Gérald Papy

Faut-il nécessairement s’afficher comme pro-palestinien ou pro-israélien?

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Les relations entre Israéliens et Palestiniens charrient un héritage très lourd dans un camp comme dans l’autre, la Shoah pendant la Seconde Guerre mondiale pour les premiers, une forme de nettoyage ethnique lors de la création de l’Etat hébreu en 1948 pour les seconds. Elles sont d’une extrême complexité, que l’absence de résolution du conflit pendant 75 ans a forcément accrue. Pourtant, quand une guerre éclate, s’installe rapidement le règne des simplifications politiques et de l’occultation du passé. Faut-il nécessairement s’afficher comme pro-palestinien ou pro-israélien? L’époque ne laisse-t-elle plus aucune place aux nuances?

Dans la phase actuelle du conflit, on peut soupçonner le Hamas de crimes de guerre parce que ses militants se servent de la population civile comme de boucliers humains, y compris sous ou aux abords des hôpitaux. Mais on peut se poser la même question sur l’attitude de l’armée israélienne quand elle recourt à des moyens et des méthodes ostensiblement susceptibles de mettre en danger des civils pour atteindre ses objectifs de guerre et pour épargner, autant que faire se peut, ses hommes.

«La sympathie envers Israël ne dure jamais très longtemps», constatait récemment, sur un plateau de télévision, Nicole Bacharan, politologue spécialiste des Etats-Unis. Si ce constat a un fond de vérité, il n’est pas inutile de déceler ce qui amène à le poser. On voit bien, un mois et quelques jours après le déclenchement de la guerre entre Israël et le Hamas, que l’empathie manifestée à l’endroit de la population israélienne depuis le 7 octobre tend à être submergée dans les pays occidentaux, y compris dans le chef de leurs dirigeants, par la solidarité exprimée à l’égard de la population civile de la bande de Gaza, meurtrie par une campagne de bombardements sans précédent. L’évolution des sentiments est logique en regard de la disproportion perçue dans les représailles d’Israël.

Mais pour les Israéliens, cette guerre ne ressemble à aucune autre menée contre les Palestiniens. Elle l’est contre un groupe terroriste, le Hamas, qui a attenté à l’existence même d’Israël, Etat refuge, en tuant, avec une cruauté innommable, des centaines d’Israéliens parce qu’ils étaient juifs. Un acte potentiellement constitutif d’un crime contre l’humanité. Cela ne justifie pas la disproportion de la réplique et les crimes de guerre, mais aide à appréhender le ressenti de ceux qui en sont les auteurs présumés.

L’adage formulé par Nicole Bacharan pourrait être complété par celui-ci: la solidarité avec les Palestiniens n’est jamais très productive. Si cela avait été le cas, ils géreraient aujourd’hui un Etat autonome et viable. Au lieu de cela, eux aussi renouent avec les démons du passé. Le déplacement de population dans la bande de Gaza ravive le souvenir douloureux de la Nakba, la grande catastrophe de l’exil forcé de 1948, début du dépeçage de leur terre qui n’a jamais cessé depuis.

Ces éléments de contextualisation n’apporteront pas la paix au Proche-Orient. Mais la prise de conscience de l’enjeu existentiel du conflit pour les Israéliens et les Palestiniens devrait pousser les dirigeants réellement respectueux de la vie humaine dans le monde à l’appréhender dans toutes ses dimensions.

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