter la Russie dans un second temps, prédit le professeur en relations internationales. « La première réaction de Moscou a été d’appeler à la désescalade, qui est la position la plus ‘respectable’, mais dans le futur, je les imagine difficilement s’aligner sur les Etats-Unis ou l’Europe occidentale. D’autant que la Russie a considérablement développé sa collaboration avec l’Iran au cours de sa guerre en Ukraine. »

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