France: les sérieux défis qui attendent le nouveau Premier ministre Gabriel Attal
Sa fidélité au président et son parcours à gauche l’ont propulsé, à 34 ans, au poste de Premier ministre. Mais en matière d’ambition, l’élève pourrait dépasser le maître.
Jeune, de l’aile gauche de la macronie, et fidèle des fidèles du président: tel est le profil de personnalité qui seyait à Emmanuel Macron pour relancer son deuxième mandat après l’épisode de l’adoption houleuse de la loi sur l’immigration, qui avait consacré la dérive droitière du pouvoir français. C’est ainsi que le ministre sortant de l’Education, Gabriel Attal, est devenu, le 9 janvier, le quatrième Premier ministre de l’ère Macron, après Edouard Philippe, Jean Castex et Elisabeth Borne qui, à défaut de laisser une empreinte indélébile sur l’histoire politique de la France, pas aidée il est vrai par l’absence de majorité absolue, aura tout de même eu une longévité plus grande que son unique prédécesseure, Edith Cresson (près de vingt mois contre dix).
S’il reste à Matignon jusqu’à la fin de la législature, Gabriel Attal dépassera largement la longévité de ses prédécesseurs macronistes.
«Le plus jeune président de France nomme le plus jeune Premier ministre de France», s’est félicité le nouveau chef du gouvernement français sous le perron de l’hôtel Matignon, le 9 janvier, lors de la passation de pouvoir avec Elisabeth Borne. «Un symbole d’audace et de mouvement», selon lui. La jeunesse fut en tout cas un élément décisif dans la décision de l’Elysée. A côté de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, cité un temps, qui cochait les deux autres cases du profil recherché (la sensibilité de gauche et la fidélité à Macron), Gabriel Attal avait l’extrême avantage, par son âge et son ascension fulgurante, de pouvoir provoquer un choc d’intérêt médiatique pour un changement qui n’était pas de nature à passionner les foules.
La personnalité de l’heureux élu, il est vrai, a de quoi retenir l’attention. Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse en 2018, porte-parole du gouvernement en 2020, ministre délégué aux Comptes publics en 2022, ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse en 2023, Premier ministre en 2024: on peut difficilement trouver plus brillant parcours que celui de Gabriel Attal dans l’histoire politique française. Même son mentor Emmanuel Macron ne pouvait pas se prévaloir d’une telle réussite, et certainement pas en politique, avant d’accéder au poste suprême. Il avait alors 39 ans. Gabriel Attal aura 38 ans au moment de la tenue de l’élection présidentielle de 2027…
Attal, profil de gauche, pratique de droite
Dans le vivier des forces de différents horizons qui fondent En marche, Gabriel Attal est un des représentants issus de la gauche. A partir de 2012, il a été membre du cabinet de la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, sous François Hollande. Et il a été élu deux ans plus tard conseiller municipal de la commune de Vanves, dans les Hauts-de-Seine, au sud-ouest de Paris, sur la liste du Parti socialiste. Il fait partie des premiers transfuges du PS au sein du mouvement créé par le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron. Le pari dépasse les plus folles espérances. Le PS postprésidence de François Hollande s’effondre, En marche devient la principale formation politique du pays et le… parti présidentiel. Gabriel Attal intègre rapidement l’aventure gouvernementale sous Edouard Philippe, qu’il a remercié, le 9 janvier, pour lui avoir mis le pied à l’étrier, et la poursuit sous Jean Castex, auprès duquel, au vu de l’hommage qu’il lui a rendu, lui a visiblement beaucoup appris, et enfin sous Elisabeth Borne, avec laquelle il a vécu son élévation au rang de Premier ministrable quand il a rejoint le sensible et prestigieux ministère de l’Education. C’était le 20 juillet 2023…
Et pourtant, en quelques mois, Gabriel Attal a montré qu’il avait l’étoffe d’un ministre à poigne, compatible qui plus est avec le «en même temps», qui penche résolument à droite, du président. En interdisant le port de l’abaya – la longue robe portée par certaines jeunes filles musulmanes – à l’école et en rappelant l’importance des savoirs de base comme ferments de l’objectif d’égalité, il s’est attiré les sympathies, provisoires, de la droite. Pourtant, son profil aujourd’hui vaut surtout par ses racines au sein de la gauche pour tenter de réconcilier les ministres et les députés heurtés par la détermination mise par le président et le gouvernement dans la bataille pour faire voter, par le Sénat et l’Assemblée nationale, une loi sur l’immigration, adaptée par les Républicains et adoubée par le Rassemblement national.
Attal, l’atout du pragmatisme
Ainsi, après Elisabeth Borne, c’est une autre créature d’Emmanuel Macron étiquetée plutôt à gauche qui prend les rênes de l’exécutif. Mais avec ce fidèle de la première heure qu’est Gabriel Attal, le président espère jouer plus en sécurité. Les autres changements dans la composition du gouvernement diront si le repli sur les fondamentaux de la macronie se confirme. Quoi qu’il en soit, le nouveau Premier ministre devra faire face à plusieurs défis immédiats. En tant que chef d’équipe, résister, lui le novice, à l’ambition, voire la rancœur, de certains poids lourds du gouvernement, au premier chef les titulaires de l’Economie, Bruno Le Maire, et de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Comme faiseur de majorités au cas par cas, se montrer suffisamment attentif aux desiderata des partis d’opposition susceptibles de l’aider à faire passer certains textes. En tant que caution de gauche du président, renouer le dialogue, brisé lors de la réforme des retraites, avec les syndicats et organisations de la société civile. Une première réunion avec «les forces vives» du pays est prévue dès cette semaine. Dans cette perspective, la qualité de politicien pragmatique que l’on reconnaît à Gabriel Attal pourrait être un atout non négligeable, y compris pour sa popularité auprès des Français.
Avant lui, les plus jeunes Premiers ministres en Europe furent l’Autrichien Sebastian Kurz (31 ans), le Géorgien Irakli Garibachvili (31 ans) et la Finlandaise Sanna Marin (34 ans). Leurs mandats ont duré respectivement un an et cinq mois, deux ans, et trois ans et six mois. S’il reste à Matignon jusqu’à la fin de la législature, Gabriel Attal, avec trois ans et quatre mois, égalera presque la performance de la Première ministre finlandaise et dépassera largement celle de ses prédécesseurs macronistes. Belle et ardue expérience politique, d’autant que l’on peut déjà parier qu’elle ne sera pas la dernière. En matière d’ambition, Macron a trouvé son dauphin.
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